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Libre opinion

Regard chrétien

Silence

pasteur Luc Wenger

 

texte paru dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace
11 septembre 2022

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14 septembre2022

 

Se déplacer à char à voile, manger ou pas une entrecôte, et quelques autres petites phrases alimentent ces derniers temps des polémiques que tout un chacun commente de son grain de sel. Mais à à trop saler un plat il devient immangeable, à trop mettre son grain de sel une discussion devient inaudible et stérile. 

 

Bien sûr il ne s’agit pas de rester muet, mais de réfléchir à ma prise de parole. 

Dans mon parcours de vie, comme tout un chacun, j’ai appris à développer la parole, mais rarement ma capacité à faire silence, alors que l’un ne va pas sans l’autre. Les deux, silence et parole sont indispensables mais à des moments bien choisis, pour que se créent l’échange, la communication, l’équilibre et l’harmonie.

Il me sera permis d’utiliser le langage des oiseaux pour aller un peu plus loin.

 

S-c-i-e. Que de fois la parole de l’autre est coupée et remplacée par la mienne, par mon point de vue tout de suite, sans temps de réflexion.

Sans temps de méditation, je risque de tomber dans la médisance.

Je me l-a-n-c-e beaucoup trop vite dans un jugement sur l’autre au travers de ce que je n’ai pas vraiment écouté, mais entendu sans le passer par le filtre du silence qui permet, telle une passoire de tamiser pour aller à l’essentiel.

Scie et lance sont des outils contondants et dangereux ; blessants pour l’autre et pour moi.

C’est une des difficultés du monde d'aujourd'hui, mais finalement certainement aussi un monde où celui qui parle plus haut et plus fort que l’autre va réussir à s’imposer.

Faire du bruit pour exister !

Si loin d’être un pensum, il était un privilège ? Le privilège de l’apprenti, qui peut ainsi voyager en lui-même et choisir de dialoguer avec son moi profond ou de laisser résonner une forme de transcendance par delà les paroles entendues.

Ce n’est pour ma part, pas un silence lourd, mais un silence bienfaisant, bénéfique, auto imposé. Il n’est pas celui de l’élève à qui il est dit « tais toi » et écoute, mais celui du frère qui profite au sens premier, des pierres déjà un peu plus taillées de ses frères et qui les reçoit comme « salaire » avec la possibilité de voir comment les intégrer dans son édifice personnel…ou de les rejeter…un temps ou définitivement. Mais il en restera toujours une trace… justement par cet outil du silence qui les a entendues.

 

Il s’agit, pour moi, d’un silence « habité. » Habité par des ressentis de toutes sortes

des émotions, des souvenirs qui remontent à la surface.

Quelle chance de pouvoir vivre cela, dans une société où c’est le bruit qui règne. 

Ecouter, prêter l’oreille, auscultare en latin. M’auto ausculter, écouter mon cœur, écouter la Vie, ma Vie, écouter le GADLU…

 

Quand avec mes frères apprentis, je rentre dans le Temple, il est nu et silencieux. Et ma colonne reste symboliquement sans fenêtre et sans lumière vive. Un peu comme une invitation au rêve.

Je ne suis alors pas enfermé, emmuré dans mon silence, cela serait à la longue mortifère, mais en dialogue avec moi-même. Dans le silence je suis donc à la fois en écoute et en dialogue

Dans le silence et la solitude fraternels, petit à petit je n’entends plus que l’essentiel et ma pierre se taille un peu comme un diamant qui au travers de ses facettes va pourvoir refléter et fragmenter la lumière en un arc en ciel, signe de paix, de sérénité et d’espérance. Ce silence là n’est alors jamais monolithique, lourd et pesant, mais lumineux et léger.

Je le retrouve comme un résumé lors de la chaîne d’union avant les paroles du Vénérable Maitre et il m’accompagne pour mon retour dans le monde profane.

 

Ce silence intérieur va me permettre de faire le tri entre les bruits anarchiques au dehors et dedans de moi, de travailler les bruits de l’inquiétude par la quiétude, les bruits de l’ennui par le travail sur moi, le bruit du superflu par celui du vital et à ainsi ordonner et buriner ma pensée…

 

Le silence c’est ce qui reste quand toutes les voix se sont tues ; les aimées, les

connues, mais aussi les autres…

Une minute de silence en mémoire de….

Le silence c’est ce qui reste quand il n’y a plus rien…

C’est ce qui dépasse le temps comme un goût d’éternité.

C’est ce qui permet de peser les mots à l’aune du bon sens et de la fraternité.

 

« Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence » disait Euripide.

 

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