5 juin 2021
Même si le christianisme nous appelle à l’humilité et à reconnaître que, vis à vis de Dieu, nous sommes des « sans droits », il donne à mon sens une place trop importante à l'homme en le considérant comme l’objet premier du projet de Dieu. Je vois dans la théorie du « dessein intelligent » et dans l'article de foi « Dieu s'est fait homme » deux formes d'une théologie « orgueilleuse » donnant de l’homme une image excessive.
- La théorie du dessein intelligent considère que le Créateur de l'univers a, depuis les origines de la création, conçu le monde et conduit son histoire de telle sorte que l'homme roi de la création, puisse y apparaître. Il y a là un anthropocentrisme qui confine à l’orgueil. Pourquoi cette finalité centrée sur l'homme, alors que l’humanité n'est qu'une espèce, comme les autres, passagère, mutante et mortelle ? L’homme n'est qu’un épiphénomène, parmi bien d'autres de la création.
- Comment peut-on avoir l’audace de prétendre que « Dieu s'est fait homme » ? Quelle que soit la manière dont on Le conçoive, Dieu est Dieu : il est transcendant, inaccessible et au-delà de tout ce qui relève du monde. Déjà le fait que l'on puisse affirmer que Dieu aime les hommes d’une prédilection particulière peut surprendre. Mais il est plus surprenant encore de dire qu'Il s'est fait homme c'est-à-dire qu'Il a cessé d'être Dieu [infini, transcendant, inaccessible] pour se faire homme de chair et de sang. Qu'est-ce que cela veut dire ? En tout cas cet anthropocentrisme me paraît manquer non seulement de modestie et d'humilité, mais plus encore trahit l'idée que je me fais de Dieu.
Nous avons déjà vécu trois révolutions coperniciennes que l'on peut lire comme trois blessures narcissiques :
• la Terre n'est pas le centre de l'univers [Copernic],
• l'humanité n'est pas une espèce qui échappe aux lois de l’évolution [Darwin],
• l'homme n'est pas conduit par sa conscience mais d'abord par son inconscient [Freud].
Il serait bon d’en ajouter une quatrième :
• l'homme n'est ni la demeure ni l'incarnation de Dieu, mais tout simplement, comme le rappelle une liturgie de la Synagogue, un « être de chair et de sang, de souffle et de néant, fleur qui se fane, ignorant de la vérité et vidé de droiture. » L'homme est l’objet de la grâce de Dieu, et c'est là un miracle qui me paraît déjà quelque peu extravagant, et, quoi qu'il en soit, suffisant.