L’auteur du psaume chante le grand élan de vie qui anime tout l’univers. Et l’auteur de l’épitre aux Colossiens insère dans son texte un poème qui célèbre lui aussi ce dynamisme créateur cosmique qu’il identifie avec l’Esprit du Christ.
Psaume 104
Mon âme, bénis l’Eternel ! Eternel, mon Dieu, tu es infiniment grand !
Tu es revêtu d’éclat et de magnificence !
Il s’enveloppe de lumière comme d’un manteau. Il étend les cieux comme un pavillon.
Il conduit les sources dans des torrents qui coulent entre les montagnes.
Elles abreuvent tous les animaux des champs. Les ânes sauvages y étanchent leur soif.
Les oiseaux du ciel habitent sur leurs bords. Et font résonner leur voix parmi les rameaux.
Il fait germer l’herbe pour le bétail, Et les plantes pour les besoins de l’homme,
Afin que la terre produise de la nourriture,
Le vin qui réjouit le cœur de l’homme, Et fait plus que l’huile resplendir son visage,
Et le pain qui soutient le cœur de l’homme.
Les cèdres du Liban, qu’il a plantés : C’est là que les oiseaux font leurs nids;
La cigogne a sa demeure dans les cyprès,
Les montagnes sont pour les boucs sauvages, Les rochers servent de retraite aux marmottes.
Tu amènes les ténèbres, et il est nuit ; Alors tous les animaux des forêts sont en mouvement;
Les lionceaux rugissent après la proie, Et demandent à Dieu leur nourriture.
Le soleil se lève ; ils se retirent, Et se couchent dans leurs tanières.
L’homme sort pour se rendre à son ouvrage, Et à son travail, jusqu’au soir.
Voici la grande et vaste mer ; Là se meuvent sans nombre des animaux petits et grands;
Là sont les navires, Et le léviathan que tu as formé pour se jouer dans les flots.
Tous espèrent en toi, Pour que tu leur donnes la nourriture en son temps.
Tu la leur donnes, et ils la recueillent; Tu ouvres ta main, et ils se rassasient de biens.
Tu caches ta face ; ils sont tremblants, Tu leur retires le souffle ; ils expirent,
Et retournent à la poussière. Tu envoies ton souffle, ils sont créés. Tu renouvelles la face de la terre.
L’auteur du Psaume 104 devait être un homme (ou une femme ?) sympathique à fréquenter. Quand on lui demandait comment il allait, il ne parlait pas de ses rhumatismes ou de ses soucis, il ne disait pas qu’avec la politique actuelle on ne pouvait qu’être pessimiste. Il ne disait pas qu’il ne restait qu’à prier et que d’ailleurs Dieu ne permettait pas tout ce qu’on voyait.
Il parlait des sources qui coulent dans les montagnes, des ânes sauvages que l’on peut voir quand ils viennent y boire, des oiseaux qui nichent dans les cèdres et les cigognes qu’on peut voir dans les cyprès.
Tout ce qu’on ne regarde pas tellement d’habitude.
Et il comprend qu’il y a, derrière tout ceci un élan de vie, un dynamisme créateur, un grand mouvement de la Nature qui est Dieu :
Mon âme, bénis l’Eternel ! Eternel, mon Dieu, tu es infiniment grand !
Tu es revêtu d’éclat et de magnificence !
Il s’enveloppe de lumière comme d’un manteau. Il étend les cieux comme un pavillon.
Il conduit les sources dans des torrents qui coulent entre les montagnes.
Souvent on pense à Dieu de façon étriquée, comme le garant de la morale qui regarde tout ce qu’on fait, ce qu’on dit, ce qu’on pense. Un « Père tout-puissant » devant qui on est toujours finalement un peu coupable, devant qui il convient toujours de se repentir car il voit partout des « péchés ». Un « Père tout-puissant » auquel on peut s’adresser pour qu’il nous protège, qu’il arrange un peu nos affaires et celles du monde. Et comme rien ne bouge, on recommence à le prier dimanche après dimanche pour qu’il intervienne.
L’auteur du Ps 104, lui, voit Dieu comme « enveloppé de lumière » :
Tu amènes les ténèbres, et il est nuit ;
Alors tous les animaux des forêts sont en mouvement ;
Les lionceaux rugissent après la proie, Et demandent à Dieu leur nourriture.
Le soleil se lève, ils se retirent, et se couchent dans leurs tanières.
L’homme sort pour se rendre à son ouvrage, et à son travail, jusqu’au soir.
Il nous voit tous participer à ce grand mouvement de la vie, tels que nous sommes,
L’homme sort pour se rendre à son ouvrage, Et à son travail, jusqu’au soir.
Il ne porte pas de jugement sur notre « ouvrage », notre « travail jusqu’au soir » : on vit, c’est tout. Et la vie est bonne par nature :
Mon âme, bénis l’Eternel ! Eternel, mon Dieu, tu es infiniment grand !
Tu es revêtu d’éclat et de magnificence !
Ce n’est pas seulement notre vie qui est bonne. C’est aussi celle des cigognes, des marmottes, des lionceaux.
Voici la grande et vaste mer ;
Là se meuvent sans nombre des animaux petits et grands ;
Là sont les navires, Et le léviathan que tu as formé pour se jouer dans les flots.
On sait aujourd’hui qu’il n’existe pas de « léviathan » dans la mer, cet animal monstrueux qui effrayait tant les Hébreux. Mais l’auteur du Psaume 104 n’en était pas effrayé : après tout il suffisait sans doute de faire attention : c’était une créature de Dieu et puis voilà.
D’ailleurs l’auteur est souriant et ne critique pas tout : il ne dit pas que Dieu aurait pu créer les êtres et les choses, les hommes notamment, différemment. Il ne dit pas que Dieu pourrait améliorer les choses. La vie telle qu’elle est, Dieu la donne, l’accompagne et s’en réjouit.
Il y a déjà
Le vin qui réjouit le cœur de l’homme,
Et fait plus que l’huile resplendir son visage,
Et le pain qui soutient le cœur de l’homme.
Il entre dans le grand mouvement de la vie de Dieu. Nous savons aujourd’hui que l’évolution des espèces fonctionne comme nous le voyons. L’astronomie nous a expliqué le mouvement des galaxies et l’expansion du cosmos. La tectonique des plaques explique les mouvements sousterrains et les tremblements de terre. Le Ps 104 ne voit rien de surnaturel, d’extraordinaire dans la vie du monde, il entre dans la joie de Dieu qui est présent dans tout ela et l’anime par son dynamisme créateur.
L’homme sort pour se rendre à son ouvrage et à son travail, jusqu’au soir.
Quand on se lève le matin on est un élément de la grande vie du monde. On se croit parfois bien courageux – ou parois, au contraire, n se sent bien déprimé – mais en réalité la force qui nous anime s’enracine dans la grande force de vie du cosmos dont l’auteur nous dit qu’elle est celle de Dieu. Et voilà :
Nous nous rendons à notre ouvrage – tel qu’il est, le notre – jusqu’au soir.
Le vin qui réjouit le cœur de l’homme,
Et fait plus que l’huile resplendir son visage,
Et le pain qui soutient le cœur de l’homme.
Le pain et le vin que nous avons tous en commun. Étrange communion que vit le psalmiste avec tous les hommes : le psalmiste ne la réduit pas aux juifs qui pratiquent le chabbat et mangent fidèlement cacher : grande fraternité des enfants de Dieu, tous animés du même élan, de la même vie, de la même joie. Avec les animaux aussi, les ânes sauvages, les cigognes et même le terrible léviathan partageant la même joie de vivre.
Mon âme, bénis l’Eternel !
Il faut « bénir l’Eternel » : la joie n’est pas une attitude émotionnelle exubérante. Elle est le sentiment résonné, fidèle, confiant, de plénitude. La joie surgit quand on prend conscience, comme l’auteur du Psaume, du grand élan de vie auquel nous participons tous, qu’il nomme « Dieu » et transmet à tout ce qui vit, « tout ce qui respire » et que nous aussi nous transmettons aux autres après avoir lu ce Psaume.
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Le même regard d’ouverture absolue se trouve à plusieurs endroits du Nouveau Testament : au début de l’Évangile de Jean
Toutes choses ont été faites par la Parole, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. (Jean 1.3)
Ou dans l’épitre aux Colossiens où l’auteur (un disciple tardif de Paul) reprend la conception universaliste du Ps 104. (Les bibliques nous font remarquer que les passages écrits ici en caractères droits et non-gras ont été ajoutés par un scribe effrayé justement par cet universalisme !
Colossiens 1.12-20
Rendez grâces au Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints dans la lumière.
Il nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour,
en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.
Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création.
En lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui.
Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui.
Il est la tête du corps de l’Eglise ; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier.
Dieu a voulu que toute plénitude habite en lui ;
Et il a voulu par lui réconcilier tout avec lui-même, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.
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