Protestants dans la Ville

Page d'accueil    Liens    

 

Gilles Castelnau

Images et spiritualité

Libres opinions

Spiritualité

Dialogue interreligieux

Hébreu biblique

Généalogie

 

Claudine Castelnau

Nouvelles

Articles

Émissions de radio

Généalogie

 

Libéralisme théologique

Des pasteurs

Des laïcs

 

Roger Parmentier

Articles

La Bible « actualisée »

 

Réseau libéral anglophone

Renseignements

John S. Spong

 

JULIAN MELLADO

Textos en español

Textes en français

 

Giacomo Tessaro

Testi italiani

Textes en français

Sea of Faith

 

 


Jésus présente-t-il encore un intérêt ?
 

Does Jesus matter any more?

 

David Boulton

Membre du Comité directeur de Sea of Faith Angleterre

 


27 juillet 2013

Qu’était Jésus sur la terre ? C’est une question. Mais une autre question plus importante encore est : « Qu'est maintenant Jésus sur la terre ? » Ou, plus crûment : « que diable ! quel en est l’intérêt ? » La critique exégétique moderne distingue le Jésus historique humain du Christ divin de la foi.
Si donc le Jésus historique n’est plus le Dieu Tout-Puissant, si sa Parole n’a plus l’autorité divine, qu’a donc encore à nous dire, ce maître de l’âge du fer d’un coin obscur du très ancien Empire romain à nous qui vivons l’âge cosmique post-moderne deux mille ans après sa mort ?
Si nos plus brillants biblistes critiques ne sont finalement capables de nous apporter, en tant que message authentique de Jésus, que l’hypothétique Source Q – qui ne nous permet d’ailleurs que de l’entrevoir à peine – ne pouvons-nous pas nous demander si cela en vaut la chandelle ? Jésus vaut-il la peine qu’on se préoccupe de lui ?
Dans cet article je vais premièrement présenter les raisons pour lesquelles on est légitimé de dire que Jésus n’est qu’une figure du passé qui n’a rien d’intéressant à nous apporter ni pour notre présent ni pour notre avenir.
Je dirai ensuite que Jésus, le Jésus pleinement humain, est finalement important, que sa vie a du sens et même que Jésus sauve !

 

Jésus n'a-t-il désormais plus d'intérêt ?


Jésus vivait il y a deux mille ans au Moyen Orient à l’âge du fer. Son univers était limité et se réduisait à trois étages : la terre était plate. Sous elle se trouvait l’Enfer dans les sombres profondeurs et au dessus le Paradis, au-delà du ciel bleu. Au Paradis, demeurait le Dieu d’Israël entouré de ses saints anges qui le servaient. Symétriquement, les sombres profondeurs infernales étaient la demeure des esprits mauvais. L’homme se trouvait pris en sandwich entre ces deux réalités et il était le jouet permanent, dans un monde enchanté,  des forces surnaturelles de Dieu et de ses anges, du Diable et de ses démons.
Jésus était un homme de son temps, de sa culture, de son origine ethnique, des traditions religieuses et culturelles dans lesquelles il était né.
Depuis ce temps-là, le mode a changé. Il est devenu beaucoup plus grand que ce que Jésus a pu connaître et comprendre. Chacun de nous a, aujourd'hui, plus de connaissances que tout ce que Jésus a pu savoir ou imaginer, en ce qui concerne la maladie et la santé, le tonnerre et les éclair, l’origine et les dimensions du soleil, de la lune, des étoiles et des galaxies, l’organisation des fleurs et des oiseaux.
Et quiconque est prêt à s’instruire un peu en saura plus que Jésus n’a jamais su concernant le monde où il a vécu, son époque et sa culture.
Jésus savait-il que la terre est ronde ? qu’elle s’étendait beaucoup plus loin que les limites connues en son temps ? Avait-il la capacité de faire la distinction entre l’histoire et la mythologie juive ? Connaissait-il le dixième de ce que les biblistes modernes ont découvert concernant la rédaction de l’Ancien Testament qui était pourtant le fondement de ses valeurs ?
A quoi Jésus pourrait-il nous servir pratiquement aujourd’hui ?
Il était incontestablement un homme de bien, inspiré, dénonciateur sans crainte des injustices. Il a été condamné et cruellement exécuté en raison des troubles qu’il suscitait.
Mais il était évidemment un homme de son époque ; deux mille ans après, dans le monde différent qui est le nôtre n’est-il pas temps désormais de le dépasser ?
L’image que nous avons aujourd’hui de Jésus a été tellement théologisée, mythologisée, retravaillée dans leur propre intérêt par les prêtres et les divers responsables, tellement recouverte de dogmes, de traditions, de piété, de sentimentalité et… de désinformation, que l’on est en droit de se demander comment elle pourrait éclairer notre propre condition.
On peut dire que Jésus ne compte plus. Jésus est mort. Qu’il repose en paix.

 

 

Jésus n’est pas sans intérêt


Ce dont il est maintenant question n’est pas le Christ de la foi, le Seigneur Jésus-Christ de Paul, la Parole éternelle de Jean qui « était au commencement avec Dieu et qui était Dieu », le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs de l’Apocalypse, monté sur un cheval blanc pour la bataille, « ayant des yeux comme une flamme de feu, la tête couronnée de plusieurs couronnes, le vêtement tâché de sang, une épée aigue sortant de sa bouche. »
Ce dont il est question n’est pas non plus la seconde Personne de la sainte Trinité, l’Agneau de Dieu dont le sang nous purifie de chacun de nos petits mensonges et de nos petits regards déviants.
Il n’est pas non plus question des autres constructions humaines et des élaborations théologiques.
Le Jésus qui compte aujourd’hui, qui nous parle encore, est cet hommes qui a été conçu dans l’acte sexuel ordinaire d’un artisan charpentier avec la fille qu’il aimait, qui n’est pas né dans l’étable mythique de Bethléem mais plus probablement dans une simple habitation de Nazareth vers la fin du règne d’Hérode le Grand. C’est lui qui, une trentaine d’années plus tard, est apparu, guérissant et rassemblant les foules autour de ses paroles de sagesse. Il suscitait l’opposition des autorités locales en refusant de se plier à leurs règles et effrayait les Romains en promettant (devrait-on dire en menaçant) un royaume dissident dans lequel « les puissants seraient jetés à bas de leurs sièges et les riches renvoyés à vide », où les pauvres seraient bénis.
Il n’était pas toujours très convenable : il maudissait un pauvre figuier innocent et se faisait de mortels ennemis des saints personnages qu’il accusait d’abus de pouvoir et traitait d’hypocrites et de « sépulcres blanchis ».
Ce Jésus était un génial raconteur d’histoires, un visionnaire universel.
Voici maintenant trois raisons que je vais développer, pour lesquelles Jésus est important pour nous aujourd’hui.

 

1

La première raison que je vais développer est que le message de Jésus d’il y a 2000 ans est aussi important pour notre monde qu’il l’était pour le monde d’alors. Il est vrai que le monde a changé plus qu’on ne peut dire mais il y a des choses qui n’ont pas changé du tout. Ainsi l’invraisemblable injustice sociale de la pauvreté dans un monde riche, la faim régnant au milieu de l’abondance, l’insensé désir de possession, les diverses structures de domination.

Jésus s’est opposé bille en tête à la sagesse de l’époque qui admettait que le pouvoir légitime appartenait aux riches, aux bien-nourris, à ceux qui disposaient de la force armée.
Il disait de manière à la fois toute simple et radicalement subversive que dans un monde juste les choses iraient à l’envers et que ce ne seraient pas les riches mais les pauvres, ni les bien-nourris mais les affamés, ni les militaires mais les pacifiques qui posséderaient le royaume. Dans un monde à l’envers, les premiers seraient les derniers et les derniers seraient les premiers.
Pouvons-nous dire que nous nous sommes aujourd’hui approchés de cet idéal ? Certainement pas, mais celui-ci demeure un idéal aussi enviable qu’il y a deux mille ans.
Jésus ne se satisfaisait pas de l’enseignement religieux traditionnel disant qu’il fallait aimer son prochain et faire aux autres ce que l’on désirait qu’on nous fasse. Il pressait ses disciples à marcher un mille de plus, aimer leurs ennemis, faire du bien à ceux qui leur faisaient du mal, tendre l’autre joue et renoncer à l’épée.
Dans un monde comme le nôtre qui s’enfonce toujours davantage dans l’injustice et la violence, n’est-il pas clair que cette contestation par Jésus des structures de domination de son temps conserve aujourd’hui toute son actualité ?
Certes nos connaissances sont actuellement plus grandes, nos horizons plus vastes, nous vivons dans un monde que ni Jésus ni ses contemporains n’auraient pu imaginer. Mais la nature humaine n’a pas changé et la vie de millions d’hommes demeure amère, abrutissante et brève. L’enseignement de Jésus a largement réussi le test du temps passé.

 

 

2

La seconde raison est centrée sur Jésus comme poète et conteur. Son message possède toujours une remarquable puissance de « salut », c’est-à-dire d’inspiration, de libération, de dynamisme.
Le bibliste et membre du Jesus Seminar, Bernard Brandon Scott, dit que les paraboles de Jésus sont la manière la plus originale et la plus authentique de présenter son idéal révolutionnaire. « Jésus, dit Brandon Scott, se révolte avec des paraboles ». Chacune de ses paraboles est un poème en prose présentant un monde alternatif qu’il nommait le royaume des cieux ou le royaume de Dieu.
Les poètes, disait Shelley, sont les législateurs incognito du monde »
Je vois Jésus comme un jalon important dans la grande tradition des utopies, imaginant une autre manière de vivre, plus lumineuse, meilleure, plus belle, et l’exprimant par ses paraboles.
Des érudits découvrent des légendes utopiques dans la littérature de l’ancienne Égypte remontant à près de 2000 ans av. JC, mais ils font remonter l’expression utopique en tant que telle à Xénophon qui, au 5e siècle av. JC imagina le mot de Paradis pour décrire la perfection des jardins persans.
La République de Platon a été une ancienne expression politique. Les prophètes hébreux ont rêvé l’utopique Jour du Seigneur où « les épées seraient changées en socs de charrues et les glaives en serpes. »
Thomas More transcrivit le mot Utopie du grec qui signifie « aucun endroit » qui se confondait avec un mot grec presque identique signifiant « bon endroit » et « bon endroit imaginaire ».
Dans la tradition littéraire anglaise il y a la célèbre « Jerusalem » de William Blake (traduite sur ce site).
Le théologien de la libération Gustavo Gutierrez appelle le royaume des cieux dont parle Jésus « l’Utopie qui met l’histoire en mouvement ».
Je suis conscient du fait que les utopies se transforment en dystopies, en contre-utopies, lorsqu’elles sont prises comme les modèles d’une société parfaite, évidemment impossible, qui ignore la fragilité et la faillibilité humaine.
Mais ce n’est pas le cas de l’authentique vision utopique, du rêve mobilisateur qui enflamme l’imagination, propose de nouvelles possibilités, ouvre à de nouvelles manières de vivre, plus humaines. Le rêve mobilisateur nous rend capable d’agir, de mettre en pratique dans notre vie réelle la nouvelle conception qui vient de surgir dans notre pensée.
Il ne s’agit pas de répéter naïvement que tout ira mieux demain et que la justice finira par triompher. Notre expérience nous a pourtant appris que c'était rarement le cas !
Mais le rêve mobilisateur active en nous le désir de réussir l’impossible, il nous dit que nous trouverons le paradis dans l’action courageuse plutôt que dans la certitude de la réussite conventionnelle.
Si le peuple n’a pas de vision d’avenir, il périt. Dans la vision du royaume qui est au cœur de toutes ses paraboles et de ses paroles de sagesse, Jésus offre « l’Utopie qui met l’histoire en mouvement ».
L’importance de cette vision, l’énergie qu’elle libère ou qu’elle génère n’est-elle pas aussi nécessaire de nos jours qu’elle l’était il y a deux mille ans ?

 

 

3

Troisièmement, notre atout sera le Jésus humain de l’histoire, si nous voulons nous opposer à l’image que donnent les Églises d’un Jésus surhomme, un peu mystique, grand Ami des petits enfants dans le ciel bleu et tout-puissant Fils de Dieu qui reviendra juger les justes et les pécheurs « lorsque sonnera la trompette du Seigneur et que le temps aura pris fin ».

Jésus est important dans la mesure où ce que l’on a fait de lui – bien différent de ce qu’il était vraiment – est désormais inséparable de ce qu’on appelait récemment encore la chrétienté. Il est présent dans notre littérature, notre art, notre musique. Des images de lui sont partout dans les églises de nos villes, de nos villages, de nos hameaux. Statues auréolées, déifiées, tristes, soupirant, saignantes, mourant, ressuscitant, trônant, pâles, sans humour, androgynes.
Que pourrait faire le véritable Jésus historique, Jésus de Nazareth, fils de Joseph et Marie, de ce que les églises ont fait de lui ? En rirait-il ? en pleurerait-il ? J’imagine qu’il s’exclamerait désespérément : « Mes amis, mes compagnons, pourquoi m’avez-vous abandonné ? »
Jésus est important parce que nous devons déconstruire les fausses constructions que l’on a faites de sa personne, de son message, de son appel révolutionnaire.
Robert Funk, le fondateur du Jesus Seminar, dit nettement dans son livre « Honest to Jesus » :
Il faut rétrograder Jésus. Il l’a demandé, il le mérite, nous ne lui devons pas moins.
Lorsqu’on fait de lui le divin fils de Dieu, coéternel avec le Père, juge universel assis à la droite de Dieu, on l’isole, on l’éloigne de son véritable rôle de simple sage galiléen. Il ne reste rien de l’homme qui aimait rire et parler à table. Qui n’établissait pas de distance entre lui et les autres personnes dont il partageait le repas.
Lorsqu’on le rétrograde, on reconnaît, par contre, en lui, le véritable fondateur du christianisme. Il n’a plus rien de cette personnalité imaginaire associée au mythe du seigneur descendent et montant, mourant et ressuscitant des cultes à mystères païens mais il est redevenu de même substance avec nous tous. Nous pourrions commencer par être iconoclastes. »
C’est, en effet, un paradoxe ironique que d’affirmer qu’il faut rétro-grader Jésus pour le pro-mouvoir, qu’il faut être iconoclaste pour rendre à Jésus la place à laquelle il a droit et qui lui redonnerait de l’intérêt pour nous et pour le monde.
Funk voit bien qu’en déifiant Jésus par la mythologie et la théologie systématique, loin de le glorifier, on le rabaisse, en réalité.
Un autre éminent théologien, Marcus Borg montre qu’en séparant le Jésus historique du Christ divinisé de la foi, on « rencontre Jésus à nouveau – pour la première fois  ».
Don Cupitt dans son dernier livre, publié cette année, « Jesus and Philosophy » affirme lui aussi que le Jésus pleinement humain a plus d’importance que jamais :
« Le message de Jésus est véritablement remarquable. Il est si grand et important que son intérêt s’est maintenu jusqu’à maintenant. C’est un fait qu’en aucun pays, aucun autre moraliste n’a eu une telle influence sur les espoirs et la vie sociale des gens. »
« L’éthique rédemptrice de Jésus
, dit encore Cupitt, précise et maintient en vie le Rêve pour un monde meilleur. Si nous maintenons ce rêve en vie et séduisant, il réformera nos valeurs et l’orientation de nos vies. »

 Traduction Gilles Castelnau

 


Retour
Retour vers David Boulton
Retour vers "Sea of Faith"
Vos commentaires et réactions

 

haut de la page

 

 

Les internautes qui souhaitent être directement informés des nouveautés publiées sur ce site
peuvent envoyer un e-mail à l'adresse que voici : Gilles Castelnau
Ils recevront alors, deux fois par mois, le lien « nouveautés »
Ce service est gratuit. Les adresses e-mail ne seront jamais communiquées à quiconque.