Nouvelle

  

L'Église orthodoxe russe
interdite en Ukraine

Claudine Castelnau

9 septembre  2024

 

Le quotidien Le Monde publiait le 22 août dernier un long article sur la décision le 20 août du Parlement ukrainien d’interdire les organisations religieuses liées à la Russie en Ukraine. La loi votée par 265 députés sur 450 ouvrait ainsi la voie à une interdiction complète des activités de l’Église orthodoxe affiliée à Moscou sur le territoire ukrainien. La loi, pour être effective, devait être promulguée dans les 30 jours mais le président ukrainien Volodimir Zelensky n’a pas attendu et le 24 août, [jour symbolique où l’Ukraine célèbre son indépendance retrouvée en 1991 de l’Union Soviétique], l’Église orthodoxe russe liée au très politique patriarche Kirill de Moscou a été interdite en Ukraine. Et comme on pouvait s’y attendre, le patriarche de Moscou a accusé les autorités ukrainiennes de « persécuter » les croyants et a lancé un appel à l’aide à la communauté internationale et plus précisément aux dirigeants des autres confessions chrétiennes et aux organisations internationales pour « défendre les croyants persécutés. » Le Monde relevait « l’hostilité croissante affichée par les autorités ukrainiennes depuis 2014 envers le clergé de l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou [accusée d’être un relai de l’Église orthodoxe russe, de fait au service du Kremlin] ce qui s’observe à travers des prêches dissolvant l’identité ukrainienne dans l’identité russe et imposant un récit absolvant la responsabilité de la Russie dans l’agression militaire subie par l’Ukraine depuis 2014 qui influence sa population dans les intérêts de Moscou, Kiev lui préférant un autre clergé orthodoxe qui a obtenu en 2019 le statut d’Église autocéphale du patriarcat de Constantinople » et qui  donc a rompu de fait toute relation avec Kirill et le patriarcat de Moscou.

A cette situation s’ajoute le fort soupçon des autorités ukrainiennes de collaboration du clergé prorusse avec le FSB, les services secrets russes dont Kirill a été un membre… Et l’un des députés ukrainiens qui a voté en faveur de la loi parle « d’un inévitable nettoyage de l’intérieur du réseau d’agents du Kremlin qui s’est caché pendant des décennies derrière le masque d’une organisation religieuse [il parle de l’Église orthodoxe russe en Ukraine] » et une autre députée parle de cette Église comme d’une « filière du pays agresseur en Ukraine » et que la décision du Parlement « accélèrera le passage de ces paroisses vers l’Église orthodoxe ukrainienne indépendante de la tutelle de Moscou ».

Le Monde relève aussi que la branche ukrainienne de l’Église orthodoxe rattachée au patriarcat de Moscou était à la fois importante historiquement par ses racines à Kiev et en Ukraine mais aussi parce que près d’un tiers des 36 000 paroisses du patriarcat de Moscou se trouvent en Ukraine.

L’Église orthodoxe russe de Kirill paye aujourd’hui par la perte de nombreux fidèles, l’invasion du Donbass et l’annexion de la Crimée en 2014 mais aussi le soutien indéfectible de Kirill qui n’a pas hésité à parler de « don de Dieu» pour qualifier le règne de Poutine et l’a à maintes reprises félicité pour l’invasion de l’Ukraine. La Russie a évidemment dénoncé la tentative de Kiev de « détruire l’orthodoxie véritable » et une « persécution des chrétiens » et de mettre à sa place « une fausse Église », comprendre que l’Eglise orthodoxe ukrainienne autocéphale, reconnue par le patriarche orthodoxe Bartholomé de Constantinople,  primus inter pares du monde orthodoxe, est une « fausse Église ».

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