Libre opinion
Intégrisme ou
laxisme ?
Gilles
Castelnau
17 juillet 2001
Un auditeur réagit très
violemment aux propos qu'un de mes
collègues a tenus à la radio « Fréquence
protestante » (100.7 FM en Région parisienne) à propos de
l'homosexualité et qu'il jugeait trop laxistes. Il
écrit pour protester :
« sont
condamnables les pasteurs qui par leurs propos mièvres
et leurs comportements immatures
favorisent ce qui objectivement est une
déviance »
En laissant de côté la question
de l'homosexualité qui mérite naturellement une
réflexion à elle seule, je voudrais discuter l'attitude
que prend cet auditeur.
Le langage qu'il emploie signifie
qu'à ses yeux le
christianisme apporte aux questions qui se posent dans le monde, des
réponses claires, indiscutables et vraies et uniques. Il n'est
donc pas question, à ses yeux, de tergiverser,
d'hésiter, encore bien moins de prendre une position
opposée à la vérité.
Le monde pose des questions, dans cette
optique, l'Église apporte les réponses et les pasteurs
sont chargés de les affirmer avec toute la force
nécessaire.
Mon collègue a tenu, dit cet auditeur
des « discours tortueux et
objectivement scandaleux pour un pasteur ». Je pense qu'à ses yeux ce serait moins grave
s'il n'avait pas été pasteur.
.
Mais tout ceci me semble parfaitement
discutable. Plus je lis les
évangiles, plus je doute que Jésus-Christ aurait
reçu de notre correspondant le titre de bon pasteur.
Voyez vous-mêmes : Jésus ne
donnait guère de réponses définitives ; il
posait plutôt des questions interpellantes à ses
interlocuteurs lorsqu'ils étaient figés dans leurs
certitudes doctrinales, éthiques, rituelles, même
lorsqu'ils les jugeaient sincèrement commandées dans la
Loi de Moïse.
Ainsi, les Pharisiens se scandalisaient
quand les disciples de Jésus ne jeûnaient pas comme cela
était prescrit, ne respectaient pas le repos du sabbat,
pourtant loi sacrée entre toutes, quand Jésus
pardonnait le paralysé qui ne s'était pas repenti,
quand il mangeait avec les collecteurs d'impôts et les
pécheurs et se rendait ainsi impur, laxiste, déviant,
objectivement condamnable.
Condamnable : Jésus n'affirmait pas une morale contre une
autre morale, une doctrine contre une autre doctrine ; il posait
à ses interlocuteurs pharisiens psychorigides des questions
comme celle-ci, qui sortent de Luc 5. 33ss.
- Pensez-vous qu'il y a ici comme « un marié, et que les
invités ne jeûnent pas pendant une
noce ? »
- Pensez-vous que vous pourriez mettre votre « vin nouveau dans des outres
nouvelles ? »
- Pouvez-vous envisager d'avoir des « outres neuves » ?
- « Est-il permis de
faire du bien ou du mal le jour du sabbat, de sauver quelqu'un ou de
le perdre ? »
Il avait une certaine façon de
regarder les gens qui faisait qu'on
était obligé de chercher au fond de soi : quelle est
mon Dieu ? Suis-nous capables d'accepter une telles attitude,
d'envisager une telle atmosphère ? D'entrer dans ce mouvement
?
Jésus ne disait pas ce qu'il faut
penser, croire, faire : il laissait les gens répondre
eux-mêmes. Il donnait un élan, il montrait un Esprit,
qui amenait les hommes à se choisir eux-mêmes, libres et
responsables devant leur Dieu, devant leur conscience, devant leurs
prochains.
On n'est pas responsable du
visage qu'on a, mais de la tête qu'on fait.
On n'est pas responsable de la
nationalité qu'on a, de la religion dans laquelle est a
été élevé, de l'orientation de sa
sexualité, de la famille qu'on a, mais on est bien responsable
du genre d'homme qu'on est.
.
L'intégrisme, le
fondamentalisme sont, certes,
sécurisants par les certitudes absolues qu'ils proposent dans
un monde en mutation telle que bien des gens, en effet, en sont
effrayés, perdent leurs repères.
Ainsi les jeunes sont
particulièrement sensibles aux divers intégrismes, les
anxieux qui peinent à trouver leur place dans notre
société nouvelle. Les Pharisiens avaient un
succès certain au temps de Jésus et ils ont
réussi à faire condamner Jésus.
Mais les intégrismes donnent un
esprit sectaire, fermé et n'aident pas vraiment à
s'intégrer dans la vie, à y être heureux et
détendu, épanoui, souriant et... responsable !
Le laxisme, baisser les
bras, tout laisser aller dans une
attitude de démission, dire et penser n'importe quoi, ne
correspond pas non plus à Jésus-Christ :
Il avait une certaine façon de regarder les gens qui faisait
qu'on était obligé de chercher au fond de soi : quelle
est mon Dieu ? Suis-nous capables d'accepter une telles attitude,
d'envisager une telle atmosphère ? D'entrer dans ce mouvement
?
Jésus ne disait pas ce qu'il faut
penser, croire, faire : il laissait les gens répondre
eux-mêmes. Il donnait un élan, il montrait un Esprit,
qui amenait les hommes à se choisir eux-mêmes, libres et
responsables devant leur Dieu, devant leur conscience, devant leurs
prochains, se définir en vrais fils de Dieu, responsables et
aimants à l'image du Christ.
.
Ainsi, lorsqu'on n'est pas
d'accord avec les opinions
émises par quelqu'un, on n'emploie pas de vocabulaire
dépréciatif, on ne prétend pas connaître
directement Dieu et sa vérité alors que l'autre
s'enfonce dans l'erreur et l'ignominie.
On discute, on polémique, on propose
des arguments, comme je suis précisément en train de le
faire dans cette libre opinion, car c'est du choc des idées
que jaillit la vérité.
Et c'est bien à cela que servent les
médias comme la radio « Fréquence
protestante » et ce site
internet « Protestants dans
la ville ».
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