Découvrir la braise
préface de Mgr Jacques Gaillot, évêque de Partenia
page 7
Ce nouveau livre sur Jésus est une chance à saisir pour suivre ce prophète de feu qui a vécu avec une telle passion pour le Royaume de Dieu !
Je pense aux premières paroles de Jésus dans l'Évangile de Marc :
« Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle. »
Avec bonheur, José Arregi nous met sur les pas du jeune prophète de Nazareth à l'étonnante liberté.
Il souffle sur la cendre pour découvrir la braise. Il ne cherche pas à protéger la cendre, mais à découvrir la braise qui rendra nos cœurs brûlants.
Avec clarté, compétence et délicatesse, l'auteur invite à laisser tomber de fausses images qui encombrent pour aller à l'essentiel : Jésus appelle à entrer dans le Royaume de Dieu. Pour vivre comme lui sa passion du Royaume. Avec les mots et les gestes qui conviennent à notre temps.
On voit souvent Jésus à table : la table commune, ouverte à tous. Il n'y a pas d'exclus.
La convivialité est un signe merveilleux du Royaume.
L'homme de Nazareth ose manger avec des gens peu fréquentables qui sont méprisés et rejetés par la société comme par l'institution religieuse. Il ne leur fait pas la morale : il se montre leur ami. Il témoigne de la grande bonté de Dieu à leur égard. Ce qui fait scandale !
Et voici que ces exclus découvrent avec joie qu'ils sont aimés de Dieu. Personne n'est de trop.
Ce qui faisait la joie de Jésus c'était de voir que ces femmes et ces hommes naissaient enfin à eux-mêmes et se découvraient capables du meilleur.
J'ai été particulièrement touché par le chapitre sur la mort de Jésus : la cruauté du supplice de la croix, la solitude et la détresse de Jésus. Rien n'aura été épargné à cet homme qui donne sa vie et pardonne jusqu'au bout.
Attention à ne pas fixer nos yeux sur la croix mais sur celui qui est sur la croix.
Ce n'est pas la souffrance qui sauve, c'est l'amour.
Merci à José de nous redire avec insistance que Dieu aime la vie. Il est toujours du côté de la vie. Il est le Dieu des vivants. Ce qui fait son bonheur, c'est de nous voir heureux.
Que ce beau livre permette de découvrir la braise qui est en nous, pour faire jaillir la flamme.
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Le Royaume de Dieu
page 52
D'abord pour les pauvres
Le royaume de Dieu est une bonne nouvelle tout d'abord pour les plus pauvres. Ce sont eux les premiers destinataires du royaume.
Mais qui sont les pauvres ? Est pauvre celui qui vit sous toutes sortes d'oppressions réelles ou est privé d'un bien nécessaire : ceux qui ont faim et soif, qui n'ont pas de quoi s'habiller, les étrangers, les malades, les prisonniers, ceux qui pleurent...
Est pauvre également celui qui est marginalisé et méprisé par la société actuelle, celui qui est mal vu à cause de sa conduite morale ou de sa profession. Les premiers sont les « pauvres économiques » et les seconds, les « pauvres sociologiques ».
En réalité, le manque et la marginalisation vont généralement ensemble : les pauvres économiques sont mal vus et les pauvres sociologiques finissent, dans la majorité des cas, par s'appauvrir économiquement.
Ils sont les préférés de Jésus. Il suffit de regarder la liste des personnes avec lesquelles il eut le plus de relation.
Les paraboles
page 58
Le sens des paraboles
Il n'est pas facile de savoir avec précision ce que Jésus voulait dire avec chacune de ses paraboles. Chacune d'elles enfermait certainement plus d'un sens dans la bouche de Jésus lui-même ou du moins, se prêtaient-elles à plus d'une lecture. En effet, les paraboles sont des récits ouverts et leur enseignement est également ouvert, pluriel. L'on peut difficilement affirmer : « Elle veut dire exactement cela et rien de plus ».
Ces histoires sont toujours ouvertes et, à plus forte raison, les récits ayant trait à Dieu, à sa présence mystérieuse et dynamique dans notre monde. Les paraboles ne sont pas des discours théologiques, elles ne prétendent pas nous « décrire » Dieu avec exactitude, pas même nous offrir un code moral précis...
Mais une chose est certaine : les paraboles nous parlent du royaume de Dieu. Au travers des histoires qu'il raconte, Jésus narre l'histoire du royaume: comment est-il, comment il arrive, que produit-il... Presque toutes ont le royaume de Dieu comme sujet explicite : « À quoi allons-nous comparer le royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter ? » (Mc 4, 30).
Guérisons et exorcismes
page 63
Au-delà du rationalisme fidéiste et agnostique
Le fidéisme est le rationalisme des croyants, et il consiste à penser que la foi est « croire en ceci et en cela », et croire parce que c’est comme ça, parce que c'est Dieu qui l'a révélé ou parce que c'est l'Église qui le dit. Du pur rationalisme que l'on nomme foi.
L'incroyance (absolue, hostile à toute foi) est le rationalisme dans sa version incroyante : « il n'existe ici que ce qui est prouvé et vérifié par la raison logique et les sciences positives ». Du pur fidéisme, foi aveugle en la raison logique et dans les sciences positives comme étant la seule vérité.
Le fidéiste dit : « il faut croire aux miracles au pied de la lettre ». L'incrédule dit : « il ne peut pas y avoir de miracles, il vaut donc mieux ne pas tenir compte de ces récits ; ils ne m'apportent rien ». Le fidéisme et l'incroyance incrédule sont les deux faces du même rationalisme ou du même historicisme.
Il faut aller au-delà. Ou il ne faut pas aller si loin : il suffit de lire les récits des « miracles » avec l'esprit libre de toute prévention compliquée, et jouir de leur lecture en les laissant toucher notre imagination et notre âme. « Libre de toute prévention » ne signifie pas « sans esprit critique », car cela supposerait revenir au fidéisme. Il s'agit simplement de percevoir dans les récits des évangiles la présence de Jésus capable de transformer, libérer, guérir. Il s'agit, en fait, d'aborder les « miracles » de Jésus avec simplicité, avec la même simplicité dont Jésus fit preuve en les réalisant.
Mais, que fit Jésus ? Jésus accompagna, Jésus accueillit, Jésus consola, Jésus dénonça, Jésus libéra.
Jésus guérit les âmes et les corps. Et nous sommes conviés à faire de même. La lecture des récits évangéliques retraçant les « miracles » peuvent nous préparer à cette tâche, dans la mesure où ils augmentent en nous la sensibilité, la compassion, la confiance. La conscience d'un appel, mais également le réconfort d'une présence qui nous guérit et nous libère.
La foi de Jésus
page 126
Du côté de Dieu et contre les idoles
[...]
Jésus ne s'est pas acharné à démontrer l'existence de Dieu : à son époque ce n'était pas nécessaire (peut-être à la nôtre non plus). Il s'est attaché plutôt à montrer par sa vie un Dieu crédible, un Dieu « vivable » et vivifiant.
Alors aussi, comme de nos jours, il y avait beaucoup d'images de Dieu qui tuent :
l'image de Dieu liée à l'enseignement des scribes et au culte régi par les prêtres,
l'image de Dieu attachée au pouvoir sacré,
l'image du Dieu liée à la fois aux règles de pureté et aux sacrifices du temple,
l'image d'un Dieu qui récompense les bons et punit les méchants,
l'image d'un Dieu qui justifie l'état des pauvres et des malades,
l'image d'un Dieu qui amène avec lui le jugement et la destruction du monde.
Jésus a passé sa vie à luter contre ces idoles et à défendre le Dieu de la vie qui fait vivre et est digne de foi.
« Le Dieu de Jésus est un Dieu dissident ». Non pas dissident par rapport au Dieu des Juifs, mais par rapport au dieu d'une certaine orthodoxie et aristocratie à la fois religieuse et politique.
Le Dieu de Jésus est un Dieu qui soutient les enfants, les malades, les pauvres, les femmes, les méprisés, les lis des champs et les oiseaux du ciel.
Le Dieu qui veut célébrer un repas joyeux en son royaume avec tous les Juifs et tous les païens.
Le Dieu qui fait naître le soleil tous les jours pour les justes et les pécheurs.
Le Dieu qui vaincra le pouvoir aveugle de l'argent.
En résumé : le Dieu qui est pour la vie.
Ce ne sont pas les dieux des « autres religions » qui sont faux, mais le dieu qui rétrécit la vie et intimide la personne, qu'il soit Dieu juif, chrétien ou musulman.
Le vrai Dieu, n'est pas celui que nous enseignent les théologiens et les professeurs experts, mais celui qui augmente le bonheur des êtres, qu'il soit Dieu juif, musulman ou hindou.
Par conséquent, croire en Dieu n'est pas croire que Dieu existe, ou « croire » que Dieu est comme ceci ou comme cela, mais vivre la communion, la confiance et la consolation de Dieu, et les développer dans la vie. Ainsi croyait Jésus.
La croix ne nous sauve pas
page 195
[...]
Un vendredi du mois d'avril, on a mis Jésus en croix, un parmi d'autres. Le Sanhédrin des prêtres l'avait accusé de vouloir détruire le Temple. Le Prétoire romain le condamna pour être une menace pour l'ordre de l'empire.
Le Sanhédrin avait raison, selon la loi en vigueur dans la religion du temple, et le Prétoire avait raison selon la loi de l'Empire. Mais les deux lois étaient la même, et les deux étaient perverses.
C'étaient les lois du pouvoir et de l'ordre, du crime et du châtiment. Point la loi de Dieu, la sainte loi de la bonté et de la vie.
De telle sorte que Jésus fut crucifié contre la volonté de Dieu, lequel ne souhaite pour nous que la vie et fait briller le soleil sur les bons et sur les méchants.
En revanche, les chrétiens interprétèrent très tôt la croix de Jésus en conformité avec les vieilles catégories de la religion du temple : la coulpe et le châtiment, le sacrifice et le pardon.
[...]
Les chrétiens ont oublié l'histoire du Sanhédrin et de Pilate, et ont interprété la croix, sur le registre cultuel, comme un sacrifice d'expiation. Ils ont poussé jusqu'à affirmer que Dieu a crucifié Jésus.
Qui peut croire, aujourd'hui, en un Dieu qui exige l'expiation des péchés, parfois de la part du coupable, parfois de la part de l'innocent qui remplace le coupable ? Un tel dieu serait un monstre abominable, et la vraie piété se manifesterait en le combattant.
Ainsi nous avons créé de tels monstres, et leur avons édifié des temples, des doctrines et des systèmes pénitentiels, une sinistre construction qui repose sur un dogme érigé en une sorte de principe métaphysique de caractère absolu : « Tout péché doit être expié ».
Une religion de l'expiation universelle, dans laquelle le plus important, ce n'est même pas que celui qui a causé du tort à autrui le répare et essaie de le guérir, mais d'exiger qu'il paie, qu'il souffre, qu'il pourrisse en prison, qu'il meure (on entend cela dans la bouche de beaucoup). Terrible religion, et terrible société, qui vocifère de la sorte.
Ce n'est pas cela la religion de Jésus. Le principe absolu de Jésus est différent, absolument autre : « Toute blessure doit être guérie ».
Jésus n'avait pas d'intérêt pour le péché (c'est quoi, le péché ?), mais pour la souffrance : les personnes qui souffraient et celles qui faisaient souffrir. Il n'avait pas d'intérêt pour la culpabilité (qu'est-ce que la coulpe ?), mais pour le dommage: la personne blessée, et celle qui provoque des blessures, et celui qui blesse le fait parce que lui-même est blessé, et a besoin de guérison et non de punition.
[...]
Mais le malentendu persiste et il convient de le clarifier. Le Dieu de l'expiation n'a jamais existé, et on doit effacer la religion de l'expiation. La souffrance, ce n'est pas ce qui sauve, mais ce dont nous devons être sauvés. Et le salut ne consiste pas à être absous d'une faute ni à l'expier, mais à être guéris de toute sorte de blessure.
C'était le dessein de Jésus. À travers sa vie et sa croix, ce n'est pas la croix qui nous sauve, mais la liberté pleine de risques, la bonté solidaire, la proximité salvatrice. La sienne et celle de tous les hommes et de toutes les femmes de bien. Bénis soient tous les crucifiés, et maudites toutes les croix, y compris celle de Jésus.
C'est le Frère Blessé qui nous sauve. Toutes nos sœurs et tous nos frères blessés à cause de leur bonté nous sauvent, malgré la croix. Certes, pas sans la croix. Mais, sûrement, pas à cause d'elle.
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