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Jésus au-delà du « Fils de Dieu »


2 mai 2022

José Arregi


 

transmis par Michel Leconte
 

Seconde partie du texte de l’intervention de José Arregi au 1er Congrès international (télématique) « Au-delà des religions », intitulée « Quel Dieu, quel Jésus, quel christianisme ? » (Voir la première partie)

 

Dans la deuxième de ses célèbres Douze Thèses, John Shelby Spong déclare : « Puisque l’on ne peut plus penser à Dieu en termes théistes, il est insensé d’essayer de comprendre Jésus comme l’incarnation d’un Dieu théiste. Par conséquent, la christologie ancienne est en faillite ». Je propose 3 réflexions à ce sujet :





Jésus au-delà du « Fils de Dieu »


 

 

 

1. Au-delà du dogme et de l’histoire

 

Tous les dogmes christologiques sont formulés dans le cadre d’une vision du monde et d’un langage théistes. Ils affirment que Jésus est la seule incarnation complète de l’Entité suprême Dieu : dans un univers ou multivers infini (non pas au sens « philosophique » propre, mais plutôt au sens physique), Dieu se serait pleinement incarné il y a seulement 2000 ans, dans un homme juif de l’une des espèces humaines connues, l’Homo Sapiens, sur une planète d’une des innombrables étoiles des innombrables galaxies du cosmos, dont l’histoire de 13,8 milliards d’années n’est peut-être qu’une des nombreuses histoires d’un multivers infini. De plus, les dogmes affirment que Jésus est né d’une mère vierge, qu’il a accompli des miracles (« brisant » les lois de la nature, même si nous sommes loin de les connaître toutes), qu’il est mort sur la croix pour expier nos péchés, et qu’il est ressuscité et est apparu miraculeusement, physiquement. Cette christologie s’effondre. Jésus me demande un autre langage pour parler de son Mystère, qui est le Mystère de tout ce qui est, y compris de nous-mêmes.

 

Mais quand je dis « Jésus », je ne parle pas du « Jésus strictement historique », dont nous savons très peu de choses avec une totale certitude. Je veux dire le « Jésus des évangiles ». Ces récits sont eux-mêmes pluriels, voire contradictoires, et ont été élaborés dans les premières communautés chrétiennes et rassemblés principalement dans les évangiles (canoniques et « apocryphes »). Aujourd’hui, bien sûr, il faut lire tous ces récits de manière libre et inspirée, en cohérence avec les différentes formes de savoir.

 

Je regarde Jésus comme un symbole ou une icône de l’être humain en communion avec tous les vivants. En tant qu’icône de l’être humain engagé de manière inspirée en faveur de la pleine communion, la pleine libération, la pleine guérison et la pleine félicité partagée. Comme une icône de l’espérance anticipée.

 

Je regarde Jésus comme une icône de la confiance profonde dans la Plénitude du Réel, dans la Source Première, dans le Cœur battant de tout ce qui est, dans le Souffle qui insuffle et soutient la Vie. Jésus l’a appelé « Dieu » et, selon la culture juive de son époque, l’a imaginé d’une manière que nous qualifierions aujourd’hui de théiste, mais il a transcendé et enseigné à transcender toutes les images et doctrines apprises. Je regarde Jésus comme un symbole réel, proche, concret, interpellant, compatissant de l’Absolu, comme une personne-symbole que nous pouvons écouter, à qui nous pouvons parler, aimer et faire confiance.

 

Et que ce soit clair : je ne regarde pas Jésus de cette façon parce qu’il est la figure unique ou parfaite ou supérieure aux autres, mais parce que sa figure est une partie singulière de mes racines, de nos racines culturelles et spirituelles, personnelles et collectives.


 

2. Jésus était-il un homme parfait ?

 

Jésus, un être humain comme nous ? [2] tel est le titre du dernier livre du savant jésuite Roger Lenaers. Le théologien belge nous invite à libérer Jésus des vêtements mythologiques des évangiles et du langage des dogmes ultérieurs. Il insiste sur le fait que Jésus n’était pas un être hybride composé d’une double nature (humaine et divine) dont l’ « hypostase » ou sujet ou centre personnel serait la « personne divine », le Logos, la « deuxième Personne de la Sainte Trinité ». En ce sens, dit Lenaers, Jésus » était une personne humaine comme nous » (p. 158), et avait donc » les mêmes besoins, désirs et réactions que nous » (p. 158).

 

Cependant, Lenaers affirme également que Jésus ne se situe pas au « faible niveau d’évolution qui est le nôtre » (p. 52). » Homme comme nous, il devait avoir les mêmes besoins sexuels que nous, mais il les gérait manifestement différemment de l’être humain moyen et n’en était pas dépendant, mais intérieurement libre, avec la même liberté qu’il montrait face à l’argent, aux apparences et aux critiques de ses adversaires » (p. 158).

 

Jésus aurait donc été un Homo Sapiens parfait. Mais n’est-ce pas une contradiction dans les termes ? Nous sommes par définition le fruit merveilleux et fragile d’une évolution aléatoire, essentiellement inachevée et ouverte. Peut-on seulement concevoir un être humain de notre espèce doté d’une intelligence parfaite, d’une volonté parfaite, d’une émotivité parfaite, d’une spiritualité parfaite… ?  D’ailleurs, pourquoi ne devrions-nous pas imaginer que sur une planète lointaine existe déjà ou que sur notre propre planète, dans des millions d’années ou dans seulement 100 ans ou moins, il existera une espèce – humaine, transhumaine ou posthumaine – plus « humaine » – solidaire et heureuse – et donc « divine » que nous tous, y compris Jésus ?

 

Pouvons-nous raisonnablement imaginer un Jésus qui n’aurait jamais souffert de querelles, de rancœurs et de ressentiments, qui n’aurait jamais connu l’envie, la cupidité et l’orgueil, qui n’aurait jamais vacillé et succombé dans sa confiance, sa solidarité et son espérance ? Si c’était le cas, il ne serait pas humain. Et je ne peux que l’imaginer comme une personne humaine, faite comme nous tous d’argile animée par l’Esprit ou le Souffle, d’argile pleine de lumière et d’ombres. Ce n’est que pour cela, et non parce qu’il était parfait ou même le plus parfait, qu’il peut continuer à m’inspirer.


 

3. Jésus peut-il encore nous inspirer ?

 

Je suis absolument convaincu qu’il le peut. Mais je vais parler pour moi-même. Je laisse bien sûr de côté ce que je trouve peu ou pas inspirant, et je m’ouvre à ce qui m’encourage. Si je suis inspiré par Laozi (qui n’a même pas existé) et le Popol Vuh ou le silence du coucher du soleil, pourquoi ne serais-je pas inspiré par Jésus ?

 

Je suis inspiré, par exemple, par sa profonde confiance dans la Profondeur de la Réalité. Je suis inspiré par le fait que Jésus libère Dieu du système religieux sacrificiel et sacerdotal du temple et des « traditions humaines », et nous renvoie au Mystère ultime qui « relève les humbles de la poussière et renverse les puissants de leurs trônes », qui cherche le perdu et se réjouit de le trouver, qui « justifie » le collecteur d’impôts contre le pharisien, qui fait pleuvoir sur les bons et les mauvais, qui annonce par la bouche du « dernier prophète » le Jubilé de la grâce et de la libération…..

 

Je suis inspiré par sa personnalité de prophète charismatique itinérant, et par le fait que, dans sa vie itinérante, il était accompagné par des hommes et des femmes sur un pied d’égalité, au grand scandale des gens bien. Je suis inspiré par sa sensibilité, son esprit, sa praxis fraternelle-sororale : « Vous êtes tous frères/sœurs ». Je suis inspiré par son insistance sur le fait que « je veux la miséricorde et non des sacrifices », sa compassion, sa convivialité ouverte, le pouvoir de guérison qu’il suscitait chez les malades (« ta foi t’a guéri »), et le fait qu’il ne se souciait pas du péché (la « culpabilité »), mais de la souffrance. Je m’inspire de la profonde » révolution des valeurs » qu’il a opérée, attribuant aux pauvres et aux derniers les valeurs que l’on attribuait habituellement à l’aristocratie (magnanimité, paix, générosité, filiation divine, sagesse…), et revalorisant les valeurs des pauvres (hospitalité, économie familiale de réciprocité…). Et je suis inspiré par sa liberté intérieure et publique face au pouvoir politico-religieux, qui l’a conduit à risquer sa vie jusqu’à la perdre (et donc la gagner) complètement.

 

Mais en définitive, il ne s’agit pas d’adhérer à des croyances, qu’elles soient anciennes ou modernes. Il s’agit d’avoir des racines qui nous nourrissent et un sol sur lequel nous pouvons marcher dans la confiance. Il ne s’agit pas de croire ou de ne pas croire, mais d’abandonner son cœur, de faire confiance à la Réalité, de devenir un Samaritain compatissant envers toute créature souffrante, et d’être ce que nous SOMMES éternellement. Voilà ce que c’est vraiment croire en Dieu, indépendamment des croyances. Et c’est le moyen de créer Dieu ou de recréer le monde.

 

 

 

2 : voir Jésus, une personne humaine comme nous sur la page Pour une autre foi chrétienne.

 


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