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Dialogue interreligieux


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Etre adulte
c'est apprendre à vivre
avec ses failles

Rabbin Delphine Horvilleur



L'hebdomadaire protestant Réforme
a choisi d’ouvrir ses colonnes à la rabbin Delphine Horvilleur,
comme un symbole de l’amitié fraternelle entre juifs et protestants.
Voici un extrait de ce grand article.


 

Propos recueillis par Louis Fraysse et Claire Bernole

 

 

22 décembre 2022

Restent les histoires, dites-vous

On dit souvent en français qu’il faut «arrêter de se raconter des histoires», mais il faudrait enseigner l’inverse! C’est en se racontant des histoires que l’on célèbre la vie, que l’on peut se relever lorsque tout semble vain. Certes, toutes les histoires ne se valent pas; certaines enferment, amenuisent, voire font de vous un criminel. Ces dernières années, la France a subi des attentats menés par des gens qui croyaient dur comme fer aux histoires qu’on leur avait racontées. Raconter, se raconter des histoires ne suffit donc pas, et il importe toujours de garder une distance critique.

Cette réflexion vaut d’autant plus au sein du monde religieux: à partir des textes que juifs et protestants ont en commun, je peux raconter toutes sortes d’histoires, des belles et des laides. Je peux ainsi citer des histoires de la Torah qui prônent l’émancipation des femmes, mais je peux en convoquer d’autres qui témoignent d’une sacrée misogynie; je peux vous raconter des histoires qui célèbrent l’amour du prochain, ou alors des récits puissants incitant à la méfiance vis-à-vis de l’étranger, des histoires qui encensent le nomadisme et d’autres qui confortent le pire nationalisme… Que cela nous enseigne-t-il? Sans doute que chacun d’entre nous a une certaine responsabilité vis-à-vis des histoires qu’il choisit de faire siennes.


Vous confiez que cette question vous « passionne » aujourd'hui

Ce que j’ai appris depuis que je publie des livres, c’est que le lecteur a un rôle actif dans le sens même que prend le texte, un rôle sans doute plus important que celui de l’auteur. Je m’en suis particulièrement rendu compte avec mon dernier ouvrage, Il n’y a pas de Ajar, qui est joué au théâtre, et donc interprété: en assistant aux représentations, j’ai à plusieurs reprises été sidérée par le culot du texte, ce que l’on appelle en hébreu la ‘houtspa, je ne reconnaissais pas mes mots, je ne cessais de me dire que je n’avais pas pu écrire des choses pareilles… Un texte dit toujours beaucoup plus que ce qu’il dit, et cela vaut aussi pour les textes sacrés.

J’ai bien conscience du caractère subversif de ce que je vous confie là, mais je pense que le lecteur humain est potentiellement plus puissant que l’auteur divin. La force d’un texte sacré est qu’il n’a jamais fini de parler; ceux qui s’en emparent peuvent dès lors l’emmener dans des directions radicalement opposées à celles que ses auteurs avaient envisagée, ce qui implique une grande responsabilité. Pour un auteur, c’est aussi une leçon d’humilité d’admettre que ce que l’autre va entendre n’est sans doute pas ce que vous aviez voulu dire, d’accepter que cela vous échappe.


On est loin ici d’une approche fondamentaliste des textes religieux
!

Aucune œuvre ne peut traverser les millénaires à moins d’être réinterprétée en permanence. Mais cela oblige le lecteur à faire preuve d’un minimum de bonne foi, à reconnaître que ce qu’il comprend, ou croit comprendre, n’est pas forcément ce qui est écrit. Voilà ce qu’il faudrait rappeler en permanence à tous les intégristes du monde, qui sont tellement persuadés d’interpréter parfaitement la volonté de Dieu quand ils lisent les textes. Quelle prétention! En réalité ils n’en savent rien, ils interprètent eux aussi le texte à la lueur de leur temps, culture, de leur bonne ou mauvaise possession du langage, de leur finesse d’oreille ou de leur nullité d’écoute… Ayons l’humilité d’admettre que nous sommes foncièrement limités dans notre compréhension des textes, qui dépend énormément du caractère par essence unique de notre existence. Soyons assez humbles pour admettre que nous ne savons pas réellement ce que tel ou tel mot signifiait pour une tribu nomade du Iersiècle ou pour Maïmonide plus de mille ans plus tard. Ce que nous comprenons des textes ne dit pas tout d’eux.


N'existe-t-il pas dans le judaïsme de tradition prônant une lecture littérale de la Torah ?

Dans la tradition juive, il est une idée chère: toute lecture est filtrée par l’oreille du lecteur, c’est-à-dire son corps, qui a un temps donné. Le judaïsme a d’ailleurs poussé très loin ce refus de la littéralité. Même l’exégèse la plus littérale, que l’on appelle pshat en hébreu, s’éloigne sensiblement d’une lecture purement textuelle. Le meilleur exemple est la célèbre expression «œil pour œil, dent pour dent», qui revient telle quelle à plusieurs reprises dans la Torah. Même les rabbins attachés à la pshat soutiennent que le sens du texte n’est pas d’arracher un œil si un œil a été crevé, mais de convenir d’une compensation financière, d’un dédommagement pour le dommage causé. Il en va de même pour quantité de versets, et une lecture purement littérale est à mon sens un affront fait à l’intelligence du texte.

Foncièrement, dans la lecture juive, on accepte de faire violence au texte pour ne pas faire violence aux hommes, mais il y a bien sûr des exceptions. Je pense notamment au fait que nos lectures sont aussi politiques: on ne peut jamais totalement se débarrasser de ce que les Américains appellent nos agendas, soit notre vision du monde, nos convictions ancrées. Cela me saute aux yeux aujourd’hui en Israël: les sionistes religieux s’intéressent ainsi beaucoup aux passages de la Torah qui affirment que les juifs sont propriétaires de la terre d’Israël, mais ne citent étrangement jamais les versets rappelant que cette terre n’appartient qu’à Dieu…

 


 

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