Saint Antoine
demandant son chemin à un centaure, 1931
Jean Hugo
1894-1984
musée Fabre, Montpellier
Gilles
Castelnau
12 octobre 2017
Jean Hugo était
l’arrière-petit-fils de Victor Hugo, et
sa famille appartenait à la grande bourgeoisie
aisée et cultivée.
Il a 20 ans lorsque la guerre éclate. Il la
traverse en sous-officier horrifié de ce qu’il
voit mais fidèle et courageux – il sera
sérieusement blessé, recevra la croix de guerre
et la Légion d’honneur – il combat à Verdun
et au Chemin des Dames et en fait à sa famille
un long récit saisissant. Il dessine aussi les
combats.
Ses dons artistiques se révèlent et après la
guerre il se trouve intégré aux milieux
artistiques en écrivain et peintre, dessinateur
de décors de théâtre en dilettante doué. Libéré
par sa famille de tout souci financier il ne
cherche ni à faire partie d'une école de
peinture ni même à seprésenter au Salon et à se
faire reconnaître : son ami Picasso lui
disait pourtant qu’un peintre, pour réussir,
doit cultiver les « marchands de
tableau » !
Quittant Paris il s’installe en Camargue dans
sa propriété familiale du Mas de Fourques, près
de Lunel.
Kew Garden
Son monde est souriant et
coloré, ses tableaux un peu naïfs
montrent gentiment un peuple heureux vivant dans
un univers de rêve, tel que devrait être, en
vérité, l’existence humaine. Jean Cocteau disait
de lui qu’ « il mêlait un calme
presque monstrueux au tumulte des
entreprises. »
L’Imposteur, 1931
Élevé dans une famille
radicalement athée et anticléricale il
est amené à la foi par un de ses amis. Il se
présente un jour à la messe à Montpellier, mais
n’étant pas baptisé, le curé lui refuse la
communion. Il en est sidéré et peint ce tableau
bizarrement intitulé l’imposteur.
Il concrétisera sa spiritualité et l’incarnera
dans une pratique catholique fervente. Il
assistera quotidiennement à la messe, dessinera
des vitraux pour plusieurs églises.
Admiré par la femme de lettres Marie Rouanet,
celle-ci écrira les « Murmures pour
Jean Hugo » dans lesquels elle
s’adresse à lui en le vousvoyant. En voici un
passage :
A Saint-Sulpice, vous allez à la messe et
vous êtes fasciné par la clarté des cierges,
par les trois officiants qui célèbrent, comme
des coléoptères dorés dans leurs ornements,
par l’encens, son odeur et le voile bleuté
qu’il répand, par la voix céleste du
célébrant. C’est, étalée, toute la pompe,
séduisante, de l’Église catholique.
C’est là que vous devez entrer et non chez les
huguenots, qui prient et chantent en langue
vulgaire, austères, dont les temples sont nus,
sans statuaire, sans cette multitude de petits
saints aux légendes dorées, sans reliques,
sans ornements sacerdotaux, sans Marie
surtout, si douce, miséricordieuse aux
pécheurs, Marie présente dans le paysage par
des chapelles, des « capelettes »,
de grandes abbatiales :
Notre-Dame-de-Consolation, Notre-Dame-de-Pitié
à Ceilhes, Notre-Dame-des-Yeux à Lunas,
Notre-Dame de Prime-Combe, Notre-Dame de
l’Acension.
Vous avez besoin de vos sens pour croire. Même
s’il s’agit de l’Invisible, ce sont les yeux
qui vous ont mené à Lui, c’est avec votre
corps tout entier que vous Le percevez ou
croyez L’apercevoir, c’est avec votre bouche
que vous parlez de l’Indicible, et même s’il
s’agit de l’Immontrable votre peinture a tenté
sans arrêt d’en transmettre la splendeur.
Corporel, sensuel, vous avez choisi la
religion catholique rythmée de fêtes agrestes
liées aux temps agricoles, de rites qui
accompagnent, jour après jour, la terre de vos
délices.
Le mois de
Marie, 1933
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