Pour en finir avec
DIEU
Richard Dawkins
Éd. Robert Laffont
Traduit de l’anglais par Marie-France Desjeux-Lefort
427 pages. 22 €
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Recension Gilles Castelnau
voir aussi :
12 décembre 2011
Richard Dawkins est scientifique, professeur de biologie à l'université d'Oxford et auteur à succès militant du rationalisme athée. Le gros livre que voici est brillant, facile à lire et très amusant.
Iil rejoint malheureusement - et on le lui reproche à juste titre - les Français Comte Sponville et Michel Onfray qui s'opposent au catéchisme benêt d'un curé de campagne du siècle dernier ou à un fondamentalisme infantilisant plutôt qu'au christianisme intelligent des véritables théologiens.
Mais justement,
il donne énormément à penser concernant notre langage religieux, nos affirmations souvent irréfléchies et non crédibles qui donnent la partie facile aux contempteurs du christianisme.
En voici quelques passages typiques.
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page 12
Imaginez un monde sans religion. Pas d'attentats suicides, pas de 11 septembre, pas de 7 juillet (7 juillet 2005 : date des attentats suicides de Londres. N.d.T), pas de croisades, pas de chasses aux sorcières, pas de Conspiration des poudres (note de GC : attentat projeté par un groupe de catholiques anglais visant à faire sauter le Parlement de Londres et à instaurer une monarchie catholique), pas de partition de l'Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbo-croates pas de persécution de juifs « déicides », pas de « troubles » en Irlande du Nord, pas de « crimes d'honneur », pas de télévangélistes au brushing avantageux et au costume tape-à-l'œil, cherchant à tondre les gogos en leur vidant les poches (« Dieu veut que vous donniez jusqu'à ce que ça vous fasse mal »). Imaginez, pas de talibans pour dynamiter les statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime parcelle de peau.
page 38
L'HYPOTHÈSE DE DIEU
La religion d'une époque constitue le divertissement littéraire de la suivante.
Ralph Waldo Emerson
On peut dire que, de toutes les œuvres de fiction, le Dieu de la Bible est le personnage le plus déplaisant : jaloux, et fier de l'être, il est impitoyable, injuste et tracassier dans son obsession de tout régenter; adepte du nettoyage ethnique, c’est un revanchard assoiffé de sang, tyran lunatique et malveillant, ce misogyne homophobe, raciste, pestilentiel, mégalomane et sadomasochiste pratique l'infanticide, le génocide et le « filiicide ».
page 43
Le pape Jean-Paul II a, à lui seul, créé plus de saints que tous ses prédécesseurs des quelques derniers siècles réunis, et il avait une affinité toute spéciale avec la Vierge Marie. Il a révélé ses rêves polythéistes de façon spectaculaire en 1981 lors de la tentative d'assassinat dont il a été victime à Rome, quand il a attribué sa survie à l'intervention de Notre-Dame de Fâtima : « Une main maternelle a guidé la balle. »
On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi elle ne l'avait pas guidée pour qu'elle le rate complètement. D'aucuns pourraient penser que les chirurgiens de l'équipe qui l'a opéré pendant six heures méritaient d'être crédités à tout le moins d'une partie du résultat mais peut-être leurs mains étaient-elles aussi guidées maternellement.
L'important, c'est que ce n'était pas simplement Notre-Dame qui, selon le pape, avait guidé la balle, mais plus spécifiquement Notre-Dame de Fatima. C'est à croire que Notre-Dame de Lourdes, Notre-Dame de Guadalupe, Notre-Dame de Medjugorje, Notre-Dame d'Akita, Notre- Dame de Zeitoun, Notre-Dame de Garabandal et Notre-Dame de la Bourlingue s'affairaient ailleurs à ce moment-là.
page 71
La Grande expérience de prière
Une étude de cas amusante, mais plutôt pathétique, concernant les miracles est le Grande expérience de prière : est-ce que prier pour les malades les aide à guérir ?
On prie couramment pour les malades, aussi bien en privé que dans les lieux de culte officiels. Le cousin de Darwin, Francis Galton, a été le premier à analyser scientifiquement si le fait de prier pour des personnes est efficace. Il a remarqué que tous les dimanches, dans les églises de toute la Grande-Bretagne les assemblées de fidèles au complet priaient publiquement pour la santé de la famille royale. En eonséquence, est-ce que les membres de cette famille ne devraient pas jouir d’une santé exceptionnelle par rapport à nous autres, le commun des mortels pour qui ne prient que nos proches et ceux qui nous sont chers ?
Galton s'est penché sur cette question et n'a pas trouvé de différence statistique. Peut-être, de toute façon, sa démarche avait-elle une visée satirique, comme quand il a prié pour des lopins de terre tirés au sort afin de voir si les plantes y pousseraient plus vite (ce qui n'a pas été le cas).
Le Dr Benson et son équipe ont suivi 1 802 patients de six hôpitaux qui ont tous subi des pontages coronariens. Les patients ont été répartis en trois groupes. Ceux du groupe 1 faisaient l'objet de prières et ne le savaient pas. Ceux du groupe 2 (groupe témoin) ne faisaient pas l'objet de prières et ne le savaient pas. Ceux du groupe 3 faisaient l'objet de prières et le savaient. La comparaison entre les groupes 1 et 2 testait l'efficacité de la prière d'intercession. Le groupe 3 testait les effets psychosomatiques éventuels liés au fait de savoir qu'on fait l'objet de prières.
Les prières étaient fournies par les fidè1es de trois églises, une dans le Minnesota, une dans le Massachusetts et une dans le Missouri, toutes trois loin des hôpitaux. Comme on l'a dit, on ne communiquait aux personnes qui priaient que le prénom et l'initiale du nom de famille du patient pour lequel elles devaient prier. Comme c'est une bonne pratique expérimentale que de standardiser les choses au maximum, tous devaient ajouter dans leurs prières « pour la réussite de l'opération avec un bon rétablissement, rapide et sans complications ».
Les résultats, publiés dans l'American Heart Journal d'avril 2006, étaient clairs et sans ambiguïté. Il n'y avait pas de différence entre les patients qui avaient fait l'objet de prières et ceux pour lesquels on n'avait pas prié. Quelle surprise ! En revanche, il y avait une différence entre ceux qui savaient qu'on avait prié pour eux et ceux qui ne savaient rien, mais pas dans le bon sens. Ceux qui savaient qu'ils avaient bénéficié de prières ont eu des complications significativement plus nornbreuses que ceux qui ne le savaient pas. Était-ce un petit châtiment de Dieu pour montrer qu'il réprouvait toute cette entreprise loufoque ? Il semble plus probable que les patients qui savaient qu'on priait pour eux en ont éprouvé plus d'anxiété, subissant l'« angoisse du résultat », selon les termes des expérimentateurs. Au dire d'un des chercheurs, le Dr Charles Bethea, « il est possible que cela ait semé le doute dans leur esprit, et qu'ils se soient demandé : "Est-ce que je suis si malade qu'ils ont dû faire appel à leur équipe de prière ?" ».
page 393
« Vous attaquez toujours dans la religion ce qu'elle a de pire, et vous en ignorez le meilleur. »
« Vous vous en prenez aux arnaqueurs comme Ted Haggard, Jerry Falwell et Pat Robertson (trois principaux télévangélistes américains), qui soulèvent les foules par des moyens grossiers, et pas aux théologiens de qualité comme Tillich ou Bonhoeffer qui enseignent la religion à laquelle je crois.
Si seulement prédominait ce genre de religion subtile et nuancée, le monde s'en porterait sûrement mieux, et mon livre aurait été différent. La triste vérité, c'est que ce genre de religion digne et discrète est numériquement négligeable. Pour I'immense majorité des croyants autour du monde, la religion ressemble de trop près à ce que vous entendez des gens de l'acabit de Robertson, Falwell ou Haggard, Ousama Ben Laden ou l'ayatollah Khomeini. Ce ne sont pas des hommes de paille, ils ont tous trop d’influence et, dans le monde moderne, tout le monde doit compter avec eux.
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