Libéralisme
théologique
Réflexion sur le
credo
Le
« salut »
.
Jean Besset
Paris
Dans un monde, où nul ne sait de
quoi demain sera fait, la notion de
salut s'inscrit comme un défi qui récapitule les
idées d'un passé qui semble périmé et
d'un avenir qui se laisse habiller d'espérance. Il y a
là une double perspective qui prévoit aussi bien une
fin heureuse pour l'humanité que pour le monde, l'un et
l'autre ayant partie liée sans être pourtant
confondus.
Nous avons conscience qu'une force
spirituelle provoque le monde pour qu'il évolue dans une
direction vers laquelle il est attiré. Mais il y a en lui une
capacité de résistance assez forte pour que la partie
ne soit pas gagnée d'avance. Ainsi, sous l'impulsion de
l'esprit s'opère un mouvement de transformation qui
cherche à mettre de l'ordre dans la matière qui
s'oppose à lui. Dans ce processus de création des
choses, nous voyons Dieu tenter de donner du sens à la
réalité de la matière dont nous faisons
partie.
Le même Esprit
privilégie, dans le même mouvement l'humanité, et
tend à l'attirer vers lui pour qu'elle participe à
l'organisation de la réalité nouvelle. Toujours
placée entre le choix de se soumettre ou de
résister les humains évoluent individuellement et
indépendamment de la matière inerte. La force de
l'Esprit tend à prendre le pas sur chaque homme qui est
entraîné dans une mouvance dont la spirale l'absorbe
vers une éternité que nous ne savons pas
décrire. Si l'homme se dérobe et résiste, il
risque de voir la réalité qu'il espère lui
échapper. Mais lui échappe-t-elle vraiment, nul ne peut
le dire ?
Dieu, qui se confond avec l'Esprit, rend
quant à lui, chaque homme conscient du rôle qu'il a
à jouer dans la construction de l'harmonie
générale. L'Esprit souffle sur l'univers en
dépit des résistances humaines et maintient
malgré tout son projet harmonieux de
création.
Le destin du monde et de l'homme sont
distincts mais restent liés l'un à l'autre, cependant,
chaque être humain peut se prolonger dans
l'éternité indépendamment du monde dont
l'histoire peut s'achever par un échec dans la chaîne de
l'évolution. Ainsi le salut des hommes peut-il se
réaliser indépendamment du salut du monde.
Pour chaque homme le salut consiste à
savoir que Dieu lui assigne un rôle dans la création
harmonieuse du monde. En participant à ce projet
il entre dans une dimension fusionnelle avec Dieu dont il ne peut
plus se séparer.
.
Werner Burki
Paris
Le christianisme est une religion
« à salut » comme certaines autres
religions. En employant le mot
liturgiquement, ou dans la prédication, nous avons conscience
cependant que cela ne va pas de soi... Il n'est pas plus simple de
l'utiliser directement lors des entretiens individuels.
J'y entends toujours la notion de
santé, physique, morale et psychologique, dans une
interdépendance totale.
Le quotidien, nous ferme des espaces vitaux.
Que ce soit par une souffrance, même légère et
voilà l'horizon barré. La culpabilité que l'on
sait non féconde et qui pourtant surgit de mille
manière. Le doute de soi induit par le comportement d'autrui
à notre égard ainsi que la limitation de nos moyens
pour porter secours à d'autres comme à nous-même
demeurent des questionnements sans réponse.
Le salut, la santé, le secours sont
des promesses divines bibliques totalement réalisées
par et avec le Christ Jésus.
Jésus demeure le grand exemple qui me
dépasse et qui m'invite à me dépasser.
Le salut est ce qui induit un apaisement. Ce
qui arrive, tout ce qui arrive a été au fond
surmonté par avance et résolument une fois pour toutes.
En temps de crise, comme le psalmiste, je lève les yeux vers
les montagnes en disant d'où viendra le secours ?
Et, dans la foulée, comme le psalmiste, je donne
moi-même la réponse par la foi.
En Christ, Dieu me rejoint et me
permet d'élargir l'espace de ma tente.
Le salut n'a pas d'effet en soi. Il ne me
paraît pas opérant comme doctrine, mais bien
plutôt comme une porte ouverte devant moi que personne ne peut
fermer alors que je ressens l'angoisse de la perdition comme un
navire en détresse. Cela peut se produire plusieurs fois dans
la journée... C'est alors que, par la prière, j'observe
un certain nombre d'éclaircies. Le salut, pour moi, est
l'expérience de la paix (retrouvée) et de la joie
(partagée), c'est le don de Dieu réalisé en
Christ de manière splendide.
.
Gilles
Castelnau
Paris
Le dynamisme créateur divin monte
en tous les êtres qui se
meuvent et respirent en ce monde, sans tenir compte de nos
distinctions.
Chaque fois que les forces de destruction et
de mort nous divisent, nous opposent, nous minent et nous ruinent,
nous désespèrent, son souffle de vie agit en nous afin
de nous guérir, de nous renouveler de nous réorienter,
toujours en vue de la grande harmonie du monde où chacun
retrouve la vie de joie qui est la sienne.
Chaque fois que des hommes s'ouvrent
à cette Présence, comprennent son renouveau, en
saisissent la force d'espérance pour leur prochain comme pour
eux-mêmes et s'impliquent dans sa réalisation en se
dressant, coûte que coûte contre les forces du mal, leur
témoignage de salut éclaire le chemin de joie qui
s'ouvre à tous.
Ce fut le cas pour Jésus qui est,
à mes yeux, l'archétype de ces sauveurs, comme avant
lui Moïse, le prophète Ésaïe et le Bouddha,
après lui Pierre et Paul, Spartacus, Vincent de Paul, Victor
Schoelcher, Gandhi, Martin Luther King, Desmond Tutu, tant d'autres,
vous et moi sans doute...
.
Laurent
Gagnebin
Paris
1)
Les termes et les notions
d'expiation, de rédemption, du sang qui coule sur la
Croix, du sacrifice de son Fils
unique par son Père pour que Dieu puisse pardonner aux hommes
etc. sont incompatibles avec l'image d'un Dieu d'amour. Ce Dieu du
sang qui doit couler pour notre pardon n'est même pas à
la hauteur de ce que l'on appelle un honnête
homme !
2) La
Croix tourne notre regard vers le passé. Si le Royaume de Dieu
est bien le coeur de l'enseignement et de la prédication de
Jésus, alors notre regard doit se tourner vers l'avenir.
« Le centre de gravité de la foi chrétienne
n'est pas le drame rédempteur de notre dogmatique, mais la
venue du Royaume de Dieu en notre c�ur et dans le monde. »
(Albert Schweitzer)
3)
D'après Tillich, nous sommes sauvés de :
a) la peur de la
mort
b) l'absurde
c) l'aliénation (= péché).
4) Si la
« chair » désigne bien l'homme TOUT ENTIER
(corps et âme) prisonnier de lui-même et si l'Esprit
désigne bien l'homme TOUT ENTIER (corps et âme)
possédé par l'Esprit de Dieu, à savoir un esprit
d'amour qui nous oriente vers l'autre, alors être sauvé,
c'est être libéré de son moi quand ce moi devient
une prison. Le salut, c'est, en Dieu, être
dépréoccupé de soi-même,
libéré pour se tourner vers l'autre, ne plus
s'épuiser à se faire valoir, à prouver quoi que
ce soit.
5)
« Salut » ? Je ne suis pas convaincu que
cette réalité réponde vraiment à
l'attente de nos contemporains et à leur préoccupation
majeure. Faut-il sans cesse parler du christianisme comme d'une
religion de salut ? J'estime que non, comme indiqué plus
haut au point n° 2. Laisser cette question du salut dans
l'ombre fait problème pour les protestants qui
s'ingénient à convaincre les gens de leur perte pour
pouvoir ensuite leur annoncer le salut par la seule grâce de
Dieu !
Le mot « salut » ne
parle peut-être pas vraiment aux gens d'aujourd'hui et reste
pour eux assez abstrait ou connoté par les doctrines
traditionnelles évoquées ci-dessus au point
n° 1. Il faut probablement le remplacer par celui de
« libération(s) », comme indiqué
plus haut au point n° 4. De libérations, nous en
avons bien besoin et l'Évangile l'illustre sans cesse.
Cf. les théologies dites de la libération.
.
Bernard
Guiery
Le salut
réduit à un point doctrinal sonne bizarrement à
nos oreilles et pourtant cette
notion évoque quelque chose de bien précis chez un
malade ou un prisonnier. Un malade attend la guérison et un
prisonnier la délivrance. Plus généralement un
intense désir de métamorphose nous anime. Cet
élan offre de l'amplitude à vos vies. La racine
hébraïque du verbe sauver suggère l'idée de
donner de l'espace.
On ne se sauve pas. Il ne s'agit pas d'une évasion. Plus
précisément, nous sommes sauvés, nous sommes au
bénéfice d'une disposition gracieuse, libre,
imméritée et inconditionnelle. Nous entrons dans une
dynamique créatrice. C'est un processus qui nous met en
mouvement et nous remplit d'espérance et d'entrain.
« La foi, nous dit Raphaël Picon, dans cette
perspective, ne consiste ni à croire ceci ou cela, ni à
vouloir croire ceci ou cela, la foi est le fait d'être saisi
par ce qui s'impose à nous pour nous concerner
profondément, de manière dernière et
ultime ».
La notion du salut par grâce nous libère de la
préoccupation du salut et nous rend libres pour les autres,
libre pour s'ouvrir à l'infini.
Le « Tout » ne se réduit pas à ce
qui est : « Quelque chose est encore possible. Il y a
du jeu dans l'univers » Il est ouvert à la
possibilité de l'inouï.
Être sauvé, c'est sortir du trou qui nous enferme, nous
comprime et nous étouffe.
Dieu est le salut de l'homme.
Une habitation divine s'établit chez l'homme. Cette demeure
secrète ne connaît pas de limite dans le temps et
l'espace. Tel est le Royaume annoncé par l'Évangile et
la joie promise à ceux qui sont à bout de
souffle.
Cette présence nous envahit dès maintenant comme un
flux immense. Les expériences de lumière, de
libération, d'amour authentique, se confirment et se
condensent dans une éternelle présence.
Le salut, c'est de pouvoir penser, non pas réciter, mais
penser le Notre Père.
O Notre Père par lequel aucune limite
ne s'interpose,
fais-toi connaître sur le visage de
l'autre. Amen, en vérité.
Cette vérité que j'attends
comme l'ultime réalité...
.
Stéphane Hervé
Nanteuil les Meaux
Je donnerai deux orientations au sens du
mot « salut ».
Tout d'abord, je crois que nous sommes perpétuellement
sauvés dès notre vie présente du
péché. Ce mot ne me dérange nullement pour peu
que nous efforcions de lui donner un sens plus moderne. Je crois que
naturellement, l'homme est séparé de Dieu, des autres,
et de lui-même. L'homme ne saurait, par ses propres moyens,
procéder à cette réconciliation. Cette
possibilité lui est extérieure. Le message biblique
invite l'homme à se décentrer de lui-même et de
Dieu pour y placer son prochain. C'est dans ce décentrement et
dans cette « sortie de la religion » que
l'homme pourra faire l'expérience de la
réconciliation.
Ensuite, j'ose croire en la vie
éternelle, en une vie après notre mort. Le mythe de la
caverne de Platon exprime selon moi l'existence de l'homme. Sa
perception du monde, de lui-même et de Dieu est totalement
limitée, déformée et partielle. Je crois que la
vie éternelle sera cet instant où la
Vérité s'imposera à tous dans un monde
totalement et définitivement réconcilié.
Enfin, en Christ est signifiée de
manière parfaite et ultime la volonté de Dieu de sauver
tout homme. En sa mort et sa résurrection, je vois un Dieu
impuissant, incapable d'empêcher les morts les plus injustes,
et du même coup, un Dieu qui compatit pleinement aux souffrance
de l'humanité. C'est ce même Dieu qui pourtant, ouvre un
possible, capable de changer de manière irréversible le
mal en bien, une étincelle de vie, un possible dans
l'absurdité de l'existence humaine.
.
René
Lamey
Strasbourg
Ici, il n'est pas question du salut
accompli par le Fils Unique de Dieu mourant sur la
Croix. Le salut, dans la conception
postmoderne, consiste à rapprocher ce qui est
éloigné.
Les sciences humaines s'y appliquent
- et souvent de façon satisfaisante.
Mais il y a place pour un christianisme, un
christianisme libéré des dogmes et des doctrines
(dogmes et doctrines divisent...) et principalement centré sur
la personne de Jésus.
Jésus, et, partant, sa vie, ses
paroles/paraboles, son enseignement, peut apporter au monde un sens,
une direction, un désir de vie, de relation, un espace pour la
parole de chacun.
En relisant les Évangiles avec des
yeux libérés de tout concept dogmatique, nous
redécouvrons l'homme Jésus.
- Jésus a vécu pleinement son
humanité ; il a porté un réel et
sincère intérêt à la vie de ceux et celles
qu'il rencontrait
- Jésus a aimé gratuitement ; il
n'a rejeté personne, il a aimé jusqu'au bout
(« Pardonne-leur... »)
- Jésus a été pleinement
lui-même : fidèle à lui-même,
fidèle à ses convictions ; il a été
lui-même jusqu'à la fin de sa vie (agonisant, il a
refusé l'éponge pleine d'alcool qui lui aurait
brouillé les sens) ; il a aussi invité les autres
à être pleinement eux-mêmes.
C'est dans ce sens que l'on peut proclamer
que Jésus est un sauveur. Il me sauve de ma peur de vivre en
m'invitant à vivre pleinement, il m'encourage à
dépasser ma peur d'aimer en aimant gratuitement, il m'appelle
à être pleinement moi-même.
Ce qui nous sauve, ce n'est pas sa mort,
mais sa vie, en ce qu'elle donne sens à notre vie, elle peut
aider l'homme à devenir plus « humain »,
plus « complet ».
Les gens d'aujourd'hui ne savent plus donner
un sens à leur destinée ; leur vie leur
échappe, ils n'ont plus de repères, ils se sentent
perdus. C'est de cette « perdition »-là
que Jésus peut venir les sauver.
En langage post-chrétien, on pourrait
dire que le péché, c'est l'éloignement de soi,
des autres, de la vie, la nature, et le salut serait alors le
rapprochement et la réconciliation de l'individu avec
soi-même, les autres, etc... donc avec Dieu.
.
Isabelle
Lozeron-Hervé
Aulnay
De qui, de quoi avons-nous à
être sauvés ?
Dans une religiosité où le
salut est un combat, combat contre le diable, contre le païen,
contre l'ennemi reconnu de Dieu, là le salut prend son sens
car chacun est capable de détecter l'ennemi où tout au
moins de le créer. Dans cette compréhension tout combat
devient juste car je deviens moi-même le justicier, et c'est ce
que les églises chrétiennes ont souvent
proclamé.
Mais dès lors qu'il s'agit
d'être sauvé soi-même, cela nous place dans la
position du coupable et donc toutes les prières de
libération et exorcismes en tous genres deviennent sans effet
car ce n'est plus de l'autre qu'il faut se débarrasser mais de
soi.
Aussi le salut nous place dans cette
situation de conflit intérieur, ou l'homme en vient à
lutter contre lui-même.
Etre sauvé de nous-mêmes
comment le pourrions-nous ? Ce n'est pas l'homme à la mer
qui peut lancer la bouée qui le sauvera. Il n'en demeure pas
moins que s'il n'appelle pas au secours le risque est grand que
personne ne vienne à son aide.
« Toujours pécheur,
toujours pénitent, toujours justifié »
Cette formulation de Luther, induit la
complexité du salut, qui s'enroule comme un serpent qui se
mort la queue. Le salut sous cet angle nous rend dans le même
temps responsable et extérieur à notre salut.
Responsable, car toujours pénitent, irresponsable car toujours
justifié.
Pour être sauvé il faut
être deux celui qui crie et celui qui aide.
Cela pose la question de savoir qui me
sauve, mon prochain, Dieu, Jésus ?
Il n'est pas certain qu'il faille
trancher.
.
Roger
Parmentier
Le Mas d'Azil
Salut ? Oui mais sans
mythologie !
A mes yeux, Jésus est avant tout le
prophète, le guetteur qui (comme ses
prédécesseurs) avertit des menaces proches. Son
Évangile (trouve un accord, tant qu'il est temps, avec ton
adversaire, sinon ça finira mal... ; celui qui prend
l'épée périra par
l'épée... ; etc.) vise à
détourner de la folie intégriste des Zélotes,
alliée à la folie fondamentaliste et moralisantes des
Pharisiens ; mais il ne sera pas écouté, et ce
sera le massacre des Juifs entre 66 et 70.
De même aujourd'hui son
Évangile (qu'il est indispensable d'actualiser) veut nous
sauver de bien des périls. Sera-t-il
écouté ?
Il me semble qu'il ne peut-être
question ni de péché originel, ni de condamnation
universelle, ni d'expiation des fautes des autres par un Jésus
innocent, ni d'une résurrection à tous égards
impensable, ni d'une domination impériale de Jésus
(devenu Christ) dans le ciel et sur la terre et pas non plus d'une
Providence (faisant que selon le bon plaisir de Dieu, les uns meurent
dans un accident et pas les autres)... Une mutation radicale de nos
christianismes (retrouvant enfin l'Évangile de Jésus,
bien qu'il ait été formulé dans les conceptions
culturelles et religieuses du temps) est non seulement
inéluctable, mais indispensable, si nous voulons que le
christianisme soit « sauvé ».
.
Claude
Peuron
Paris
Le mot salut n'a plus vraiment de
pertinence aujourd'hui. Il en est de
même des autres mots que l'on a pu employer :
rédemption, rachat... Peut-être le mot
« libération » a-t-il, plus que les
autres, échappé à cette usure.
Pour expliquer le salut, je
préférerais parler de libération.
On peut en effet considérer Jésus comme un
libérateur, comme le libérateur. Il nous libère
de la vaine manière de vivre héritée de nos
pères. Certes, ces mots de la première de
Pierre (1/18) sont employés dans un contexte sacrificiel
mais ils évoquent quand même une réalité
bien actuelle, même si elle n'est pas nouvelle.
Par ses paroles, sa manière de parler
et ses actes, Jésus ouvre un chemin : il est possible
de vivre autrement, avec d'autres préoccupations, un autre but.
Nous sommes ainsi libérés du souci de paraître,
de la soif de posséder, de la hantise de devoir toujours faire
nos preuves, de la crainte de ne pas être à la hauteur,
du besoin d'être aimé, d'être approuvé.
Libérés de la vanité constatée par
Qohélet (l'Ecclésiaste), le non-sens ou
l'absurdité d'une existence qui s'épuise à
courir après ce qui nous échappe toujours.
Libération d'une voie dont il apparaît de plus en plus
qu'elle est sans issue (les solutions proposées dans le cadre
de la campagne électorale ne sont guère de nature
à nous sortir de l'impasse). En écrivant cela, j'ai
bien conscience de me situer du côté des nantis, de ceux
qui ne souffrent ni de la faim ni de la guerre civile. Ils
s'exprimeraient autrement et je n'ai pas à le faire à
leur place.
Pour moi, Jésus ouvre un chemin. J'ai
commencé à le suivre, mais je sais bien que j'ai encore
à avancer... Pourtant le chemin existe, Jésus m'y
précède et m'entraîne, en dépit de mes
résistances.
Il est risqué de parler de
sacrifice offert à Dieu
Comment imaginer que Dieu, qui est Amour,
dont certains affirment la toute-puissance (ce que je ne peux
accepter qu'en ajoutant qu'elle est seulement la puissance de l'amour
qui se manifeste dans la faiblesse) se trouve dans l'obligation
d'exiger un sacrifice pour pardonner, et que ce sacrifice soit celui
de son fils ? A quelle nécessité inflexible,
à quel destin inexorable, à quelle divinité
supérieure serait-il ainsi soumis ? Assurément,
Dieu peut pardonner (sauver) sans avoir besoin d'un sacrifice et je
crois qu'il le fait.
Il est pourtant difficile de ne pas
parler de sacrifice
1. - En effet, le mot sacrifice ne s'utilise
pas seulement dans le sens précédent. Certains se
sacrifient pour une cause, par fidélité à un
idéal, à une mission... La mort de Jésus peut,
dans ce sens, être considérée comme un sacrifice.
Il aurait pu échapper à la mort en s'enfuyant, mais il
aurait ainsi contredit son message, en accordant plus de prix
à sa vie qu'à son message. Sa mort constitue la
signature qu'il appose pour certifier son message et, par la
résurrection, Dieu vient sceller celui-ci.
2. - Je n'écoute pas sans une
profonde émotion les pages de J. S. Bach (Passions ou
Cantates) dont les paroles expriment l'idée de sacrifice. Bien
sûr, on peut se laisser porter par la musique en
négligeant les paroles, mais je ne parviens pas à
dissocier les deux. Je le peux d'autant moins que j'ai
découvert en même temps le chant de chorals (certains
attribués à Bach) et l'Évangile lui-même,
lorsque j'ai commencé à venir au culte. Alors, au nom
de la perpétuité de la foi chrétienne à
travers ses expressions successives, je ne peux pas
complètement rejeter l'explication sacrificielle qui a nourri
et nourrit encore la foi de beaucoup de mes frères. Mais je ne
peux accepter qu'elle soit présentée comme la seule
manière possible de rendre compte de la signification de la
mort de Jésus.
.
Pierre-Jean
Ruff
Paris
Nous sommes
sauvés. De quoi ? Comment ?
Le salut est au centre du message
chrétien. Mais de quoi sommes-nous sauvés ?
Comment cela s'opère-t-il ? Sauvés, nous le sommes
pour quoi ?
. 1 . La
réponse classique
Paul est l'un des meilleurs
interprètes de cette réponse. L'humanité est
mauvaise. Seul un acte de salut providentiel peut changer cette
donne. Cet acte, c'est le sacrifice de la Croix où il y a
substitution de victime.
Dans cette optique, le sacrifice du Christ
est au centre de l'histoire du salut, donc de l'histoire universelle.
La Croix devient alors le symbole du christianisme et le sacrement de
la cène ou de l'eucharistie, le signe de ce bouleversement
cosmique.
Paul dira : « Si nous
n'espérons en Christ que pour cette vie, nous sommes les plus
malheureux des hommes » (I Corinthiens 15.19,
32). Ce qui fera dire à André Gide :
« Parole atroce de Paul... Rien de plus étranger
à l'Évangile que le "si les morts ne ressuscitent pas,
mangeons et buvons car demain nous mourrons" ».
. 2 . Comment concevoir ce qui est
« éternel » ?
On aura relevé que les trois premiers
évangiles parlent de l'invitation au Royaume de Dieu,
là où Jean parle de vie éternelle.
Y a-t-il une vie après notre vie
terrestre ? Pour ma part j'y crois. C'est un acte de foi dans ce
qui est au centre du message de Jésus. C'est aussi un acte de
foi dans l'amour. Je crois l'amour plus fort que la mort. Cela dit,
si je me suis trompé - ce que je ne saurai
qu'après cette vie-ci - cela ne remet nullement en cause
ma confiance en Dieu. Dualiste et platonicien, je crois à
l'immortalité d'une partie de nous-mêmes, qu'on
l'appelle « âme » ou autrement. (en
philosophie, le dualisme consiste à considérer que nous
sommes l'alchimie d'un esprit et d'un corps, qui ne relèvent
pas de la même économie et n'ont pas la même
finalité après ce que nous appeloons « la
mort », l'un poursuivant sa route autrement et l'autre
disparaissant).
Mais il faut distinguer « la vie
éternelle » qui est une qualité
existentielle, de la vie après la mort. Jésus
dira : « Celui qui croit en moi a la vie
éternelle ET je le ressusciterai au dernier jour ».
(Jean 6.40). Aussi, si certains, sous des formes diverses,
croient à la vie éternelle, mais que pour cette vie-ci,
cela ne me heurte nullement.
. 3 . L'amour de Dieu, l'enfer et le purgatoire.
Si Dieu est amour et s'il a quelque pouvoir,
il ne peut pas avoir choisi la mort d'un innocent pour le salut du
monde.
Des parents normaux donnent à leurs
enfants ce qui est bon pour eux, sans en être priés,
même lorsque ces enfants les déçoivent. Dieu
serait-il pire que nous ? La coexistence d'une
félicité éternelle et de peines
éternelles est un non-sens. L'amour de Dieu garantit l'absence
de l'enfer. Les prédicateurs cathares
déclaraient : « Toutes les âmes sont
à Dieu. Toutes retourneront à Dieu, même celles
des inquisiteurs ». Karl Barth, par double
prédestination, entendait un salut universel.
On relèvera que si le salut est
universel, la prédication chrétienne prend une tout
autre dimension. Il s'agit bien d'apporter une parole de vie et de
salut, mais pas de faire des autres les adeptes d'une religion, seul
portillon supposé vers le salut ou la lumière.
Le purgatoire ? Sans la faire mienne,
cette notion non-biblique ne me dérange pas. Comme le concept
de réincarnation, pris au sens symbolique, cette image nous
dit que certains peuvent avoir besoin d'étapes de purification
avant d'accéder à la pleine lumière.
Ce n'est pas qu'ils aient beson de s'amender
- ils sont sauvés par grâce, mais leurs yeux et
leurs coeurs peuvent avoir besoin de s'habituer à une
vérité jusqu'alors méconnue d'eux.
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