Nouvelle

  

Le Vatican News et Gaza

Claudine Castelnau

11 novembre  2024

« Derrières les bombes sur Gaza, un plan bien préparé », titre Vatican News, le site de nouvelles du Vatican. Ce plan est connu sous le nom « plan des généraux ». C’est en fait un projet israélien d’évacuation forcée du nord de la Bande de Gaza. et il suscite l’inquiétude de la population palestinienne en général et de la paroisse de la Sainte-Famille en particulier. Cette paroisse, la seule paroisse catholique latine de Gaza, dépend de Rome. Elle sert de refuge à nombre de Gazaouis, on chiffrait à 700 les réfugiés, dont des enfants handicapés, dans le complexe paroissial. La paroisse a souffert de multiples attaques de l’armée israélienne, comme en décembre 2023, au prétexte absurde de lance-missiles qui auraient été cachés dans les locaux paroissiaux et il en été résulté la mort de 2 personnes et de 5 blessés tandis qu’un tir de char israélien avait fait plusieurs blessés et provoqué la destruction en partie du réseau électrique. Cet été Le Monde avait publié un article racontant que quelques 500 catholiques et des orthodoxes réfugiés là étaient entassés dans le complexe religieux de la Sainte Famille, avec très peu de nourriture, une heure d’électricité par jour et le fracas des bombardements tout autour d’eux. D’où l’attention particulière du pape et cette interview réalisée au Vatican d’un universitaire israélien et publiée sur le site Vatican News.

« Alors que l’attention médiatique se portait entièrement sur le Liban et sur la confrontation avec l’Iran, ces derniers jours », le professeur  Landau attire l’attention sur le fait que l’armée israélienne a repris ses bombardements intensifs sur le nord de la Bande de Gaza, causant de nombreuses victimes civiles. C’est une situation grave qui suscite une appréhension également pour le sort de la communauté chrétienne réfugiée dans la paroisse de la Sainte-Famille, qui ne se situe désormais qu’à quelques kilomètres de l’avancée des troupes israéliennes. Certains observateurs estiment qu’il s’agit du lancement du « plan des généraux », un plan qui vise à assiéger et évacuer de manière forcée le nord de la Bande, proposé dans ses grandes lignes par l’ancien général israélien Eiland. »

En quoi consiste ce « plan des généraux » ? Réponse du professeur : « Vider le nord de la Bande de Gaza de sa population, soit environ 300 000 personnes. Dans une première phase, l’armée israélienne informerait ces personnes qu’une semaine leur est accordée pour fuir vers le sud par deux couloirs humanitaires. Dans une deuxième phase, après cette semaine, la zone entière serait déclarée « territoire militaire fermé ». Ceux qui seraient restés seraient alors considérés comme des ennemis combattants et tués s’ils ne se rendaient pas. Un siège total serait ensuite imposé dans l’ensemble du territoire, intensifiant, avec l’isolement, la crise alimentaire et sanitaire. » Et il semblerait que ce plan honteux soit en cours de réalisation malgré les démentis israéliens officiels et que des militaires israéliens soit en train de mettre en œuvre une version proche de ce « plan des généraux. »

Le professeur Landau détaille dans l’interview à Vatican News : « Des dizaines de témoins font état de niveaux de destruction sans précédent, de quartiers entiers rasés au sol, d’attaques visant également les refuges afin de débusquer ceux qui cherchent à se protéger. Les massacres sont quotidiens : le 29 octobre, l’armée de l’air israélienne a bombardé massivement des immeubles densément habités [au nord de Gaza] tuant 250 personnes (dont la moitié se trouve encore sous les décombres). Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute sur le fait que le plan ait été lancé. En parallèle des destructions, les Forces de défense d’Israël (IDF) poussent les déplacés vers le sud. Même si nombre d’entre eux résistent et restent dans l’enclave […] car ils craignent de ne plus jamais pouvoir revenir. » Le professeur évalue à quelque 300 000 à 400 000 Gazouis qui vivaient dans l’enclave et que forces israéliennes sont déterminées à évacuer les 100 000 qui restent.

Et il constate : « Il est assez évident que tout cela n’a rien à voir avec l’intention déclarée de capturer les chefs restants du Hamas et de détruire leurs bases.  Désormais, depuis un mois, dans l’enclave du nord de Gaza, la nourriture et l’eau ne sont plus acheminées, à l’exception d’approvisionnements limités pour l’hôpital Kamal Adwan. Toutes les agences des Nations unies et les organismes humanitaires dénoncent chaque jour une situation humanitaire catastrophique. Je crois qu’il n’y a aucun doute sur le caractère de cette opération par rapport au droit international humanitaire, et c’est pour cette raison que le gouvernement israélien a tendance à passer sous silence sa portée réelle. » Et pour le professeur Landau, il ne fait aucun doute que « l’objectif final de ce plan est bien le rétablissement des colons israéliens au nord de la bande de Gaza.  La coalition d’extrême-droite qui soutient le gouvernement de Benyamin Netanyahou ne s’en cache pas. »

Et il détaille ce qu’est en réalité ce « projet » : la création de petites colonies pour contrôler militairement ce territoire et qui deviendront, explique-t-il, de grandes communautés comme en Cisjordanie.  Mais il prévoit aussi la bombe à retardement qu’est ce « ghetto à ciel ouvert » au-delà du Couloir de Netzarim qui coupe la Bande de Gaza en deux. Deux millions de Palestiniens qui ont fui se sont entassés au sud  et n’ont nulle part d’autre où aller. Et avec le temps, ils finiront par constituer une bombe à retardement de pauvreté, de maladies et même d'extrémisme dangereux et montant. »

On peut retrouver cette interview sur le site Vatican News.

 

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