Article
Un procès de
canonisation
au Moyen Age
Nicolas de
Tolentino
Essai d'histoire
sociale
puf
Maître de
conférences habilité en histoire
médiévale à l'Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne
.
Interview de Didier
Lett par Claudine Castelnau
Citations
ci-dessous
19 mai 2008
Claudine Castelnau
« Un procès de
canonisation au Moyen-âge ». Il s'agit du
procès de canonisation ouvert en 1325, de Nicolas de Tolentino
(1245-1305) qui était un ermite de l'ordre de Saint-Augustin.
La question qui vous a intéressé est comment on
fabrique un saint ? Au Moyen-âge ou même aujourd'hui
parce que pour certains saints contemporains, on a l'impression que
la recette marche.
Didier Lett
C'est le titre et il y a un
sous-titre qui est « Essai
d'histoire sociale » ; et c'est effectivement comment on
fabrique un saint, au début du 14e siècle sous le pape Jean XXII.
C'était à Avignon et le saint en question s'appelle
Nicolas de Tolentino. Tolentino est une ville des Marches
d'Ancône en Italie.
Le sous-titre « Essai d'histoire
sociale », parce que c'est
peut-être le deuxième aspect du livre ; c'est
d'essayer, après avoir déconstruit complètement
la manière dont on construit un saint, de comprendre comment
fonctionnait le procès de canonisation. C'est à partir
de ce moment là, un historien peut faire de l'histoire
sociale. C'est l'enjeu du livre.
Claudine Castelnau
Alors quand on dépose
en 1325 une demande pour canoniser ce saint, vous vous apercevez
immédiatement avec les archives que vous avez
été compulser pendant des heures et des jours, qu'en
fait personne ne connaissait ce saint, personne ne parlait de
lui.
Didier Lett
En effet. Tout ce qui a
été dit et écrit sur ce saint, l'a
été par les Augustins eux-mêmes, ou par les
historiens. Les Augustins sont un Ordre mendiant dont il a fait
partie jusqu 'à sa mort, en 1305.
Son procès de canonisation est
instruit par Jean XXII à partir de 1325, 20 ans
après sa mort. Nous avons les documents d'une commission
d'enquête créée à cet effet, qui interroge
les témoins dans les 5 ou 6 villes des Marches, pour
connaître ce qu'on appelle la « fama », c'est-à-dire la
« renommée » de
sainteté.
Évidemment on a ensuite l'impression
qu'il a fait des quantités de miracles,
sa fama est extraordinaire. Ce qui est intéressant
est de prendre la caméra et de la déplacer, de regarder
toutes les autres sources. J'ai scruté pendant 5 ou
6 ans l'ensemble des archives de Tolentino et de sa
région, les testaments en particulier parce qu'il y a toujours
des legs qui sont importants, tous les documents municipaux
etc...
Il est clair qu'en dehors du procès, l'opinion publique ignore
le saint. Saint Nicolas n'a pas été canonisé
parce qu'il était saint, c'est le procès de
canonisation qui a construit sa sainteté.
Claudine Castelnau
Alors votre « Essai
d'histoire sociale », est de déplacer la
caméra et de vous demander qui avait intérêt
à ce procès de canonisation.
Didier Lett
La grande question est là. Il
faut toujours s'interroger sur la finalité de la source et des
responsables de son déclenchement.
On constate l'existence de deux
groupes de pression. Les Augustins qui sont de cet Ordre
mendiant, sont dans les années 1320 à un tournant
de leur histoire. Ils sont à la recherche à la fois
d'origines paléochrétiennes, c'est le moment où
apparaît la légende selon laquelle saint Augustin serait
passé en Italie dans les Marches et y aurait
créé l'Ordre. Ils obtiennent deux ans après le
procès, en 1324, que Jean XXII reconnaisse cette
légende.
Dans le même temps on s'aperçoit qu'à partir des
années 1317-1318-1320, on a plein de moments où
l'on essayait de créer un saint.
Cela ne fonctionne pas du premiers coup,
mais en ce qui concerne Nicolas de Tolentino, le procès a
été ouvert en 1325, même si la canonisation
sera plus tardive.
Les Augustins qui font partie des Ordres
mendiants, n'ont pas eu la chance, comme les Dominicains et les
Franciscains, d'avoir un saint dès le départ. Parce que
Dominique et François eux bien sûr, ont
été canonisés presque
immédiatement.
Les Augustins ont besoin d'être légitimés.
Claudine Castelnau
Et puis il y a des
bénéfices qui en retomberont !
Didier Lett
Bien sûr, il y a des
bénéfices financiers, mais je dirais surtout des
bénéfices symboliques. Et c'est dans cette optique
là qu'il faut l'inscrire. C'est là le premier groupe de
pression dans les années 1320.
Le second, est composé des notables
guelfes de Tolentino et de la région. Il y a une grande
opposition en Italie à cette époque entre les Guelfes
et les Gibelins. Les Guelfes sont les partisans du pape et les
Gibelins de l'Empereur. Leur petite guerre dure depuis des
siècles.
De plus il était intéressant
pour les notables d'être témoins de Nicolas et de se
trouver ainsi mentionnés dans le procès. C'est une
manière de se faire reconnaître par la
papauté ; une sorte de fidélité
guelfe.
Ces deux groupes de pression, ces deux
postulateurs de la cause avaient intérêt à ce que
le procès se déroule.
Claudine Castelnau
Alors, comment les choses se sont-elles
passées ?
Didier Lett
Jean XXII, en mai 1325,
décide d'ouvrir le procès et fulmine une bulle qui
en autorise l'ouverture. On nomme du procès trois
commissaires, même s'il n'y en a que deux qui fonctionneront
pendant trois mois entre juillet et septembre 1325 dans les
Marches.
Claudine Castelnau
Il est important pour les notables,
d'avoir des Commissaires d'État qui viennent s'installer trois
mois chez vous dans votre ville.
Didier Lett
Oui, et parfois même les
notables les logent. Là aussi, Les retombées ne sont
pas inintéressantes. Puis les témoins viennent faire
leurs dépositions.
La chance qu'on a pour ce procès de
canonisation - ce n'est pas le cas de tous les
procès -, c'est d'avoir la liste, au début
du manuscrit, des témoins appelés à venir
témoigner. Et la mention de leur présence ou de leur
absence. Et ce qui est intéressant - et c'est un des
travaux que j'ai pu faire dans ce livre , c'est de voir si tous
les témoignages ont été consignés ou non.
Certains sont réellement venus, d'autres non et d'autres
encore ont été rajoutés : leurs
témoignages sont rapportés alors qu'ils n'avaient pas
été convoqués.
L'historien se demande évidemment
à quoi cela est dû. Ceux dont les témoignages
sont absents sont peut-être ceux qui avaient émis des
doutes sur la fama de Nicolas.
Claudine Castelnau
Ces témoins, vous vous
attardez longuement sur eux et le détail de leurs
témoignages. Vous examinez la question de savoir si les hommes
et les femmes étaient traités de la même
manière.
Didier Lett
Si j'ai choisi d'étudier le
procès en canonisation de Nicolas de Tolentino, c'est parce
que c'est l'un des rares procès où il y a pratiquement
autant de femmes que d'hommes qui viennent déposer.
Il y a 196 hommes et 169 femmes,
donc on est presque à la parité. Tous n'ont pas
la même fonction ; les femmes viennent en
général raconter les miracles...
Claudine Castelnau
Et vous dites même qu'elles
racontent des miracles qui sont arrivés à des hommes la
plupart du temps ou à des enfants...
Didier Lett
C'est souvent un miracle assez
classique...
Claudine Castelnau
Elles ne sont pas les
bénéficiaires directes la plupart du temps des
miracles...
Didier Lett
Elles viennent souvent raconter pour
les autres. Paradoxalement on peut dire. Car elles ont une ouverture
sociale beaucoup plus forte que les hommes.
Elles ne racontent pas la même chose.
Ce qui, à cette époque là, va permettre la
canonisation c'est souvent la « fama
sanctitatis » (la
renommée de sainteté). C'est-à-dire les vertus
et la sainteté de la vie du saint. Les miracles sont bien
sûr un plus. Il faut quand même qu'il y ait des miracles,
mais ils ne sont pas le plus important.
Il est intéressant, de repérer
la répartition des tâches : on se rend compte que
les hommes et bien sûr les notables monopolisent pratiquement,
avec les moines Augustins, le témoignage sur la fama.
Les femmes, les gens du peuple en
général, viennent raconter les miracles, ils ont bien
sûr droit à la parole, mais ne sont pas
considérés comme de la première
importance.
Un témoin ne vaut pas un autre
témoin. Cette question doit être fondamentalement
considérée avant de s'intéresser au contenu du
témoignage. Tous les témoins ne se valent pas aux yeux
des commissaires.
Claudine Castelnau
Quelles sortes de miracles ces
témoins rapportent-ils ? Vous parlez de
cécité guérie, de résurrections
aussi.
Didier Lett
Le saint, à
l'époque, était considéré comme une sorte
d'avatar du Christ, c'est-à-dire qu'il devait reproduire ses
principaux miracles : miracles de résurrection,
guérisons de paralytiques et d'aveugles. Ces miracles
sont privilégiés.
Lorsque le procès de canonisation
arrivera à Avignon en curie, comme tous les procès en
canonisation, il sera résumé &endash; ce qu'on
appelle une « abréviation » - par les chapelains et les cardinaux qui
classeront les miracles en un certain ordre : les miracles de
résurrection d'abord, les miracles de cécité
ensuite, puis les miracles de paralysie et enfin les autres, en une
sorte de hiérarchie.
Le meilleur saint, est celui qui fait le
miracle de résurrection, qui guérit les aveugles et les
paralysies et ensuite les autres sortes de maladies. Ces trois types
de miracles représentent 40 % de l'ensemble.
Claudine Castelnau
Vous remarquez aussi que les
miracles faits par Nicolas et sa vie sainte permet d'être
directement en contact ave l'invisible et de court-circuiter, en fait
l'Église officielle.
Didier Lett
Oui bien sûr et les
procès de canonisation vont tenter de récupérer
la sainteté au bénéfice de l'institution
ecclésiastique. C'est une nouveautés, qu'à
partir du début du 13e siècle et
surtout à partir de 1234, la papauté s'arroge le
monopole de la canonisation. A partir de cette date et jusqu'à
Jean-Paul II et Benoît XVI, c'est uniquement le pape
qui décide de la canonisation d'un candidat ou d'une candidate
à la sainteté.
Le procès de canonisation est
minutieusement préparé.
Avant qu'il s'ouvre, on a
préparé un certain nombre de questions-type qu'on
appelle les « articuli
interrogatori ». Il y en a
eu 22 dans le cas de Nicolas de Tolentino, il peut y en avoir
beaucoup plus. Il y en a par exemple 315 dans le cas de
Claire de Montéfalco qui est une sainte proche de cette
région.
Et on pose un certain nombre de questions
aux témoins qui répondent selon ce schéma. Dans
un second temps on leur donner la parole de manière un peu
plus libre ce qui leur permet de raconter un miracle.
Mais il faut penser qu'entre la parole des
témoins et la plume du notaire qui l'enregistre en latin, de
nombreux filtres ont fonctionné qui nous échappent
complètement.
Il faut imaginer que ces gens viennent
parler dans le dialecte Marchesan. Certains notaires sont Marchesans
et comprennent le dialecte. D'autres non. Cela n'est pas
mentionné dans leur texte. Ils prenaient des notes lors de
l'interrogatoire qu'ils mettaient ensuite au propre. Ils les
transmettaient à la curie dont les scribes
transcrivaient sur un registre la version dont nous,
historiens,disposons aujourd'hui.
Entre la parole du témoin et ce que
nous lisons, il y a toute une chaîne d'écritures que
l'historien a intérêt à reconstituer.
Claudine Castelnau
Quelles sortes de miracles avez
retenus ? Vous en racontez plusieurs. J'ai été
particulièrement intéressée pas l'histoire de
l'enfant qui est mort, ressuscité et mort de nouveau.
Didier Lett
Il s'agit d'un miracle à
répit. On en connaît depuis l'époque
médiévale. Le problème est celui de la mort d'un
enfant non baptisé. Lorsque des parents perdent leur enfant
à la naissance, la solution c'est d'essayer de provoquer un
miracle de résurrection uniquement le temps de pouvoir le
baptiser. C'est souvent la Vierge Marie que l'on invoque pour un
miracle à répit. Les gens se persuadent que le corps a
bougé un peu, il peut y avoir eu un vomissement post mortem.
On décide qu'il y a eu miracle et on administre le
baptême à l'enfant. Celui-ci, en général,
retourne à la mort après avoir reçu le
baptême. Ceci est fondamental pour ses parents qui peuvent
dès lors faire leur deuil.
Claudine Castelnau
Vous avez cité une histoire
curieuse où la femme ne vit pas avec son mari. Elle est
restée dans la maison de ses parents. Elle était
peut-être enceinte sans être mariée ou
c'était peut-être un adultère ?
Didier Lett
Il me semble qu'on arrive
effectivement à découvrir que se cachent parfois dans
ces récits, des histoires qu'on essaye de cacher, qui n'ont
pas lieu d'être dans un procès de canonisation.
Lorsqu'on découvre que ces deux personnes ne vivaient pas
ensemble, on ne peut que penser que quelque chose se passait.
Il y a aussi des histoires de reliques. Un
notable de Tolentino qui est à plusieurs reprises cité
comme un personnage important et dont la famille avait
bénéficié de douze miracles, ce qui est un
record, possédait personnellement une relique : l'eau qui
a servi à laver Nicolas au moment de sa mort. L'épouse
de ce notable a conservé cette eau dans une fiole et l'a
transmise à sa fille aînée lorsqu'elle est morte
à peu près au moment du procès. La possession
privée de reliques était un problème à
l'époque médiévale et Jean XXII est,
notamment, intervenu pour légiférer le droit de cette
possession puisqu'une relique doit appartenir à un
sanctuaire.
Claudine Castelnau
Votre recherche vous a fait
découvrir de nombreux détails sur la vie quotidienne au
14e siècle ?
Didier Lett
Oui bien sûr ! C'est pour
cela que mes trois derniers chapitres sont consacrés à
la société. Ce qui intéresse l'historien est
évidemment le social, l'homme, la femme et bien sûr
l'enfant.
Claudine Castelnau
Quels bénéfices la
canonisation de Nicolas de Tolentino a-t-elle apporté à
son Ordre des Augustins ? Vous dites que cet Ordre soutenait le
pape dans son dans son pouvoir temporel et son accès à
l'infaillibilité.
Didier Lett
A cette époque,
Jean XXII se méfiait un peu des Franciscains qui se
partageaient sur la question de leur voeu de pauvreté :
Le Christ avait-il eu des possessions ou non ?
Jean XXII s'appuie par contre sur les
Dominicains et les Augustins et répond volontiers
favorablement à leurs demandes.
C'est sans doute ce qui s'est passé
pour la canonisation de Nicolas. Il était urgent, pour les
Augustins, d'avoir un saint dans leur Ordre. Au moment où se
déclenche le procès de canonisation de Nicolas,
celui-ci n'était pas connu.
Et on voit bien que son culte ne commence
à se développer que dans les
années 1340-1350, 20 ou 30 ans plus tard ;
il prendra une ampleur relativement importante à la fin du
14e siècle ou au 15e siècle.
Nicolas ne sera canonisé qu'en 1446, soit après
plus de 120 ans.
Claudine Castelnau
Est-ce qu'il existe
toujours ?
Didier Lett
Tout à fait ! Il est une
figure très importante en Italie dans les Marches. A
l'époque moderne, il a eu un grand succès aussi dans
les pays germaniques et en Espagne.
L'intéressant est , comme je l'ai
dit, de remonter à l'origine de son culte pour se rendre
compte que c'est le procès de canonisation lui-même qui
a véritablement révélé sa sainteté
et non pas le fait qu'il était déjà
considéré comme particulièrement
saint !
Claudine Castelnau
Les procès de canonisation
comportent obligatoirement de nos jours un « avocat du
diable » ? Ce rôle existait-il du temps de
Nicolas ?
Didier Lett
Les sources manquent totalement. Je
pense que dans les témoignages qui ont été
enlevés sans qu'on sache pourquoi, il est tentant d'imaginer
un témoin disant : « ben finalement j'y crois
pas trop ».
La notion d'incroyance existait tout
à fait à l'époque
médiévale.
On peut relever quelques petits indices de
ce phénomène. Un témoin, sans doute
irrité par les cloches du couvent de Tolentino qui sonnaient
pour annoncer un miracle, déclare : « ils
commencent à nous embêter ces Augustins, ils
n'arrêtent pas de sonner les cloches pour des miracles qui
n'existent pas ! ». Ce témoin a
été immédiatement puni et obligé de se
repentir. Sa phrase laisse effectivement penser qu'à son
époque des gens n'adhéraient pas tous forcément
aux miracles attribués à Nicolas !
Un autre exemple très significatif
est celui de trois témoins qui disent à peu près
ceci : « oui oui on est d'accord, Nicolas a une
très bonne fama, c'est vrai, il
a fait beaucoup de miracles ; mais on n'est pas sûr
qu'il ait fait des miracles de résurrection ». Cette
dénégation est grave car, en la lisant, les cardinaux
de la curie seront obligés d'indiquer des
« doubia », des doutes dans la marge de leur
rapport. Ce témoignage a peut-être contribué
à enliser le procès dans un premier temps.
.
Voici deux passages de
ce livre
page 17
Le 28 septembre 1325, quelques
heures avant la clôture du procès, dans le palais
communal de Macerata, résidence du recteur Ameil de Lautrec,
principal représentant du pape dans la Marche d'Ancône,
un ultime témoin est interrogé, le notaire Prancucius
Andrioli de Macerata (témoin 218). Ayant
fréquenté « presque toutes les villes et
les nombreux villages de la province », il confirme
l'étendue de la fama
sanctitatis de Nicolas, puis
:
À propos des miracles, il
dit aussi que l'année du seigneur 1324, au mois
d'août, le jour de la fête du bienheureux
Barthélemy l'apôtre, le dit Francucius se
querellait avec son frère germain, Neapoleo. Ce
dernier, dans le quartier Saint-Sauveur de Macerata, devant la maison
de Franciscus Bondi, dégaina une épée, l'insulta et
le frappa au gros doigt ou pouce de la main droite. Sous le choc, le
doigt fut complètement sectionné, si bien qu'il fut
séparé de la main et projeté à plus de
quinze pieds de là. Francucius alla le
récupérer et aussitôt, en le remettant en place,
invoqua le bienheureux Nicolas, en disant « O bienheureux
Nicolas de Tolentino, tu sais bien que, pour ton service, j'ai
écrit de fréquentes et nombreuses lettres à la
curie romaine en vue d'obtenir ta canonisation. Je te prie et te
supplie de montrer ta vertu pour que je ne perde ni la main, ni le
doigt. Je promets de venir à Tolentino sur ton tombeau et de
t'offrir une main de cire d'une livre, de jeûner
continuellement la veille de ta fête et d'écrire sans
cesse au service de ta canonisation, bénévolement
(sine aliqua pecunia) à chaque fois qu'on me le
demandera. »
Après ce voeu, on lui apporta une
aiguille et du fil et il fit lui-même deux points, un de chaque
côté de la main. Rentré chez lui, on lui apporta
du fil de soie et une aiguille et il fit une quarantaine de points.
Par la suite, il vit des médecins qui, tous, lui
conseillèrent de se débarrasser de ce doigt afin qu'il
ne corrompe ni ne gâte la main tout entière.
Francucius répondait toujours, aux
médecins : « Avec cette main, j'ai tant
oeuvré au service du bienheureux Nicolas, qu'il ne permettra
pas que je la perde ! »
Après quatre jours, le doigt
était desséché jusqu'à l'os et toute la
chair et l'ongle tombèrent. La main commença
également à enfler, ainsi que le bras, jusqu'à
l'épaule. Puis tout son côté droit fut
boursouflé. Lui, toujours confiant dans sa dévotion
à Nicolas, le jour anniversaire de la mort de celui-ci, le
10 septembre suivant, se rendit à cheval à
Tolentino à l'église où repose la
sépulture du bienheureux Nicolas et, sur son tombeau, comme il
l'avait promis, offrit une main de cire. Pendant son offrande, du
sang commença à couler de son doigt sec sur le tombeau
du bienheureux Nicolas et aussitôt il se sentit mieux, si bien
qu'en moins de quinze jours le doigt retrouva chair et ongle, comme
auparavant. Francucius montra ce
doigt aux évêques, aussi fort et beau que les autres,
excepté la présence d'une cicatrice. Il put ainsi
écrire correctement avec ce doigt et cette main, comme il
avait l'habitude de le faire avant cet événement.
Interrogé sur les personnes présentes, il cita son
frère Neapoleo, Cicchus
Amaducii, Angelus Feste, Colucius, Ronanunte Stephani et plusieurs autres. Interrogé sur la
manière dont il écrivait toutes ces lettres au service
du bienheureux Nicolas, sur les destinataires et les commanditaires
de ces missives, il répondit qu'il était notaire
auprès de la chambre du seigneur des Marches, substitut de
Gaudus de Gubbio, notaire principal de la chambre du
recteur de la province des Marches lequel recteur envoya plusieurs
lettres autant au pape qu'aux cardinaux. Il rédigea toujours
ces lettres lui-même, de bonnes lettres, dans un style clair,
que le recteur envoyait en vue d'obtenir la canonisation du saint. Et
il écrivit aussi des lettres que 1a commune et les hommes de
Macerata envoyèrent au pape et aux cardinaux pour
défendre la même cause.
page 67
Dans la bulle d'ouverture du procès,
Jean XXII justifie la réponse positive qu'il a
octroyée aux requérants. Selon lui, Nicolas a
brillé par sa vie et ses miracles, avant et après son
décès,
En ressuscitant des morts,
guérissant de nombreuses maladies, chassant les démons,
redonnant la vue aux aveugles, libérant les prisonniers,
rendant aux sourds la capacité d'entendre et aux boiteux celle
de marcher, et brillant par tant d'autres miracles divers.
(Procès p. 6-7)
Un autre témoin ne rapporte aucun
prodige :
Il répondit que
lui-même ne pouvait pas témoigner de visu et par
l'expérience d'un fait auquel il aurait assisté mais il
avait entendu dire par de nombreuses personnes qui avaient
bénéficié d'un miracle par les mérites et
les prières de frère Nicolas, que c'était de
renommée publique (fama publica) et même presque notoire
à Tolentino et dans les lieux alentour que Dieu, par la vie,
les mérites et les prières de frère Nicolas,
ressuscita des mort, rendit la vue (illuminavit) à des
aveugles, fit marcher les boiteux et guérit de multiples
maladies, fit fuir le démon, libérant des captifs et
rendant aux sourds la capacité d'entendre.