Portrait d’Alexandre le Grand. 2e siècle av. JC. marbre
Au royaume d’Alexandre le grand
la Macédoine antique
Exposition au musée du Louvre.
Hall Napoléon.
jusqu’au 16 janvier 2012
Gilles Castelnau
13 octobre 2011
Il est vrai que cette grande exposition, avec ses 500 pièces présentées – dont certaines récemment mises au jour – nous révèle toutes les découvertes de l’archéologie au sujet de la Macédoine d’Alexandre le Grand. Tout cela est intéressant, émouvant et souvent fort beau
Mais les conservateurs n’ont pas cherché à replacer tous ces objets dans leur contexte vivant pour nous faire prendre conscience de l’étonnante aventure qu’a représenté l’expédition qu’Alexandre a menée au-delà du Moyen Orient et de la Perse à travers l’Afghanistan et jusqu’à l’Inde, suscitant partout – y compris bien sûr en Palestine - un engouement passionné pour la culture grecque (332-323 av. JC)
Ah si l’exposition avait pu replacer tous ces objets dans leur ambiance et nous montrer l’hellénisme en marche ! L’Empire perse empoussiéré et enfermé dans un immobilisme conservateur ethnique laissant la place à l’enthousiasme des grands jeux de type grec, où les exercices gymniques s’accompagnaient de concours littéraires et musicaux avec distribution de prix aux vainqueurs. Pièces de théâtre (en langue grecque), concerts, courses de chevaux, retraites aux flambeaux, architecture nouvelle (on a trouvé des temples grecs en Afghanistan et des statues de Bouddha à l’apparence hellénistique : une véritable renaissance

Figure féminine en terre cuite (fin du 4e siècle av. JC)
Évidemment c’était la loi enthousiasmante des victorieux, des forts, des « sauveurs ». On n’y résistait pas. D'autant moins que la ville de Tyr qui avait fermé ses portes avait été prise, 8000 de ses habitants massacrés et 30 000 vendus comme esclaves
Mais en Égypte Alexandre avait fondé la ville d’Alexandrie où les prêtres lui avaient reconnu le titre de « Fils de Dieu » et même de « Dieu ». Et on avait commencé à y traduire en grec tous les grands textes de la pensée humaine, y compris – et cela nous intéresse particulièrement – la Bible hébraïque, notre Ancien Testament
Cette version que l’on nomme la Septante, en souvenir des 72 rabbins qui réunis dans l’île de Pharos dans le delta du Nil avaient composé indépendamment les uns des autres mot à mot la même traduction, a été largement lue par les Juifs ne comprenant plus l’hébreu qui était devenu une langue morte.
La Septante a été et demeure encore de nos jours l’occasion de confusion théologique dans la mesure où elle rend l’hébreu Yahvé ou Elohim (Dieu) par Kyrie et Theos qui désignent Zeus être céleste tout-puissant brandissant la foudre et intervenant dans l’histoire des hommes pour accomplir sa volonté de manière arbitraire et incompréhensible, ce qui est évidemment fort différent du Dieu biblique « compatissant et miséricordieux, riche en bonté et en fidélité ». L’aventure d’Alexandre le Grand a des répercussions jusqu’à aujourd’hui qui dépassent très largement la simple curiosité archéologique
Signalons aussi le chant du prophète Zacharie qui proclamait – en hébreu -
Sois transportée d’allégresse, fille de Sion !
pousse des cris de joie fille de Jérusalem
Voici ton roi vient à toi.
Il est juste et victorieux

Sarcophage attique. Thessalonique,vers 180. Détail
Alors que les garçons de Jérusalem s’engageaient avec enthousiasme dans la cavalerie du nouveau « roi » et que les filles lorgnaient leurs beaux uniformes, on comprenait évidemment que cet hymne entrait dans la célébration universelle d’Alexandre. Mais Zacharie poursuivait :
Il est doux et monté sur un âne, sur un âne, le petit d'une ânesse.
Je détruirai (dit Dieu) les chars de combat et les chevaux de Jérusalem
Les arcs de guerre seront anéantis.
Il annoncera la paix aux nations.
Le « véritable » roi d’Israël (messie, christ de Dieu) ne devait pas être dominateur. On se souvenait du sort des habitants de Tyr !
Le messie d’Israël n’est jamais venu, mais en pensant à l’entrée de Jésus à Jérusalem monté sur un âne les évangélistes ont répété les anciennes paroles de Zacharie et le souvenir d’Alexandre s’est mêlé à celui de Titus et des Romains dont les cohortes ont détruit la ville et le Temple
C’est à tout cela que l’on peut penser en contemplant les 500 souvenirs du grand Roi Alexandre.
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Réaction d'une internaute
J’ai lu avec grand intérêt votre article sur l’exposition du Louvre pompeusement et indûment intitulée « Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique » et je suis entièrement d’accord avec votre analyse.
Effectivement, on ne sent pas le moindre souffle de l’épopée d’Alexandre qui est pourtant restée si longtemps présente dans les esprits (que l’on songe au jeune Bonaparte victorieux comparé en son temps à Alexandre le Grand). De cela, rien.
Des objets sortis de terre, sans âme. Aucune évocation non plus du succès, notamment à l’époque néo-classique, de la légende d’Alexandre dans les arts comme cela avait été le cas pour l’exposition Babylone du Louvre en 2008.
D’après des rumeurs autorisées, ce seraient les organisateurs grecs de cette manifestation qui, n’aimant guère Alexandre (pour des raisons politiques ? Grèce contre Macédoine ?), auraient fait en sorte d’occulter le glorieux héros et son décisif rôle civilisateur.
Mais alors pourquoi avoir mis ainsi en avant le nom d’Alexandre dans le titre de l’exposition ? Un coup de « com » pour attirer du monde..., mais faire aussi de nombreux déçus. Dommage !
Alexandrine Reh
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