Dialogue interreligieux

 

Groupe
« Pour un christianisme d’avenir »

Jacques Musset, Robert Ageneau,  Serge Couderc, Paul Fleuret, Philippe Perrin

 

 

 

à madame Abigaïl Bassac et messieurs Castelnau,

Gagnebin, Gounelle, Woody, du protestantisme libéral

 

Chers amis du protestantisme libéral,

Qui sommes-nous ? 

Un petit groupe de « catholiques libéraux » qui vivent mal dans le catholicisme officiel et qui s’est intitulé « Pour un christianisme d’avenir », inspiré notamment par John Shelby Spong, Joseph Moingt, Eugen Drewermann... Nous animons chez Karthala la collection « Sens et conscience » où sont édités les traductions des livres de Spong et certains de nous vous avons croisés, voire rencontrés lors des venues de Spong en France et de ses conférence au Temple de  l’Oratoire.

Nous sommes en lien avec un réseau de chrétiens mal à l’aise également dans le catholicisme, et notre première manifestation publique a été une rencontre à Paris en octobre 2019 où nous étions 140, au cours de laquelle est intervenu J.M. de Bourqueney pour présenter le protestantisme libéral (Les actes de la journée : Manifeste pour un christianisme d’avenir, Karthala 2020). Depuis, nous adressons des lettres semestrielles aux membres de ce réseau qui s’est accru à l’occasion de publication d’articles dans les revues Golias et Parvis.

Nous nous sommes affiliés récemment à la fédération des groupes chrétiens majoritairement catholiques, regroupés dans l’association PARVIS.

La majorité de notre groupe « Pour un christianisme d’avenir » est abonné à « Évangile et liberté » dont nous apprécions l’esprit et les objectifs rappelés dans l’avant dernière page de la revue.

Ce qui nous amène à entrer en contact avec vous.

Vous êtes, à nos yeux, des figures représentatives et reconnues comme tels du protestantisme libéral. Par ailleurs, nous estimons que nos positions sur un christianisme crédible dans notre modernité, face à un catholicisme institutionnel actuel engoncés dans son système clérical sacralisé et son système dogmatique figé, convergent avec les vôtres.

Le développement qui suit le précise : il exprime ce que nous ne supportons plus en conscience dans le catholicisme et quel est le christianisme auquel nous aspirons, qui nous semble fidèle à l’esprit de Jésus et avoir du sens pour les modernes que nous sommes.

1. Nous sommes convaincus qu’une simple réforme de l’existant du catholicisme, le saupoudrant d’améliorations de fonctionnement, laisse intact ce qui nous apparaît à l’évidence comme des dérives de l’esprit qui animait Jésus et de « l’humanisme » auquel il appelait, à savoir :

+le système hiérarchique clérical sacralisé, détenant tous les pouvoirs,

+les dogmes immuables élaborés dans une culture périmée dont on s'essaie à faire du ravalement,

+la conception spontanée de l'Écriture comme Parole de Dieu et sa lecture souvent encore littérale,

+la liturgie avec une conception de l'Eucharistie, affirmant une présence "matérialiste" de Jésus dans le pain et le vin "consacrés" et une représentation sacrificielle de l'existence et de la mort de Jésus, etc…

+ la morale de commandements, sacralisée, et s’imposant à la lettre...

 

2. Notre conception d’un christianisme alternatif découle de la conviction (démontrable) que la fidélité en toute réalité n'est pas la répétition mais une recréation inédite et elle nous fait envisager que pour être crédible dans notre modernité le catholicisme doit réaliser une révolution copernicienne qui appelle :

- à remiser les dogmes au musée des christianismes anciens et du coup à réinterpréter et réactualiser d'une manière crédible la source du christianisme, Jésus de Nazareth et nos représentations de Dieu, dans les cultures d'aujourd'hui ;

- à lire les Écritures avec les moyens modernes de l'exégèse et le recours aux découvertes historiques ; qu'on doit ne plus les qualifier spontanément comme Parole de Dieu ;

- à mettre à bas le système clérical sacralisé et redonner la responsabilité de l'Évangile au peuple chrétienne ; à sa charge de s'organiser pour témoigner ;

- à réinventer une liturgie qui fasse mémoire de la manière dont Jésus a donné sens à son aventure humaine, en fidélité à son Dieu ;

- à considérer la morale, non comme l'application à la lettre de commandements, mais comme une conduite à élaborer en lien avec l'esprit de l'Évangile mais en tenant compte du contexte des actes et des choix à poser.

Entre le catholicisme institutionnel actuel (1) et un christianisme catholique rénové en profondeur (2), il y a un seuil que l'on ne peut passer qu'en remettant en cause les conceptions et les représentations du catholicisme traditionnel. Il n'y a pas de continuité entre les deux, sinon de dire que l’on est passé historiquement de l'un à l'autre par un travail de réflexion qui en s'approfondissant a montré que le (1) n'avait plus de crédibilité pour des hommes et des femmes du XXI^e siècle et que demeurer chrétien pour eux exigeait la révolution copernicienne dont nous avons parlé.

Ce que nous essayons de faire

Dans la position instable et incertaine où nous sommes, que cherchons-nous ? Pour l’instant, considérant :

-d’une part, que des chrétiens (ayant ou pas déserté les églises) sont en situation de malaise dans le catholicisme traditionnel sans pouvoir en analyser les causes profondes ;

- et d’autre part, qu’il y a  dans le catholicisme actuel des gens de bonne volonté qui vivent intérieurement de l'Évangile, mais sans avoir conscience que la structure institutionnelle Église catholique est objectivement déviante, comme dit Joseph Moingt, par rapport à Jésus et à l'esprit qui animait les premières communautés chrétiennes (encore que dans les évangiles et St Paul, il y a des interprétations concernant Jésus qui amorcent des déviations, par exemple, sur  le sens sacrificiel de la vie et de la mort de Jésus…),

il nous semble que notre responsabilité est de donner des éléments qui permettent à ces chrétiens de comprendre que leur Église a dévié par rapport à Jésus, en démontant les systèmes en place par le recours à l'histoire, dans un langage compréhensible. Par ailleurs, vis à vis de beaucoup de chrétiens en situation de malaise mais qui se précipitent sur des solutions qui sont des replâtrages, et qui ont de la peine à comprendre qu'il convient d'abord de faire une analyse de l'existant, notre devoir est aussi de montrer que ces dites solutions ne changent rien en profondeur. Mais sont-ils prêts à cette démarche ? Il y aussi de la peur inconsciente chez eux de bousculer le fonctionnement de leur Église. Certains pensent que les choses évolueront avec le synode bergolien. Nous n’y croyons pas, tellement les systèmes hiérarchique et dogmatique, tous deux sacralisés, considéré comme expression de la vraie foi font partie de l'ADN du catholicisme. En supposant que les conférences épiscopales bénéficient de plus de liberté, cela changera-t-il quelque chose de fondamental ?

En fait, nous sommes engagés dans une espèce de schisme tranquille (bien des catholiques ne fréquentent plus les églises), mais ceux qui souhaitent demeurer chrétiens sont dispersés, éparpillés, seuls ou en petits groupes. Dans un futur de 20 à 30 ans, que restera-t-il des dissidents ?

La question que nous vous posons

Notre questionnement n’a pas pour but de rejoindre organiquement le protestantisme libéral, mais, constatant notre connivence, d’envisager un compagnonnage, fait d’amitié, de possibilité de réflexion commune, de partage d’interrogations, … dont il conviendrait de voir les formes et les modalités. Est-ce possible ?

Vous constatez notre situation inconfortable, vous voyez notre sensibilité de chrétien. Comment recevez-vous notre démarche ?

Soyez assurés de notre amitié.

 

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