
La Vierge de douleur
Abraham et Samson
symboles de mort et de résurrection
Johann Georg Pinsel
un sculpteur baroque en Ukraine au XVIIIe siècle
Musée du Louvre
Sully, 1er étage, salle de la Chapelle
jusqu’au 25 février 2013
Gilles Castelnau
22 décembre 2012
Cette étonnante petite exposition nous fait pénétrer dans le monde baroque incandescent des statues sculptées en 1758 par Johann Pinsel, pour une église ukrainienne.
Le style baroque est celui des sentiments puissamment extériorisés par des personnages exubérants au gestes expressifs et aux vêtements volant au vent. La France ne l'a pas aimé. La seule statue de ce style que l’on possède est le Louis XIV équestre, sculpté par le Bernin, devant la pyramide du Louvre.
Mais ce style s’est propagé à cette époque dans les pays catholiques du sud, en Autriche, en Allemagne et donc dans cette région d’Ukraine qui était alors polonaise.
La Vierge de Douleur qui est au centre du mur principal de l’exposition n’est évidemment en rien une représentation réaliste de l’apparence que pouvait revêtir Marie assistant au pied de la croix à l’agonie de son fils. Mais sa douleur éperdue s’extériorise - et c'est cela le style baroque - par le flottement extravagant de son vêtement et ses gestes théâtraux.
A gauche se trouve Abraham sur le point de sacrifier son fils Isaac, symbolisant la douleur et la mort et à droite Samson tuant un lion, image de la victoire sur la mort.

Abraham sur le point de sacrifier Isaac
Abraham est immense, de stature mince mais il brandit son sabre d’un puissant mouvement tournant. L’élan de tout son corps révélé par le pli de son vêtement, le mouvement de sa grande barbe et l’inclinaison de sa tête font de lui un magnifique et terrible instrument de mort. Le petit Isaac à genoux sur son bûcher attend le coup fatal les yeux levés vers le ciel.
On comprend que ce groupe dramatique est en rapport avec la passion et la mort du Christ sur la croix et renvoie à droite à la victoire de Samson. Mais la mort qui menace Isaac est-elle la même que celle du Christ ? Abraham représenterait-il Dieu tuant son Fils ? Image alors d’un Dieu terrible, menaçant, messager de mort tout en montrant un regard de (fausse ?) compassion.
Il ne faut certainement pas se lancer dans une telle comparaison allégorique qui ne conduit évidemment qu’à l’impensable. Le récit biblique (Genèse 22) qui, en son début, ressemble aux horribles coutumes des Cananéens sacrifiant leur fils aîné au Moloch bascule en effet en son point culminant sur la phrase péremptoire de Dieu : « N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien ». Le Dieu de la Bible ne tue pas son fils et ne ressemble pas à l’Abraham si horriblement représenté par Pinsel. Mais la souffrance, l’angoisse et la mort qui règnent trop souvent dans le monde sont bel et bien représentées par cette scène et culminent réellement sur la croix du Vendredi saint.

Samson vainqueur du lion
Pour représenter la puissance du message de la Résurrection du Christ, victoire de Dieu sur la force de la mort, Pinsel a choisi le récit du livre des Juges : « L'Esprit de l'Eternel saisit Samson et, sans avoir d'arme à la main, il déchira le lion comme on déchire un chevreau. » (Jg 14.6)
Scène de puissance de vie qui s’oppose donc effectivement à la terrible scène de mort d’Abraham et Isaac.
Le lion, tel que Pinsel l'a peint, est une concentration dorée et sans vraiment de forme, d’un tourbillon de muscles et de fourrure en mouvement dans les convulsions du combat et de l’agonie. On ne distingue vraiment que deux pattes dressées en un geste de défaite et une énorme gueule d’où jaillit une langue gigantesque dressée vers son vainqueur. Puissance magnifique et certainement éminemment dangereuse mais défaite par un homme aux bras nus.
Samson est musclé mais ses bras sont minces et il n’est pas un géant imposant. S’il triomphe de la splendide force brute de la bête, c’est dans un effort courageux dont il puise l’inspiration en élevant le regard vers le ciel où Dieu donne la vi et la victoire sur la mort.
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