Ce livre comporte plus de 20 prédications, introductions à des synodes etc. que le pasteur Laurent Schlumberger à données durant sa présidence de l’Église réformée de France puis de l’Église protestante unie de France.
Fondées sur sa très grande connaissance des diverses paroisses et œuvres protestantes, ses interventions encouragent, animent, réveillent, ouvrent des horizons de réflexion et d’espérance.
Laurent Schlumberger fait prendre conscience aux protestants de la place – non négligeable – qu’ils tiennent dans la société française, il les met en garde contre le découragement comme aussi contre l’autosatisfaction et les ouvre à une fidélité nouvelle à l’évangile pour le 21e siècle
En voici quelques exemples :
Une Église qui fait signe
Jalons
pour une Église d’hospitalités
Message au Synode national d’Orléans, en mai 2011
[...]
Un renouvellement de notre Église est à l'œuvre
page 70
Notre Église va plutôt mieux que ce que l'on dit souvent. Il ne faut pas craindre de le constater sereinement. Dire cela atténue peut-être cet arrière-goût un peu inquiet ou même dramatique qui héroïse parfois vaguement notre vie d'Église, et que nous ne dédaignons pas parce qu'il renforce notre côté « petit reste » ou village gaulois irréductible. Mais si je ne craignais pas d'être à tort qualifié d'optimiste - je dis à tort parce que ce n'est pas la question et je reviendrai tout à l'heure sur ce mot - je dirais même volontiers que notre Église va plutôt bien.
Ciel ! 0n pourrait donc être Église aujourd'hui sans verser dans la lamentation d'un côté ou le triomphalisme de l'autre ? Je le crois. Et voici trois raisons de le penser, par ordre d'importance croissante.
Le renouvellement des ministres est encourageant
D'abord, le renouvellement des ministres est encourageant. À l'échelle d'une génération, le nombre des ministres au service de l'Évangile dans notre Église est stable. Il y a des hauts et des bas, des périodes d'expansion et d'autres de tassement, mais la tendance constatée est à la stricte stabilité.
C'est une réalité profondément réjouissante. Elle est réjouissante au regard de ce que l'on constate dans de nombreuses Églises, qui connaissent parfois de graves « crises de vocations » comme on dit.
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Le renouvellement des membres de notre Eglise est important
Deuxième source de reconnaissance : le renouvellement des membres de notre Église est important.
Le sondage IFOP publié à l'occasion du colloque sur Les protestants en France à l'automne dernier a indiqué que 11 % des protestants luthéro-réformés ne sont pas d'origine protestante. Pour plusieurs raisons, que je ne détaille pas ici, et d'accord avec plusieurs des chercheurs qui ont analysé ce sondage, on peut considérer que ce chiffre est sous-évalué. Le fait n'est pas en soi nouveau : le protestantisme a toujours accueilli des personnes qui découvraient la foi chrétienne à son contact. Ce qui est nouveau, c'est l'accentuation de ce phénomène et surtout sa banalisation.
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Une phase d'élargissement théologique et spirituel
La troisième source de reconnaissance au sujet du renouvellement de notre Église est, à mes yeux, la plus importante : nous sommes dans une phase que je qualifierais d'élargissement théologique et spirituel.
Pendant longtemps, dans notre Église, il a fallu choisir. Choisir son courant, choisir son engagement, et donc écarter les autres possibles. Il fallait cliver. Le choix de telle option théologique, l'adhésion à tel mouvement, la lecture de telle revue ou de tel journal, était un acte militant. Malheur à qui n'était pas dans la bonne ligne - comprendre: la mienne -, il était suspect. Du coup, les excès, avec leur dimension d'exclusive, avaient parfois un effet paralysant. De la spiritualité ? oui, mais pas trop : ça fait catholique ! De l'action sociale ? Oui, mais pas trop : l'Église ne fait pas de politique ! De l'évangélisation ? 0ui, mais pas trop : on n’est pas des évangéliques ! Aujourd'hui, l'ambiance me paraît plus détendue.
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Mais des blocages freinent ce renouvellement
page 77
Une Église pas assez libre pour accepter d'être attirante
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Retenons un seul chiffre : 1 %. Grosso modo, notre Église perd 1 % de membres chaque année, depuis des années. « 0n s'en fiche ! L’Église n'est pas là pour rencontrer le succès ! Comparé aux cathos, c'est pas si mal ! Small is beautiful ! Moins on est nombreux, plus c'est signe qu'on est prophétique ! » Etc. Il y a du vrai dans ces réactions, qui sont souvent les nôtres. Mais ce n'est pas du tout la question ! La question, c'est : qu'est-ce que ça veut dire, cette baisse régulière ?
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Je crois pour ma part que si notre Eglise connaît cette tendance durable, c'est qu'elle n'est pas vraiment, ou pas suffisamment, attirante.
Derrière ce moins 1 % régulier, il y a beaucoup de mouvements, bien sûr. ce n'est pas une tendance uniforme : il y a des arrivées ici, je l'ai dit ; il y a des départs là ; et il y a donc plus de départs que d'arrivées.
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Notre attitude est si souvent : « ah, mais ce n'est pas si simple que ça ! 0n ne peut pas dire ça comme ça ! On pourrait dire aussi que, il ne faut pas oublier que... » Dans un colloque ou à la faculté de théologie oui, bien sûr ; c'est le lieu ! Mais quand cette attitude marque toute notre vie d'Église, c'est insupportable.
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L'alternative n'est pas, bien entendu, une foi simpliste, un catéchisme à ingurgiter, un prêt-à-penser. L'alternative, c'est d'oser nous exposer avec notre foi telle qu'elle est. L'alternative, c'est une foi qui se donne à percevoir dans nos mots et nos gestes à nous, des mots et des gestes habités, simples. Les mots d'un ami qui dit à un ami ce qui est essentiel dans sa vie, même s'il le dit un peu maladroitement. Les mots d'un grand-parent qui essaie de dire quelque chose de fondamental à son petit-enfant. Être simple, ce n'est pas être primaire, simpliste, benêt. Être simple, c'est ne pas être double, triple, quadruple. Car quand on est double, triple ou quadruple, c'est qu'on n'est pas là dans la rencontre, c'est qu'on cherche à être ailleurs, insaisissable, fuyant peut-être.
De la peur à l'encouragement
Dans l'Église, des inquiétudes réactivées
Un synode qui a fait événement
page 147
Le Synode national du Lazaret, l'an dernier, aura incontestablement eu un grand retentissement par l'impact médiatique et par les contrecoups de sa décision 30 *. Mais résistons un peu à cet air du temps qui nous pousse à privilégier l'immédiat sur le durable, à retenir l'image plus que la réalité, à préférer le « clivant » comme on dit sur le fédérateur. Sur le long terme, quel sera le legs de cette décision ? comment sera-t-elle relue, dans sa préparation, son fond, sa forme, ses suites ? Pour ma part, je reste prudent.
Pour certains, et mise à part sa dimension médiatique, cette décision fut en quelque sorte un non-événement. Ceux-là s'étaient rappelé plusieurs des thèmes abordés dans notre Église depuis une vingtaine d'années, centrés sur l'accueil et l'accompagnement des personnes, des couples et des familles tels qu'ils sont. Ceux-là n'oubliaient pas qu'un travail synodal a plusieurs étapes, qui font chaque fois évoluer le thème, et ils avaient observé la concentration progressive, par les paroisses puis les synodes régionaux, sur la question des couples de même sexe. Ceux-là avaient entendu, des mois avant le synode du Lazaret, les avis demandant très largement à rendre possible une bénédiction pour les couples mariés de même sexe. Ceux-là n'avaient pas oublié que les délégués synodaux, que vous êtes, se déterminent « selon la conviction [qu'ils ont] acquise à l'issue des débats » et non pas sur un mandat préalable, avec la responsabilité non pas de faire triompher une ligne, mais de formuler la parole de notre Église à ce moment-là.
[...]
Outre ces critères, l'événement fut également considéré comme négatif par ceux qui méconnaissent les usages synodaux. Qui font mal la différence entre, d'une part, un débat synodal dans notre Église, au fil duquel on élabore progressivement une parole commune qui peut différer de sa position propre, et, d'autre part, le jeu des postures, de l'affrontement et surtout de l'instantané, qui marquent de plus en plus ce qu'on appelle les « débats » dans la sphère publique, mais qui en général n'en sont pas - et cette tension-là n'a pas fini d'interroger notre pratique du régime presbytérien-synodal. 0n a même entendu, avec une certaine insistance, des appels à ce que les décisions dans l'Église soient prises sur sondage, ce qui est très exactement l'opposé du travail synodal, dans lequel la lecture des Écritures, la prière et le débat in vivo, et non par écrans interposés, ont non seulement pour effet, mais pour but déclaré de faire évoluer chacun !
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* La « décision » (texte adopté par le Synode national) à laquelle il est fait allusion était intitulée « Bénir. Témoins de l'Évangile dans l'accompagnement des personnes et des couples » ; c'est une décision de 4 pages. Elle dispose notamment, en son point 4.2.2 : « Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu'ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l'Église protestante unie. Il ouvre la possibilité, pour celles et ceux qui y voient une juste façon de témoigner de l'Évangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples mariés de même sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu. »
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