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Pays-Bas
Des pasteurs
homosexuels
La bénédiction des
couples homosexuels est acquise dans certaines paroisses protestantes
des Pays-Bas. Pas toutes.
Voir aussi
« Les
dossiers du Net »
18 février 2004
Vus de la France, les Pays-Bas
paraissent toujours avoir plusieurs
longueurs d'avance sur les questions de société. Ainsi
du mariage des couples homosexuels à la mairie, acquis
depuis 1998. On se souvient du bourgmestre d'Amsterdam mariant
les quatre premiers couples homosexuels du pays au douzième
coup de minuit à partir duquel la loi devenait
effec-tive...
L'Etat marie donc, sans distinction des préférences
sexuelles - on utilise le même mot trouwen (se
marier) - et on reconnaît à tous les mêmes
droits, sauf pour l'adoption refusée pour l'instant aux
couples homosexuels et on admet aussi que ses officiers d'état
civil puissent faire valoir la clause de conscience pour refuser de
célébrer...
La question d'une
bénédiction religieuse - on ne parlait pas encore de mariage -
pour les couples homosexuels s'est posée depuis longtemps aux
Eglises. Dès les années 70, donc bien avant que la
loi sur le mariage civil soit votée, d'ailleurs à la
faveur d'un gouvernement sans le CDA (partis confessionnels
catholique et protestants conservateurs, très conservateurs),
on a commencé à en débattre. Mais Robert
J. Bakker, pasteur dans la banlieue d'Amsterdam d'une paroisse
de l'Eglise unie « Samen op
Weg » (Eglise unie des
réformés, reréformés et
luthériens), reconnaît que les choses ne sont ni simples
ni claires aujourd'hui encore ! Et qu'il subsiste bien des
prises de position, après des années de débat,
non seulement entre Eglises mais à l'intérieur
même de ces Eglises, sur la possibilité d'une
cérémonie religieuse de mariage.
L'Eglise luthérienne des
Pays-Bas, de loin la plus ouverte,
accepte non seulement des pasteurs homosexuels déclarés
et vivant en couple mais offre un véritable mariage religieux
avec le même rituel que pour les couples
hétérosexuels. Dans I'Eglise réformée
d'origine de Robert, comme dans les paroisses de « Samen op Weg », on a opté, dit-il, pour une solution
sage : la paroisse locale peut autoriser - ou
refuser - une bénédiction de couples homosexuels.
La nouvelle Discipline utilise dans tous les cas le
mot « culte de
fidélité »
(trouwendienst) au lieu de culte de mariage (huwelijksdienst), ce qui
permet d'inclure les mariages homosexuels...
Des refus
Cela, c'est la
théorie. La pratique est
moins riante et si quelques paroisses réformées, dans
une grande ville comme Amsterdam, s'y sont risquées, nombre
d'entre elles ne sont pas prêtes à pratiquer de telles
cérémonies - des groupes calvinistes stricts
menacent même de quitter l'Eglise réformée si de
telles bénédictions deviennent
régulières. Et peu de paroisses réformées
envisagent de pourvoir un poste pastoral avec un(e) pasteur
homosexuel(le) vivant avec un partenaire, « même s'ils sont mariés. Il
n'y a que dix ou quinze couples pastoraux réformés
homosexuels aux Pays-Bas, la plupart dans la province de
Noord-Holland [Amsterdam], plus
libérale. La majorité des pasteurs homosexuels sont
seuls, comme moi. Et dans la paroisse [qui est au courant de sa situation] un ami m'a déjà prévenu :
dès que tu trouveras un partenaire, un groupe manifestera
évidemment son opposition ! »
D'ailleurs, Robert a lui-même
essuyé des refus lorsqu'il a voulu changer de poste.
Rien d'étonnant,
finalement. Robert se souvient que
lorsque le synode général de son Eglise
réformée avait discuté de la question,
après que les paroisses étaient supposées en
débattre, il n'y eut en fait que 50 réponses sur
2 900 paroisses...
« Ni les pasteurs, ni les
conseils presbytéraux n'étaient prêts à
entamer le débat sur un sujet aussi
conflictuel ! »
L'Eglise reréformée, théologiquement plus
orthodoxe, avait surpris en publiant en 1978 une
réflexion très ouverte et tolérante sur
l'homosexualité. Mais, dans la pratique, les candidats
homosexuels déclarés à un poste pastoral,
célibataires ou pas, vivent une situation totalement
bloquée ! Au point qu'un groupe de pasteurs
reréformés a éprouvé le besoin de publier
une réflexion (« Wie
ben ik dat ik niet doe ? » : « Qui suis-je donc que je ne fasse
pas l'affaire ? ») sur leur condition, leur
souffrance, les refus qu'ils essuient : par exemple, l'un d'eux
y raconte avoir postulé dans 42 paroisses dont
35 l'ont refusé et 7 l'ont mis sur une liste
d'attente comme « second choix »...
« Je suis
un pasteur heureux »
Gerard Verheule a quarante
ans, il est réformé au
service de l'Eglise luthérienne, dans la petite
communauté de Hoorn, sur les bords de l'Ijselmeer. Il est
aussi marié civilement depuis 1998 avec un conseiller en
entreprise « chrétien », son partenaire depuis vingt ans. Ils avaient
déjà demandé une bénédiction
religieuse en 1989, alors que la démarche était
parfaitement « illégale ».
« Nous avons fait les
choses à l'envers !,
résume-t-il en riant. Je suis
un pasteur heureux. Heureux de ma vie et d'avoir contribué
à faire évoluer la liberté des homosexuels
depuis vingt ans. »
Des problèmes avec sa
communauté, qui l'a choisi,
il faut dire, en connaissance de cause ? « Pas de problèmes, répond-il. Si
je suis sorti, c'est tout naturellement Walter qui répond au
téléphone et demande qu'on me
rappelle. »
Un regret pourtant, c'est que le choix
donné aux paroisses de « Samen op Weg » de célébrer ou de refuser les mariages
homosexuels fait que le processus se met très, trop lentement
en place.
« Les premières
unions bénies, comme la nôtre, datent des
années 71-72. Si aujourd'hui la moitié des
paroisses "Samen op Weg" acceptent sans enthousiasme, l'autre
moitié est vraiment opposée. Il faudra attendre vingt,
trente, quarante ans pour qu'il n'y ait plus de blocages, mais ce
n'est pas un drame, et les idées évoluent. Par exemple,
quand notre union "illégale" a été bénie,
on ne parlait pas encore de bénédiction de couples mais
on discutait ferme sur l'admission des homosexuels à la sainte
cène! Pour des raisons théologiques, bibliques et le
prétexte du sida. La situation a tout de même
évolué. »
Gerard est davantage
préoccupé par le lobby
évangélique ou intégriste dans les
Églises, et par certains courants musulmans de plus en plus
insistants, avec « le
risque, dit-il, de voir remises sur le tapis des questions
d'éthique réglées il y a vingt ans dans ce pays.
Il faut rester vigilant »
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"Réflexions sur l'homosexualité"
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