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Du Zapping à la Rencontre


Mobilités contemporaines et mobile de Dieu

 

Laurent Schlumberger


Édition Olivétan

112 pages - 14 €


 

recension Gilles Catelnau



21 mars 2018

Le pasteur Schlumberger a exercé pendant sept années le mandat de président du Conseil national de l’Église protestante unie de France. Il poursuit désormais son ministère dans la petite paroisse qui se nomme justement « la Rencontre », rue des Petits-Hôtels à Paris. Elle est située au cœur du Paris des exilés et des voyageurs.

Il regarde la vie du monde d’un œil vif et lucide, la décrit et nous en rend conscients. C’est dans l’épaisseur de ce monde-ci qu’il nous montre la présence de Dieu agissante et en mouvement.

Ce livre donne le texte des conférences de carèmes diffusées en 2018 sur la radio France-Culture.

En voici des passages.

 

1
Mobilités dans l’espace et ses limites

Page 14

La ville devient un monde, et le monde, une ville. De plus en plus, nous retrouvons dans ces méga-cités les mêmes lumières, les mêmes moyens de transports, les mêmes violences, les mêmes chaînes de magasins. Et s'impose cette impression que lorsqu'on est à Tokyo, New-York, Sao Paulo, Bombay, Le Caire, Dacca ou Londres, on se trouve dans des variantes de la même ville. Et grandit cette idée que l'on devrait pouvoir circuler de l'une à l'autre, partout s'y déplacer - ce n'est qu’une question de moyens.

 

Aspect des mobilités contemporaines

Page 17
En une cinquantaine d'années, le trafic ferroviaire voyageurs en France a été multiplié par quatre, le réseau autoroutier par plus de 30 et le trafic aérien mondial par... 600.

 

La question du sens de la marche

Page 20
Le peuple d'Israël a été constitué comme tel pendant l'Exode, pendant cette marche vers la terre promise par Dieu. Durant cette marche, Israël a connu la première de ses tentations majeures: ne pas prendre au sérieux la promesse. Qu’il a été difficile de quitter l'Égypte, douloureuse sans doute mais où l'on était fixé ! Et comment garder foi dans la promesse en plein milieu d'un désert où l'on a faim, soif et où la ligne de l'horizon n'est pas encore verte ? C'est parce qu'Israël n’a pas su laisser sa marche être orientée par la promesse qu’il a tourné en rond, pendant quarante ans.

[...]

Quand nous sommes ou quand nous voulons être toujours plus mobiles, quel est donc notre mobile ? Après quoi marchons-nous ? Après quoi courons-nous ? L’important, est-ce le but ? Est-ce la marche elle-même ? Est-ce ce qui se révèle au fur et à mesure de la marche vers un but, c'est-à-dire ce dont le déplacement est l'occasion ?

 

 

2
Mobilités dans le temps et ses métamorphoses

 

Nos expériences du temps

Page 26
Il y a le temps rapide et le temps lent : celui qu’on ne voit pas passer, dans les moments de plaisir ou d'engagement intense, et celui qui n'en finit pas de passer, dans un embouteillage ou quand on doit fournir un effort absurde. Il y a le temps imperceptible comme après une nuit de bon sommeil et le temps infligé, lorsqu'on est incarcéré en prison. Il y a le temps qui s'arrête avec la maladie et le temps qui repart avec la guérison. Il y a le temps continu et le temps haché : le temps continu comme lorsqu’on contemple un coucher de soleil jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière l'horizon, le temps haché par les connexions-sms, notifications, téléphones, mails - qui peuvent venir sans cesse interrompre le flux de ce qu'on est en train de faire.

 

Englués dans un présent trépidant

Page 32
Nous sommes plus conscients qu’autrefois de ce que l'histoire n’existe pas en elle-même et qu’elle est toujours une construction. Mais cet acquis s'accompagne parfois d'une sorte de dévalorisation de l'histoire en elle-même, par principe. Il arrive à l'histoire ce qui arrive à la température des prévisions météo : c'est de plus en plus le « ressenti » qui compte. L’individu-roi, qui suspecte par principe toute autorité extérieure, a tendance à réfuter ce qui n'est pas validé par sa propre expérience. Les épisodes récents à propos de ce qu’on a appelé les fake news où les « faits alternatifs » sont un symptôme extrême et absurde de cette primauté accordée au ressenti et à son caractère indiscutable.

 

L’espérance, ou :
l’éternité à la rencontre d’aujourd’hui


Page 36
Voilà l'espérance : passer par demain pour être mis en mouvement aujourd'hui. Cette mobilité à laquelle les Ecritures nous invitent, c'est comme un renversement du temps : saisir ce moment, cette occasion, ce kairos comme dit le grec du Nouveau Testament, c'est-à-dire cette éternité de Dieu qui vient rencontrer notre aujourd'hui. Dans notre présent circulaire et répétitif, ou trépidant dans une course sans fin et désorientée, les Écritures nous ouvrent à un avenir, déjà accompli, qui déverrouille le présent. Elles nous invitent à tirer maintenant les conséquences de demain.

 

3
Mobilités dans la culture et ses écarts

 

La Bible, phénomène interculturel par excellence

Page 41
C'est la raison même d'être des Écritures bibliques que de conduire leur lecteur, lecteur individuel ou lecteur collectif, dans des déplacements, des écarts, des cheminements, bref des mobilités, susceptibles de bouleverser sa vie. C'est en cela qu’elles ont autorité : lorsque leur lecture est l'occasion d'une transformation, d'une réorientation, d'une avancée de l'existence.

Or si les Écritures bibliques ont cette capacité, c'est parce qu’elles-mêmes sont le fruit de mobilités à travers les espaces, les temps, les langues, les cultures. Elles ont tant traversé de réalités humaines diverses qu'elles ont ainsi acquis un caractère universel, non pas d’un universel théorique et surplombant, mais universel au sens où cela concerne chaque lecteur là où il en est.

[...]

La Bible n'est pas un bloc homogène, sacré, tombé du ciel et en prise directe avec notre culture contemporaine. Elle déploie devant ses lecteurs un monde, à explorer. Quand nous ouvrons la Bible, nous devenons des voyageurs dans ce monde, fait de tant de paysages, habité de tant de personnages et de peuples, pétri de tant de langues et de cultures. Nous devenons mobiles pour explorer ce monde et, le découvrant, pour découvrir notre vie devant Dieu.

 

4
Mobilités dans l’existence et ses potentialités


Du désir d'autonomie au rêve d'indépendance

Page 53
Nous rêvons toujours plus notre vie comme une succession de nouveaux départs : voyez les émissions télévisées consacrées à tous les relooking possibles et imaginables, les méthodes pour repartir à zéro, les conseils pour « enfin devenir soi-même », les modes managériales axées sur le changement permanent, les born-again qui ont le vent en poupe au sein de toutes les religions, les partis politiques qui se transforment en mouvement. À ce sujet, songeons tout simplement au dernier épisode politique important en France, il y a un an, structuré autour de l'éclosion soudaine d'un mouvement, « En marche ! » qualifié non plus par un but mais par la mobilité elle-même.

Parler de vie liquide n'est donc pas seulement une manière de décrire des évolutions sociales - notre société est de plus en plus mouvante et nous y sommes toujours plus mobiles - ; c'est aussi une expression qui dit le modèle auquel nous essayons individuellement de nous conformer : il nous faut être mobile. La mobilité est une injonction.

 

 

5
Le Dieu mobile

 

Page 65
Le plus souvent, il est assis en majesté. Au milieu de gros nuages denses et voluptueux, il siège sur un trône lourd et stable. Derrière ces nuées, un ciel d'azur immuable, intense et transparent à la fois. Parfois, il est environné de quelques êtres célestes et vaporeux; parfois au contraire, il est seul. Toujours, il arbore une imposante, une vénérable barbe blanche. Car il est toujours masculin, mais d'un masculin âgé, comme hors du temps. Éthéré, immuable, éternel, immobile : voici Dieu. Dieu, ou plutôt sa représentation la plus convenue, la plus banale pour nous, celle qui, dans notre culture, vient sans doute le plus spontanément à l'esprit.

Le Seigneur de la danse

Page 76
C'est parce que Dieu est mouvement, parce qu'il est mobilité et dynamisme, qu’il agit et intervient, qu'il s'avance et se déplace.

[...]

Dieu est mouvement, dynamique, mobilité, autant que peut l'être une danse multidimensionnelle. Il est, comme l'ont repris des théologiens contemporains, le Seigneur de la danse.

 

6
Le mobile de Dieu

 

La joie de la rencontre

Page 96
Le Dieu des Écritures bibliques, lui, n'est pas le Dieu des immobilités. Il n’est pas le Dieu des places assignées et immuables. Il est même tout le contraire, parcourant l'histoire et traversant les cultures, abaissant les grands et élevant les petits, délaissant les religieux et cherchant les païens. Dieu singulier, qui s'adresse à chacun, et Dieu universel, qui nous accueille tous.

Il est le Dieu qui refuse de se laisser capturer par les prétentions religieuses. Il est le Dieu mobile, mû par le désir de la rencontre et par la plénitude de joie partagée que fait naître cette rencontre. C'est là le mobile de sa mobilité.

Ainsi, devant ce Dieu vivant, nous nous découvrons comme des êtres de rencontre. Des êtres non pas de fuite éperdue, ni de quête épuisante. Mais des êtres que Dieu cherche jusqu'à ce qu'il nous trouve. Et quand il nous a trouvés, nous sommes chez nous, où que nous soyons, car nous sommes avec lui. Rencontrés par Dieu, nous sommes des êtres appelés à rencontrer à notre tour, dans cette promesse de fraternité que Dieu sème à tout vent, inlassablement.

 

Vivre, pour qui ?

Après quoi courons-nous ? Pour quoi sommes-nous vivants ? Pour quoi vivons-nous ? Sauf dans de très rares et exceptionnelles circonstances, cette question de toujours – « vivre, pour quoi ? » - ne reçoit pas de réponse qui nous satisfasse. Peut-être parce que, formulée ainsi, elle n’est pas placée de manière très juste. À la lumière du Dieu vivant, tel que Jésus-Christ nous le fait connaître, tel que les Écritures bibliques nous en parlent, à la lumière du Dieu vivant qui se mobilise pour nous rencontrer, la question « vivre, pour quoi ? » devrait sans doute devenir « vivre, pour qui ? ».

Lorsque je laisse de côté, ne serait-ce qu'un moment, la question «  pour quoi est-ce que je vis ? » et que je me laisse saisir par la question « Pour qui est-ce que je vis ? », c'est comme si une lumière venait rendre méconnaissable un paysage pourtant bien connu. Comme si l'air que je respirais était d'un coup renouvelé. Je passe du concept à la relation, de l'à-quoi-bon à la promesse, de l'inquiétude à la gratitude. Et du zapping à la rencontre, semence de joie partagée.

 


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