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La Réformation protestante



   Ephésiens 2, v.1-10

 
 Alain Redslob

 

prédicateur laïc

paroisse de Saint-Quentin-en-Yvelines

Église Protestante Unie




30 octobre 2022

 Bon anniversaire ! Célébrée le 31 octobre par les communautés luthériennes et réformées, la fête de la Réformation commémore la naissance de la Réforme. Dans plusieurs Länder allemands, voire dans des pays pas forcément de confession protestante dominante tels le Chili ou la Slovénie, le 31 octobre est chômé. Mais vous avez noté que nous sommes le 30, et non le 31, ce qui prouve d’une part que le protestantisme sait s’adapter, et que, de l’autre, notre paroisse est incessamment à l’avant-garde ! Toujours est-il que ce fut bien le 31 octobre 1517 que Martin Luther s’éleva contre les indulgences en adressant à l’archevêque et cardinal Albert de Brandebourg ses fameuses 95 thèses. Les indulgences, comme vous le savez, constituaient des rémissions plénières ou limitées des péchés contre monnaie sonnante et trébuchante. De la façon la plus nette, il récusait le fait que le pardon pouvait se monnayer. Et ses thèses de se répandre en Allemagne, puis en Europe, telle une traînée de poudre grâce aux progrès fulgurants de l’imprimerie.

     Encore un point d’histoire si vous me le permettez. Si Paul avait séjourné à Ephèse, il se trouve vraisemblablement en prison ou en résidence surveillée à Rome, au début des années 60 lorsqu’il rédige cette lettre. Elle se situe dans une veine similaire à celle des épîtres adressées aux Philippiens et aux Colossiens, visant prioritairement à convertir les non Juifs à la religion chrétienne. Quant à la ville d’Ephèse accrochée à flanc de colline dévalant jusqu’à la mer, elle fut, tôt, un nœud commercial opulent et, d’abord, un lieu de confluence de civilisations où le rayonnement de la culture grecque et l’empreinte de la puissance politique romaine cohabitaient.

     A présent, venons-en à notre lecture du jour que je commencerai par commenter, par approfondir, puis par actualiser pour répondre à une question existentielle, en vérité capitale en ce jour de la fête de la Réformation : comment, si cela est possible, définir un Protestant ?

 

Ce qu’aurait pu être un Protestant paulinien

 

     Hors la foi, il n’est point de vie. Paul n’y va pas de main…morte ! Les péchés et les fautes accablent et, de fait, installent un éloignement de Dieu. Au verset 2, il mentionne « le prince de l’autorité de l’air » que nous devons traduire approximativement par l’air du temps. En d’autres termes, Paul souligne combien nous sommes inféodés aux autorités en place et ce d’autant plus qu’on ne s’en aperçoit guère, parce que leurs forces agissantes sont souvent contraires aux enseignements des Evangiles, accentuant en cela notre distanciation par rapport à Dieu. Cela étant, Paul ne cherche pas à jeter l’opprobre sur autrui car il affirme que nous-mêmes nous comportions la plupart du temps comme les autres (v.3), i.e. guidés par les seuls désirs de la chair et les volontés de la pensée, hélas tous deux mus par la colère. Probablement Paul songeait-il à celui qu’il avait été, l’odieux Saul persécuteur de Chrétiens ! La révélation du chemin de Damas a en effet provoqué une rupture en lui au point qu’elle lui fait écrire au verset suivant : « Mais Dieu est riche de compassion, et à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts du fait de nos fautes, il nous a rendus vivants avec le Christ - c’est par grâce que vous êtes sauvés ».

     Ce verset est à mes yeux charnière, puisqu’il fait valoir la césure entre, d’une part, notre mort spirituelle antérieure quand nous n’agissions que sous l’empire de nos pulsions et, de l’autre, notre vie présente, sauvés que nous sommes par la grâce. C’est en effet par l’amour et la compassion de Dieu que nous sommes hissés « dans les lieux célestes, en Jésus Christ », afin de prouver qu’au lieu de se contracter son amour ne cesse de s’étendre. C’est ainsi qu’il faut interpréter la phrase relatant « la richesse surabondante de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus Christ » (v.7). En cas d’ébranlements qui ne manquent pas dans nos vies, redressons-nous car nous sommes ni plus ni moins appelés à siéger aux côtés du Christ. Car si tomber n’est en rien critiquable, ne pas se relever est une faute, professait déjà la philosophie grecque.

     « C’est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés au moyen de la foi », énonce le verset 8. Et cette grâce est avant tout un don de Dieu. Mais, chers Frères et Sœurs, en ce jour de témoignage, ne reconnaissez-vous pas là un des principes fondateurs du protestantisme qui prendra plus tard le nom de « sola fide, sola gracia » ? Bien sûr que oui. Et Paul d’enfoncer le clou en relevant au verset 9 que cette affirmation se trouve à des années lumière du salut par les œuvres, donc, plusieurs siècles après, des fameuses indulgences ! Ce salut, qu’on pourrait qualifier de retour à la vie, interdit toute fierté ; il atteste au contraire la bonté de Dieu qui doit servir aux hommes d’aiguillon pour commettre des bonnes œuvres (v.10).

     Surabondance de l’amour de Dieu, proximité quasi physique du Christ, grâce infinie et  salvatrice, tels étaient les certitudes qui réchauffaient le cœur de celui que j’ose dénommer un Protestant paulinien.

 

Ce qu’était un Protestant réformateur

 

     Vous avez noté que trois termes jalonnent le passage que nous avons lu : la grâce, la foi et le salut. Evoquons-les tour à tour.

     Qu’est-ce que la grâce ? Un terme complexe en théologie chrétienne, puisque soit on l’envisage en tant que telle et la liberté de l’homme en est estompée, soit on pense que grâce de Dieu et liberté de l’homme sont articulées et c’est cette fois la volonté divine qui s’en trouve amoindrie. Nous nous trouvons au cœur d’un débat entre la place de l’auteur de la grâce (Dieu) et le rôle de son bénéficiaire (l’homme), débat qui avait, en son temps, animé une diatribe entre Luther et Erasme. La grâce, en vérité, présente plusieurs facettes : ici, elle est remerciement, là elle est aide de Dieu, là encore elle permet l’obtention du salut, là enfin elle s’identifie au pardon. Je creuse plus avant : chacune et chacun d’entre nous ne se forge-t-il pas sa propre conception de la grâce ? Je suis enclin à le penser, tout en faisant valoir que toutes ces approches partagent un point commun : la gratuité. La grâce apparaît alors comme un don qui tisse ce lien unique entre Dieu et nous, sans la moindre injonction.

     C’est précisément là que la foi intervient car, en tant que principe central de la théologie réformatrice, elle est aussi un don de Dieu : on croit ou on ne croit pas, Dieu ne nous contraint en rien. Il nous tend sa main, et on la saisit ou non, voilà tout. Cette foi que j’aurais plus tendance à assimiler à la confiance qu’à la croyance nous permet de cheminer sur les sentiers de la vie pour louer Dieu et pour rencontrer l’autre. On retrouve là les deux commandements fondamentaux : aimer Dieu et aimer son prochain. La foi, Chers Amis, est l’origine de l’agir, parce qu’elle place Christ en son centre. Encore deux observations sur la foi : elle ne saurait être une dévotion mais une relation entre nous et celui qui s’est sacrifié pour nous afin de nous permettre d’aller vers l’autre. De plus, elle ne se commande pas ; elle ne dérive pas d’une consigne, encore moins d’un ordre, mais résulte tout bonnement du surgissement du Christ en notre être.     

     Le salut, enfin, découle naturellement de ce qui vient d’être dit. En effet, il n’est d’aucune manière une récompense résultant de bonnes œuvres accomplies, fût-ce avec les meilleurs intentions du monde, parce que rien, absolument rien ne peut nous racheter devant Dieu. Le salut qui, au fond, n’est que la synthèse des deux autres dons, la grâce et la foi, doit nous libérer de tout joug, de tout tourment de l’âme et de toute interrogation quant à l’existence d’un au-delà. En sorte que l’assurance du salut doit former un appel à faire le bien autour de nous, voilà tout. Tout compte fait, est-ce si difficile ?

 

Ce qu’est un Protestant aujourd’hui  

 

     Définir un Protestant moderne en peu de mots relève de la gageure. Je m’y efforcerai néanmoins en soulignant plusieurs traits de son caractère. 

     Un Protestant est un homme indocile et qui est heureux de l’être. Appartenant aux confessions d’origine (luthéranisme, calvinisme, anglicanisme) désireuses de réformer l'Église catholique romaine au XVI° siècle ou à celles qui se sont constituées par la suite (baptisme, méthodisme, etc.), toutes rejetant l'autorité du Pape, il est un homme, rien qu’un homme, debout face à Dieu et à lui-même. Un point, c’est tout.

     Un Protestant est un homme libre et qui est heureux de l’être. Les pasteurs ou les prédicateurs laïcs n’ont en rien à dicter la conduite des croyants. Ces derniers bâtissent leur vie et arrêtent leurs attitudes morales devant Dieu, et Lui seul, vu que l’Eglise n’est pas dépositaire des Ecritures, mais bien au contraire à leur service. Cette alliance indissociable entre liberté et responsabilité, certes difficile à vivre, constitue une source inépuisable de joie à appartenir à cette confession. Et qui dit liberté de conscience dit d’abord liberté, authentique ADN du protestantisme.

     Un Protestant est un homme mesuré et qui est heureux de l’être. Il cultive la simplicité, aime la rigueur et la droiture, apprécie la modération et la réserve. Il préfère l'épargne à l'endettement ce qui le rend un peu anachronique, mais, à me yeux, il n’a pas tort. Et s’il connaît l’aisance, don de Dieu à en croire Calvin, il doit en faire profiter autrui.

     Un Protestant est un homme ouvert et qui est heureux de l’être. Etre protestant ne signifie en aucun cas épouser une posture, mais adopter un comportement au service de Dieu tout autant que pratiquer un élan vers l’autre : protestantisme et bonheur se conjuguent à merveille. L’opiniâtreté à croire, l’inclinaison à servir et la joie de vivre dérivent tout bonnement de la certitude du salut.

     Un Protestant est un homme de principe et qui est heureux de l’être. Un Protestant croit viscéralement aux principes issus de la Réforme, principes déclaratifs intemporels. Les « cinq solae » - à Dieu seul la gloire, seul le Christ, seule la foi, seule la grâce, seules les écritures - auxquels s’adjoignent les affirmations de sacerdoce universel et de liberté de conscience formatent en quelque sorte le cadre de référence protestant. En fait, le Protestant aspire, sans cesse et avec sincérité, à régénérer le dogme et à réformer son église. C’est clair et net…comme un Protestant !

     Concluons en devinant ne susciter aucune opposition à la question posée, savoir qu’est-ce qu’un Protestant ? Selon moi, cela va de soi : un type bien, assurément !!! Oh, n’y décelez pas le décernement d’un quelconque satisfecit, mais la réalité d’un homme qui, dans le secret de son cœur et de ses pensées, cherche, dans l’humilité, à honorer son Dieu et à aider son prochain. Seule la dignité le motive. Est-ce répréhensible ?

     Dans quelques instants, nous allons nous disperser. Prenez votre souffle, car il va vous en falloir pour éteindre d’un seul coup les 505 bougies du gâteau d’anniversaire de la Réformation ! Toutefois, en le découpant, n’oubliez pas d’en mettre une part de côté pour l’indigent qui gratte à la porte et, fût-ce virtuellement bien sûr, une autre pour celui qui vit en nous : le Christ.

     Ainsi soit-il.

                                                             


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