Théologie radicale
La République
des cieux
The republic of heaven
David
Boulton
du réseau « Sea
of Faith » d'Angleterre
Causerie donnée à la
Conférence du réseau « Sea of
Faith »
du 24 septembre 2004 à Cambridge, Nouvelle
Zélande
15 février 2005
Il est toujours utile de se tourner vers
ce maître de la Méditerranée rurale
qu'était Jésus. Qu'il
soit un personnage historique ou un personnage semi-mythique, peu
importe, les récits que l'on a de lui nous offrent un
aperçu de ce que pourrait être la réalité
alternative qu'il appelait le « Royaume des
cieux ».
Dans la nouvelle société dont
il parlait, ce seraient les pauvres qui seraient bénis, les
artisans de paix qui survivraient et les sans-pouvoir qui
hériteraient la terre.
Est-ce une théologie de la
libération ? C'est en tout cas une vision
libératrice, un rêve encourageant, un idéal
tonique, une dynamique révolutionnaire, une
spiritualité politique, une fraternité
créatrice.
.
Je ne cherche pas à promouvoir un
nouveau programme social et je
n'engage pas le réseau « Sea of Faith » à s'organiser en parti politique ! Mais je dis qu'une
spiritualité qui n'ose pas s'affronter aux
réalités sociales et politiques n'a pas grande
valeur.
Le défi de Jésus
résonne encore et toujours. Mon humble proposition est que
nous mettions notre langage à jour et, pour cela, que nous
remplacions l'appellation « Royaume des
cieux » par celle, plus
moderne, de « République des
cieux ».
Il ne s'agit pas d'un simple changement de
nom. Un république n'est pas un royaume, elle lui
succède et le remplace, comme notre civilisation
post-chrétienne succède et remplace notre culture
précédente. Le présent ne s'oppose pas au
passé, il le redessine et le réoriente.
.
- Comme le Royaume des cieux
d'hier, la République des
cieux d'aujourd'hui appellera à renverser les puissants de
leur trône, à annoncer une bonne nouvelle aux pauvres,
à nourrir les affamés et à donner des raisons de
rire à ceux qui pleurent. Elle accueillera ceux qui ne vivent
pas comme ils le devraient et dont on ne peut approuver la conduite.
Les hypocrites qui disent toujours « Seigneur,
Seigneur » seront mis en
quarantaine jusqu'à ce qu'ils mettent en pratique ce qu'ils
enseignent.
On ouvrira la porte aux étrangers,
aux minorités, aux demandeurs d'asile, aux
réfugiés économiques, à ceux qui pensent
et agissent autrement.
Les enfants, qu'ils soient sages ou mal
élevés sont déjà membres de droit de la
République des cieux.
Les gens respectables qui s'imaginent y
avoir tout naturellement leur place sous prétexte qu'ils vont
au temple, à l'église ou à la synagogue, qu'ils
mettent une pièce à la collecte, cotisent à
Greenpeace ou à l'association de défense des baleines,
qu'ils sont abonnés au bulletin paroissial et sont membres de Sea of Faith, seront exclus jusqu'à ce qu'ils comprennent
que tout cela ne leur donne aucun droit. En effet, se figurer que
l'on a droit à sa place est justement la preuve qu'on n'y a
pas droit.
- A la différence
du Royaume des cieux d'hier, la
République des cieux d'aujourd'hui n'appellera pas à
l'obéissance aveugle et à la sujétion passive
à un Seigneur divin et roi. La seigneurie et la royauté
appartiennent au passé. La République des cieux est
édifiée pierre par pierre, par de libres citoyens
pleinement conscients d'être seuls responsables de ce qu'ils
font et de la manière dont ils le font.
La République doit être le chef
d'oeuvre de l'esprit humain dont les fruits sont la compassion, la
pitié, la paix et l'amour.
Inversement certaines valeurs religieuses
n'auront pas place dans la République des cieux. Dans son
roman City of God (Cité de Dieu), E. L. Doctorow
écrit : « L'esprit d'excommunication , de
diabolisation, d'éradication, de nettoyage ethnique est un
esprit typiquement religieux. Dans l'histoire de la religion et dans
sa pratique, l'idée de Dieu a toujours
représenté la licence de
tuer ».
Par contre des valeurs traditionnellement
considérées profanes ou même anti-religieuses
auront leur place dans la République des cieux : la libre
réflexion, l'indépendance d'esprit, de parole et
d'action, la liberté, l'égalité, la
fraternité, l'humour, l'utopie, la
générosité, la tolérance, le souci
mutuel, l'imagination créatrice etc.
L'appellation de
« République des cieux » désigne une société librement
organisée par des citoyens responsables et non pas, comme le « Royaume des
cieux » un monde de sujets
soumis, obéissant à un roi céleste.
La République des cieux est en nous
lorsque nous nous impliquons dans un mouvement de tendresse, de
compassion, de paix et d'amour qui tend à guérir notre
monde blessé.
Et il est vrai que deux mille ans
après Jésus, des
millions d'hommes vivent dans un monde qui ressemble certainement
davantage à une République de l'enfer qu'à celle
des cieux.
Un long sanglot de misère, de douleur, de malheur, d'angoisse,
de maladie et de désespoir menace de déchirer notre
monde. Si les démographes ont raison, vers le milieu de notre
21e siècle, dix milliards d'hommes
habiteront pour la plupart dans d'immenses mégapoles,
engagés dans une lutte pour la vie pour le contrôle des
ressources de notre planète devenues maigres.
Déjà aujourd'hui, si l'on
compare la population de la terre à un village de cent
habitants, 80 d'entre eux demeureraient dans des habitations
insalubres, 70 seraient illettrés, 50 gravement sous
alimentés, tandis que 6 seulement posséderaient
60 % des terres et des ressources du village.
30 d'entre eux seraient blancs et considéreraient les
70 autres comme des minorités ethniques ; 10 se
permettraient de polluer le village dans lequel vivent les
90 autres.
Qui seront parmi eux - parmi
nous - les rebelles, les agitateurs, les soldats de
l'armée de l'ombre partisans de la subversion en faveur de la
République des cieux, de la Cité de Dieu.
Cité de Dieu, en
vérité, car
après tout, Dieu a sa place dans la République des
cieux ! Dieu, le plus puissant de tous les symboles jamais
créés par l'humanité. Dieu incarnation de notre
tendresse, de notre compassion, de notre paix et de notre amour. Dieu
qui jette au loin sa couronne et participe avec nous au combat
absurde et douteux de la vie humaine.
Car voici le problème que Dieu nous
pose : dans la pièce que nous jouons, il est un acteur
que l'on ne peut pas exclure. Et puisqu'il ne se laissera pas pousser
de côté, donnons-lui donc la place de conseiller
honoraire : elle lui revient et l'Écriture nous dit la
manière dont il a l'habitude de l'occuper. Il nous aidera
à créer dans l'épaisseur de notre monde, la « République des
cieux ».
Traduction Gilles
Castelnau
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