Protestants dans la Ville
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Libre opinion

Plaidoyer protestant
pour préserver la loi de 1905
Claire Bernole, Laure Salamon
article paru dans
l'hebdomadaire protestant Réforme
le 19 janvier 2021
27 janvier 2021
Les représentants
protestants s’insurgent contre le
projet de loi confortant les principes
républicains. Réforme vous explique
pourquoi.
En quoi ce projet de loi va-t-il se
répercuter sur le protestantisme ? Pour bien
comprendre, revenons sur la différence entre les
lois de 1901 et de 1905. Lorsque la loi de
séparation des Églises et de l’État a été votée en
1905, les établissements du culte (églises,
temples, synagogues) étaient soit possédés par les
communes soit considérés comme des «
établissements publics du culte ».
À partir de 1905, les cultes doivent se structurer
eux-mêmes et deviennent responsables des bâtiments
qu’ils utilisent. Des associations cultuelles se
créent alors, sous le régime de la loi de 1905.
Elles doivent avoir pour unique objet
l’organisation du culte et non d’activités comme
des cafés philo ou des ateliers pour enfants. À ce
titre, elles ne peuvent pas recevoir d’argent
public. Soulignons que l’Église catholique a
refusé ce régime et a obtenu en 1923 la création
du statut d’association diocésaine dont l’objet
est restreint aux frais et à l’entretien du culte
catholique.
La loi de 1901, quant à elle, régit les
associations, qu’elles soient culturelles,
sportives ou… cultuelles ! C’est là que l’affaire
se complique : certaines religions, comme l’islam,
s’étant organisées plus tardivement que les
autres, elles ont opté – tout à fait légalement –
pour le régime 1901. Ainsi une association
musulmane peut-elle accueillir une salle de prière
et des activités de soutien scolaire.
Un durcissement du régime de 1905
L’actuel projet de loi affiche l’ambition de
lutter contre l’extrémisme religieux, mais comme
le souligne François Clavairoly, président de
la Fédération protestante de France (FPF), s’il
s’agit vraiment de cela, « l’enjeu est
davantage lié au renseignement ainsi qu’à l’action
de la police et de l’armée. Ce projet de loi
renforçant le régime 1905 ne fait que le rendre
plus contraignant et donc moins attractif pour les
cultes qui ne l’auraient pas encore adopté ». Car
c’est bien le but, l’État voudrait voir basculer
sous le régime 1905 les associations cultuelles
loi 1901 pour plus de transparence entre activités
religieuses et non religieuses.
Le décalage important entre les intentions et la
mise en œuvre de ce projet n’est pas le seul point
qui inquiète les protestants.
Pour Jean-Daniel Roque, président de la
commission Droit et liberté religieuse de la FPF,
plusieurs dispositions vont toucher très
concrètement les associations cultuelles
protestantes. Par exemple, l’obligation de
renouveler tous les cinq ans la décision de
constatation du caractère cultuel de l’association
ou encore la certification des comptes imposée dès
lors que l’association perçoit un don provenant
directement ou indirectement de l’étranger de 10
000 euros ou plus. « Ces contraintes vont
coûter cher en argent et en temps pour les
bénévoles déjà si difficiles à trouver,
explique-t-il. Sans compter le risque d’avoir une
amende si les comptes sont mal tenus. »
« Il y a derrière ce projet de loi une volonté
politique de baisser les yeux devant l’extrémisme
et de contraindre la liberté de culte. Où cela
va-t-il s’arrêter ? »
Ni la démocratie interne ni la transparence
financière ne rebutent les protestants. Le
problème de fond étant que ces exigences
s’appliquent uniquement aux 5 000 associations
cultuelles. Quid des associations sportives,
culturelles ou sociales qui perçoivent également
des financements de l’étranger ?
Jean-Daniel Roque s’interroge : « Pourquoi
ces associations et pas les autres ? Ce projet de
loi laisse croire que tout risque
séparatiste ou terroriste ne peut émaner que
des associations cultuelles. » En
outre, « le contrat imposé à toutes les
associations, peu importe le régime, est
superfétatoire car les associations, comme tout
citoyen, sont déjà tenues de respecter aujourd’hui
la Constitution », précise le président de la
commission Droit et liberté.
La liberté de culte mise à mal
Les représentants protestants souhaitent que
l’avis du Conseil d’État, même si ce dernier n’a
pas vocation à trancher le débat, soit davantage
entendu. Il considère que « le projet de loi
alourdit les contraintes pesant sur les
associations cultuelles et modifie l’équilibre
opéré en 1905 par le législateur entre le principe
de la liberté de constitution de ces associations
et leur nécessaire encadrement du fait qu’elles
bénéficient d’avantages publics » ; comme la
possibilité de recevoir des legs et donations.
Mais depuis 2014, les associations loi 1901
d’intérêt général peuvent aussi recevoir des
donations et legs : ce n’est donc plus un avantage
réservé aux cultuelles.
À l’heure de la clôture de l’audition des
différents représentants des cultes par une
commission spéciale, et du début des discussions
sur les amendements, François Clavairoly se pose
la question de savoir jusqu’à quel point les
députés défendront la liberté de culte. « Il
y a derrière ce projet de loi une volonté
politique de baisser les yeux devant l’extrémisme
et de contraindre la liberté de culte. Où
cela va-t-il s’arrêter ? Nous entrons dans un
processus de grignotage de la liberté d’expression
et de culte. Les protestants sont très sensibles à
ces questions. Vigie de la République selon
l’expression même d’Emmanuel Macron, ils ne
peuvent rester indifférents devant cette
évolution. »
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