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Paroles d'hommes

1790-1793

Condorcet, Prudhomme, Guyomar…



Un recueil de textes présentés par

Élisabeth Badinter


éd Flammarion
240 pages 10 €


Recension Gilles Castelnau

 

23 janvier 2023

Élisabeth Badinter nous introduit dans le monde exalté de l’idéal républicain par son aspect surprenant de l’anti-féminisme. A part le remarquable Condorcet, tous ces hommes aux grands sentiments parlent des femmes à l’Assemblée Nationale avec une douceur et un amour tendre qui feraient sourire aujourd’hui et un minimalisme sidérant.

Elle nous introduit à cet état d’esprit dans une importante présentation très intéressante puis nous donne une vingtaine de textes positifs ou négatifs concernant les mouvements des femmes, par exemple lorsqu’elles viennent demander la parole et apportent des pétitions.

C’est saisissant.

 

En voici quelques exemples.


Présentation

Élisabeth Badinter



Un débat philosophique

La pensée de Condorcet, d'une audace exceptionnelle par son féminisme radical, n'eut quasiment pas d'adeptes. Pas même des contradicteurs sérieux. Sa prière : « qu'on daigne réfuter ces raisons autrement que par des plaisanteries et des déclamations » ne fut pas entendue.

[…]

Rousseau était le grand triomphateur de la fin de ce siècle. La publication de l'Émile en 1762 avait cristallisé la révolution des mentalités en lui donnant sa justification philosophique.

[…]

Chacun se souvient du portrait idyllique d'Émile et de Sophie, sa compagne. À lui la force, l'audace, l'intelligence et la conquête du monde extérieur ; à elle la douceur, la modestie, les activités ménagères et le pouvoir sur la maisonnée. Rousseau n'hésite pas à proposer une mesure radicale : l'enfermement des femmes. « La femme doit commander seule dans la maison […]. Mais elle doit se borner au gouvernement domestique, ne point se mêler du dehors, se tenir enfermée chez elle. » De façon plus brutale, il affirme que la véritable mère de famille, « loin d'être une femme du monde, n'est guère moins recluse dans sa maison que la religieuse dans son cloître » (Rousseau, Émile V).

Les analogies entre la mère et la nonne, la maison et le couvent en disent long sur l'idéal féminin de Rousseau et de ses contemporains. Sacrifice et réclusion en sont les caractéristiques. Hors de ce modèle, point de salut pour les femmes.

[…]

Tel est le discours dominant pendant la Révolution française, y compris chez ceux qui s'affirment les plus farouches républicains. [Notons, à leur décharge, que ce discours-là triomphera dans les sociétés occidentales jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale.]

 


Esquisses psychologiques

Amar et les rédacteurs des Révolutions de Paris disent la même chose plus brutalement : « Restez à votre place, ne sortez point de vos demeures. » « Il ne faut pas qu'un ménage reste un seul instant désert. » « L'épouse bien apprise ne sera jamais d'humeur quitter son ménage pour aller s'asseoir à côté de son mari sur les banquettes de l'aréopage » Vous n'êtes bien que dans la maison paternelle et sous le toit marital […]. Partout ailleurs, vous êtes déplacées. Le seul fait que des femmes viennent lire des pétitions à la barre de l'Assemblée, ou dans des clubs, exaspère ces messieurs, qui font parfois mine d'applaudir tout en ricanant derrière leur dos. Prudhomme, lui, ne se gêne pas pour leur dire vertement leur fait : restez chez vous pour pétitionner, nous transmettrons…

 

 


Sur l’admission des femmes au droit de cité

 

Condorcet (1743-1794), Journal de la Société de 1789, 3 juillet 1790

 

Il serait difficile de prouver que les femmes sont incapables d'exercer les droits de cité. Pourquoi des êtres exposés à des grossesses, et à des indispositions passagères, ne pourraient-ils exercer des droits dont on n'a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers, et qui s'enrhument aisément ? On dit qu'aucune femme n'a fait de découverte importante dans les sciences, n'a donné de preuves de génie dans les arts, dans les lettres, etc. ; mais, sans doute, on ne prétendra point n'accorder le droit de cité qu'aux seuls hommes de génie. On ajoute qu'aucune femme n'a la même étendue de connaissances, la même force de raison que certains hommes ; mais qu'en résulte-t-il, qu'excepté une classe peu nombreuse d'hommes très éclairés, l'égalité est entière entre les femmes et le reste des hommes ; que cette petite classe mise à part, l'infériorité et la supériorité se partagent également entre les deux sexes. Or, puisqu'il serait complètement absurde de borner à cette classe supérieure le droit de cité, et la capacité d'être chargé de fonctions publiques, pourquoi en exclurait-on les femmes, plutôt que ceux des hommes qui sont inférieurs à un grand nombre de femmes ?

 

 

On a dit que les femmes, quoique meilleures que les hommes, plus douces, plus sensibles, moins sujettes aux vices qui tiennent à l'égoïsme et à la dureté du cœur, n'avaient pas proprement le sentiment de la justice ; qu'elles obéissaient plutôt à leur sentiment qu'à leur conscience. Cette observation est plus vraie, mais elle ne prouve rien : ce n'est pas la nature, c'est l'éducation, c'est l'existence sociale qui cause cette différence. Ni l'une ni l'autre n'ont accoutumé les femmes à l'idée de ce qui est juste, mais à celle de ce qui est honnête. Éloignées des affaires, de tout ce qui se décide d'après la justice rigoureuse, d'après des lois positives, les choses dont elles s'occupent, sur lesquelles elles agissent, sont précisément celles qui se règlent par l'honnêteté naturelle et par le sentiment. Il est donc injuste d'alléguer, pour continuer de refuser aux femmes la jouissance de leurs droits naturels, des motifs qui n'ont une sorte de réalité que parce qu'elles ne pas de ces droits.

 

Si on admettait contre les femmes des raisons semblables, il faudrait aussi priver du droit de cité la partie du peuple qui, vouée à des travaux sans relâche, ne peut ni acquérir des lumières, ni exercer sa raison, et bientôt, de proche en proche, on ne permettrait d'être citoyens qu'aux hommes qui ont fait un cours de droit public. Si on admet de tels principes, il faut, par une conséquence nécessaire, renoncer à toute constitution libre.

 


A propos des femmes pétitionnaires

Révolutions de Paris, novembre 1791

 

Addition à l’article des femmes pétitionnaires

C'est au cèdre de la montagne à braver les aquilons ; la rose de nos jardins ne doit connaître que le zéphyr.

Les femmes doivent toutes suivre leurs pères, accompagner leurs maris, et croire fermement qu'elles sont dans le bon chemin, et qu'elles ne peuvent s'égarer avec de tels guides. Oui ! si quelque mal-avisé venait dire en confidence à une femme : Madame, vous ne savez donc pas, apprenez que la religion de votre mari vous mène tous deux droit en enfer. Cela se peut, devrait répondre sagement l'épouse : eh bien ! j'aime encore mieux me damner avec mon mari que de me sauver sans lui. Une fille bien née ne doit avoir, pour ainsi dire, d'autre religion que la piété filiale ; une épouse ne doit professer d'autre culte que l'amour conjugal. La nature n'a pas fait les femmes pour réfléchir, mais bien pour aimer et pour l'être. Aimer leurs pères, leurs maris, leurs enfants ; voilà pour elles la loi et les prophètes. Elles ne doivent, pour ainsi dire, fréquenter d'autre temple que le toit paternel et la maison maritale, ni consulter d'autres oracles que les hommes auxquels elles sont liées par le sang et par le cœur.

 

 


L'instruction des femmes


Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique (1791-1792)

 

Elles ne doivent pas être exclues de celle qui est relative aux sciences, parce qu'elles peuvent se rendre utiles à leurs progrès, soit en faisant des observations, soit en composant des livres élémentaires.

Quant aux sciences, pourquoi leur seraient-elles interdites ? Pourquoi celles des femmes, dont la vie ne doit pas être remplie par l'exercice d'une profession lucrative, et ne peut l'être en entier par des occupations domestiques, ne travailleraient-elles pas utilement pour l'accroissement des lumières, en s'occupant de ces observations, qui demandent une exactitude presque minutieuse, une grande patience, une vie sédentaire et réglée ? Peut-être même seraient-elles plus propres que les hommes à donner aux livres élémentaires de la méthode et de la clarté, plus disposées par leur aimable flexibilité à se proportionner à l'esprit des enfants qu'elles ont observés dans un âge moins avancé, et dont elles ont suivi le développement avec un intérêt plus tendre. Or, un livre élémentaire ne peut être bien fait que par ceux qui ont appris beaucoup au-delà de ce qu'il renferme ; on expose mal ce que l'on sait, lorsqu'on est arrêté à chaque pas par les bornes de ses connaissances.

 


 

Il est nécessaire que les femmes partagent
l’instruction donnée aux hommes

 

4° Parce que les femmes ont le même droit que les hommes à l'instruction publique.

Enfin, les femmes ont les mêmes droits que les hommes ; elles ont donc celui d'obtenir les mêmes facilités pour acquérir les lumières qui seules peuvent leur donner les moyens d'exercer réellement ces droits avec une même indépendance et dans une égale étendue.

[…] Elles en ont été chargées quelquefois en Italie, et avec succès.

Plusieurs femmes ont occupé des chaires dans les plus célèbres universités d'Italie, et ont rempli avec gloire les fonctions de professeurs dans les sciences les plus élevées, sans qu'il en soit résulté ni le moindre inconvénient, ni la moindre réclamation, même aucune plaisanterie dans un pays que cependant on ne peut guère regarder comme exempt de préjugés, et où il ne règne ni simplicité, ni pureté dans les mœurs.

(NB) Laura Bassi a été professeur d’anatomie et Françoise Agnesi professeur de mathématiques à Bologne.

 

 

 


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