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Quelle prière pour la paix
par temps de guerre en Ukraine ?

Jacques Musset

15 mars  2022

 

J’imagine qu’actuellement, au cours des messes et des cultes dominicaux dans toutes les églises et  les temples chrétiens  du monde, sont formulées des prières  d’intercession pour la paix en Ukraine.  Et  que celles-ci, du moins dans les églises catholiques,  sont exprimées dans le style habituel, sous la forme  de demandes à Dieu dans des termes plus ou  semblables à  ceux-ci : «  Pour que cesse la guerre en Ukraine et que vienne une paix juste dans ce pays  éprouvé, prions le Seigneur » ou «  Pour que  les auteurs de  cette guerre injuste  prennent conscience de leur injustice et cessent les combats, prions le Seigneur », ou «  Pour que les victimes de  cette guerre soient  soutenues, aidées, réconfortées, prions le Seigneur » ou encore : «  Dieu, père de tous les hommes, nous te prions de changer le coeur  de ceux qui oppriment  le peuple Ukrainien, »  ou «  Viens en aide aux victimes de  ceux qui souffrent cruellement de cette guerre »,  ou «  Stimule la générosité des pays en paix pour qu’ils viennent en aide au gouvernement et  aux populations restées sur place ou qui ont fuient  les combats », etc.

 

Pourquoi ces demandes sont-elles inacceptables pour un chrétien du XXI° siècle baignant dans

la  culture moderne ? En quoi peuvent-elles au surplus déconsidérer le christianisme aux yeux des agnostiques et des athées à cause des images de « Dieu » et de l’homme qu’elles véhiculent ?

Une première raison est qu’elles donnent de « Dieu » une représentation de toute-puissance sans limite et arbitraire qui aurait besoin pour intervenir qu’on se mette à deux genoux devant lui pour lui crier sa détresse ou lui clamer ses désirs les plus ardents ? Qu’est-ce que cette divinité qui se nourrirait à longueur d’années et de siècles de prières incessantes pour daigner distribuer ses faveurs ? Piètre image du « Dieu » chrétien qui ressemble plus aux divinités d’antan dont on imaginait que le pouvoir était efficace à la mesure de prières interminables et de rituels sophistiqués. Qu’est-ce que ce « Dieu » dont on proclame qu’il est amour et qui prendrait plaisir à se faire prier pour répandre ses bontés,comme s’il était sourd et distrait ?

 

Mais il y a plus : c’est aussi la représentation de l’homme qui est en jeu dans cette attitude. Ce comportement de supplications manifeste une indéniable démission de responsabilités de la part de ceux qui les professent. L’objet de ces demandes désigne en réalité des tâches auxquelles chacun des croyants et des humains doit s’employer en raison même de sa qualité d’être humain. Qui en effet doit apporter du réconfort à ceux qui souffrent ? D’autres humains. Qui doit créer des conditions de paix entre les personnes et les peuples ? Chaque citoyen à sa mesure et ceux qui sont élus pour cette tâche. Qui doit faire en sorte que les gens mangent à leur faim dans certains pays où règnent la famine et la disette endémique ? Eux-mêmes, aidés par le soutien et la solidarité désintéressés des plus riches. Et ces responsabilités doivent  susciter des initiatives concrètes sinon on en reste à des vœux pieux qui laissent perdurer les pires injustices. Comment améliorer son tempérament porté à la colère ou à l’égocentrisme, comment développer son sens critique ?  Soi-même par un lent travail sur soi. On pourrait multiplier les exemples de demandes à « Dieu », qui en réalité dépendent de la responsabilité humaine. Cette façon de procéder ne grandit ni « Dieu » ni l’homme.

 

J’entends l’objection : dans la Bible, dans les psaumes notamment, et dans les évangiles ne recommande-t-on pas aux croyants d’appeler « Dieu » à l’ aide ? « Demandez et vous recevrez » dit Jésus. Le Notre Père qu’il a enseigné est une instante prière de demande. Que répondre ? D’abord, il faut entendre la mise en garde solennelle de Jésus contre le rabâchage des formules qui par elles-mêmes seraient efficaces. Le même Jésus ne manque pas de rappeler que « Dieu » n’a pas besoin des prières pour être présent aux hommes et à leurs besoins (Mt 6,5-8). Et, insiste-t-il « Ce ne sont pas ceux qui disent, Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume des cieux mais ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7, 21-23). De plus, il faut replacer ces propos dans leur contexte historique et culturel. Pour les auteurs des psaumes, comme pour Jésus, « Dieu » est une réalité transcendante, habitant le ciel et capable d’opérer des miracles là où l’homme constate son impuissance. C’est pourquoi, ils invitent à crier vers lui pour solliciter son intervention, même si l’on est assuré par ailleurs de sa présence fidèle.  Mais, avec le progrès des sciences dites exactes et le décapage des sciences humaines faisant suite aux critiques des Lumières, le domaine sur lequel jusque là « Dieu » régnait en maître s’est pratiquement rétréci et sécularisé. Nul besoin aujourd’hui de faire intervenir « Dieu » dans l’explication et la gestion de la nature, dans la compréhension de la psychologie de l’être humain, de ses comportements et de ses maladies, dans l’intelligence des lois dont toute société a besoin pour vivre dans un certain équilibre entre les forces centrifuges qui la composent...Les hommes ont acquis une autonomie dans la conduite de leur existence personnelle et sociale.

 

Que devient « Dieu » ? S’agit-il d’un épiphénomène qui n’a plus sa raison d’être après avoir été dépossédé de ses traditionnelles prérogatives ou ne peut-il pas désigner pour les croyants une réalité mystérieusement présente au plus intime de chaque humain,  là où prend sa source le meilleur de lui-même : ce qui est de l’ordre du don, de l’art, de l’intériorité, de la connaissance de soi, du refus de l’inacceptable, du consentement et de l’appropriation à ce qui est. C’est ce qu’expriment les mystiques de tous les temps et de toutes les traditions spirituelles. Ces gens qui vivent à un niveau d’extrême profondeur de leur être expérimentent, touchent, disent-ils, une réalité qui sans être eux-mêmes leur est indissociablement liée.  L’ expérience de ces dépassements, commune à tous les humains qui essaient de ne pas tricher avec les exigences intérieures qui s’imposent à eux, ne postule pas pour autant qu’on y lise la trace de « Dieu ».  S’il est  légitime de nommer « Dieu », faute d’autre mot, ce qui est au cœur du mouvement intérieur qui appelle l’homme à s’humaniser sans cesse dans toutes ses dimensions, alors la manière de se positionner vis-à-vis de cette source mystérieuse ne peut plus s’exprimer de la même manière qu’autrefois lorsque « Dieu » était conçu comme extérieur à soi et tout-puissant en tous domaines.

 

En conséquence, quelle prière  possible de demande qui soit digne de « Dieu » et de l’homme ? Ce qui reste commun avec les expressions d’antan, c’est la nécessité du recueillement. C’est d’ailleurs une nécessité pour tout homme qui ne veut pas vivre son existence en somnambule ni en girouette. Se donner des temps de silence, quels que soient les lieux et la façon de s’y livrer, est une condition indispensable pour être présent à soi et à son mystère. Mais comment la prière chrétienne de demande, personnelle ou collective, peut-elle dès lors s’exprimer d’une manière authentique ? Si « Dieu » est présent au plus intime des êtres et fait en permanence, si l’on peut dire, son travail de « Dieu », qui est d’inspirer au plus secret des consciences, sans les téléguider, le goût et le désir du vrai, alors la seule prière de demande qui vaille n’est plus de solliciter « Dieu » d’intervenir, mais de nous prier nous-mêmes personnellement et communautairement d’être disponibles aux motions, aux exigences, aux incitations (peu importent les mots) qui montent en nous du plus intime lorsque nous avons le souci de vivre sans frauder avec  nous-mêmes et avec autrui, selon l’esprit qui animait Jésus. Comment est-ce possible ? En changeant la façon de nous exprimer. S’il est exact qu’on finit par penser comme on parle, alors parlons vrai pour que nos paroles soient stimulantes individuellement et collectivement et ne restent pas des facilités, simples incantations généreuses sans prise sur la réalité. Ainsi devant « Dieu » (reconnu comme Source, Souffle intérieur), les chrétiens se comporteront comme des êtres majeurs et non comme des êtres infantiles. Tentons dans le contexte actuel,  ce que pourrait être un  une prière actuelle  qui soit respectueuse de Dieu et de nous-mêmes.

 

«  Devant toi notre Dieu, nous formulons ce à quoi nous engage le message et la pratique de Jésus, au moment où l’Ukraine est victime d’une guerre injuste et  destructrice qui fait de nombreux morts, plonge ses habitants dans l’insécurité  et les oblige à  fuir leur pays en état précaire.

Qu’ à la mesure de ses moyens, chacune  et chacun participe aux actions entreprises, pour venir en aide aux réfugiés et à ceux qui demeurent sur place ; pour manifester publiquement notre soutien aux Ukrainiens et notre condamnation de  l’agression qu’ils subissent, pour accueillir et accompagner les réfugiés dans notre région. »

 
Vous pouvez envoyer vos réactions à : pourunchristianismedavenir@gmail.com     

 

 

 

 


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