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Le quatrième évangile

 

Récits d’un mystique juif chrétien

 

John Shelby Spong


Ed. Karthala

 

 

Jacques Musset

 

14 décembre 2019

Un ouvrage original dans la palette des livres de Spong
Ce 7e ouvrage de John Spong traduit en français présente une originalité par rapport à ses autres livres déjà parus. C’est qu’il étudie ici un des quatre évangiles dans sa totalité. Nous n’avions jusque là de lui, en édition française, que des analyses de passages d’évangiles. Dans « Né d’une femme », il traite de ce qu’on appelle « les évangiles de l’enfance de Jésus » dans les deux premiers chapitres de Matthieu et Luc. Dans « La Résurrection, mythe ou réalité », il passe au peigne fin les textes des quatre évangiles sur ce sujet capital. Dans ces deux ouvrages, il fait un remarquable travail de décodage des textes qui sont trop souvent lus, depuis les premiers siècles, d’une manière littérale, ce qui a produit des doctrines dogmatiques sur Jésus très éloignées de ce qu’il fut en réalité. Celles-ci subsistent toujours, hélas, comme référence officielle dans l’Eglise catholique romaine.

L’apport de John Spong est capitale dans la réappropriation du sens des textes évangéliques. Sa lutte, durant sa vie entière de prêtre et d’évêque anglican aux Etats-Unis, contre les lectures fondamentalistes a été et demeure d’une grande salubrité pour les chrétiens d’aujourd’hui. Il n’est ni le premier ni le seul à mener ce travail, mais dans le catholicisme les recherches des exégètes n’atteignent pas, hélas, le grand public car elles ne sont ni popularisées ni utilisées pour repenser l’identité de Jésus qui ressort des évangiles, une fois qu’on les a déchiffrés selon la méthode historico-critique dument éprouvée. Les discours surannés de Jésus qui continuent d’être distillés dans les églises font fuir des chrétiens qui ne manquent pas d’esprit critique.

Venons-en à l’étude du 4e évangile par Spong afin de découvrir que son travail est, pour tout lecteur qui s’en empare sans a priori, une occasion de percevoir que, pour l’auteur de cet évangile, le coeur même du témoignage de Jésus est la révélation de la vraie Vie. C’est pour ses disciples à actualiser de siècle en siècle. Spong lui-même l’actualise pour notre époque dans un langage roboratif !

Dans quel contexte est né le quatrième évongile ?
Notre quatrième évangile, dit de Jean (nom attribué par les premières générations chrétiennes), est le plus tardif, des quatre. Chacun est né dans une communauté particulière de disciples de Jésus vers 70 pour celui deMarc, vers 80-90 pour ceux de Matthieu et de Luc) et autour de 100 pour celui de Jean, dans sa dernière version. Il aurait été écrit dans une communauté chrétienne formée de juifs convertis qui, jusqu’à la fin des années 80, a continué à fréquenter la synagogue, non sans tensions avec ses responsables et notamment après la chute du Temple en 70. Le judaïsme se reconstituant alors autour de la Loi écrite et orale dans une fidélité sans faille à ces deux références, les disciples de Jésus furent de la part de ses responsables l’objet d’incompréhensions, de tracasseries, voire de persécutions, et ils finirent par être mis à la porte et par émigrer sans qu’on sache où. Coupés du judaïsme - leur racine mère - qui les avait rejetés, il leur fallait désormais, face à lui, affirmer, sans complexe et avec force, leur identité de disciples de Jésus et la nouveauté inédite de ce Jésus qui, émanant d’Israël, élaguait, élargissait, universalisait, approfondissait singulièrement sa foi traditionnelle, pour inaugurer une voie ouverte à tous les humains, basée sur l’ouverture inconditionnelle du coeur. Ainsi est né le quatrième évangile, selon John Spong. Sa tonalité dominante s’en ressent. Spong reconnaît à beaucoup d’indices que son auteur meurtri par le rejet infligée à sa communauté chrétienne, prend, dans son interprétation de l’événement Jésus, le contrepied de la foi juive basée sur les enseignements étriqués issus de la Loi, tout en montrant que Jésus se situe dans le droit fil de la grande tradition biblique dont il est le point culminant.

Les racines juives singulières du quatrième évangile
Comment notre auteur s’y prend-t-il pour présenter son Jésus dont l’unique objectif et de donner la Vie et la Vie en abondance (Jn 10,10), et de faire vivre ainsi pleinement les humains dans l’épaisseur de leur quotidien ? Il s’inspire d’un courant juif minoritaire, le mysticisme, qui au cours de l’histoire tentait d’approcher au plus près le mystère divin à travers l’expérience humaine. Ce courant intègre la conviction que vivre de Dieu, c’est pratiquer la sagesse dans sa vie ordinaire, par l’écoute de la Parole. Parole et sagesse, ces deux mots essentiels du vocabulaire de la Bible reviennent sans cesse dans le quatrième évangile pour qualifier Jésus, comme Sagesse et Parole de Dieu. Il reprend aussi l’utilisation des visions symboliques pour exprimer l’ expérience du divin, comme dans le rêve de Jacob où celui-ci voit une échelle reliant la terre au ciel (Gn 28), ou dans la perception par Moïse sur la montagne de l’Horeb de Dieu mais vu de dos seulement (Ex 33,17-24) ou dans la vision par Ezéchiel d’ossements desséchés qui revivent pour signifie la résurrection du peuple déporté (Ez 37), ou encore celle attribuée à Isaïe qui dit voir Dieu sur un trône très élevé pour squggérer sa transcendance (Is 6,5), ou encore le songe de Daniel apercevant dans l’espace divin un humain entré dans la divinité (Dn 7). L’auteur du quatrième évangile appelle sans cesse le discile de Jésus à dépsser une vision superficielle et fausse de Jésus et à s’ouvrir à une vision profonde de lui, comme le Vivant et la Source de la vraie Vie, transparaissant dans sa manière d’investir son existence.

Première partie, « le livre des signes »
Arrivons-en à la manière dont notre auteur l’exprime dans son évangile. La construction en est connue depuis longtemps. Un prologue initial (1, 1-18) donne le ton : la vraie vie issue qui est lumière n’est pas à découvrir ailleurs et autrement qu’en Jésus de Nazareth. Puis une première partie évoque une série de « signes ». Ce sont des manifestations de Jésus qui le révèlent comme initiateur de la vraie Vie. Mais attention, ce qui est raconté à la manière de récits historique n’est pas à lire de façon littérale. Chaque histoire est le symbole de la vraie Vie qui habite Jésus et qui appelle les humains à passer du stade de vécus à la situation de vivants. L’eau changée en vin à Cana (2, 1-12), la guérison du fils de l’officier royal, un non-juif peut-être (4,46-54), la guérison du paralytique croupissant dans cet état depuis trente-huit ans à la piscine de Bethzatha (5,1-18), la multiplication des pains hors territoire juif (6,1-15), la marche sur la mer (6,16-20), la guérison de l’aveugle de naissance (5,1-18)), la « résurrection » de Lazare (11,1-54), tous ces « événements », ayant ou non un fonddement historique, symbolisent le monde nouveau dans sa surabondance, inauguré par Jésus et où chacun, juif et non juif, peut naître et renaître à sa véritable identité, s’abreuver et se nourrir de l’essentiel impérissable, découvrir la lumière dans sa vie ténébreuse, se relever de tout ce qui l’a mis à terre, et même resurgir d’un état de mort jugée définitive.

Dans et parmi ces récits, on trouve des personnages qui sont eux-mêmes les symboles des différentes attitudes qu’ont eues les contemporains de Jésus vis à vis de lui, (les mêmes qu’on retrouve aujourd’hui). Nicodème est le sympatisant mais qui n’arrive pas, empêtré qu’il est dans son catéchisme à se mettre sur la même longueur d’onde que Jésus (3) ; Marie, la mère de Jésus, c‘est la disciple qui se fait remettre en place pour vouloir forcer la main de Jésus (2,1-12) ; le paralytique qui bénéficie pourtant des largesses de Jésus c’est le chrétien froussard qui craint de s’exposer comme disciple au regard de l’orthodoxie sourcilleuse et menaçante (5,1-18) ; la Samaritaine, est la croyante qui met du temps à parvenir à la bonne compréhension de ce qu’apporte Jésus mais elle devient alors un évangéliste convaincue auprès de ses compatriotes (4,1-42) ; l’aveuglé-né est le disciple qui n’a pas peur de témoigner à ses risques et péril, en non sans humour (9) ; scribes pharisens et grand-prêtres, appeléés aussi « les juifs », figurent les gens incapables de sortir de leurs sécurités et préjugés mortifères (un peu partout dans le texte) ; Lazare, lui, estle disciple qui revient de loin, d’une mort déjà bien avancée au regard de ses voisins (11,1-54 ).

Entre l’évocation des différents « signes » et le jeu des divers personnages symboles, Jésus parle beaucoup, pour expliquer ce qu’est la Vie véritable et comment s’y ouvrir. Inlassablement il invite le tout venant (et aujourd’hui, c’est nous) à écouter au bon niveau sa Parole qui s’origine en Dieu, à alimenter le sens de son existence en mastiquant sa Parole, à s’abreuver à l’eau vive de son témoignage sur le Père, à lire d’une façon non littérale paroles et récits bibliques pour en voir l’accomplissement en lui, à le considérer comme le bon berger des humains qui prend soin de chacun d’eux et à se tenir à distance des faux bergers qui veulent maintenir les disciples en dépendance.

Seconde partie : les discours d’adieu
Après « le livre des lignes », première partie de l’évangile (1,19-12), et avant sa dernière partie - les recit de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus (18-21) -, on passe au dernier repas de Jésus avec ses disciples au cours duquel il prononce de longs discours à leur intention (et au nôtre aujourd’hui), qu’on appelle traditionnellement « les discours d’adieu » (13-18). Comme l’ensemble de l’évangiles, ces discours mis dans la bouche de Jésus reflète la foi vive de la communauté de Jean en Jésus.
En préliminaire à ces discours, a lieu la scène du lavement des pieds de Pierre par Jésus, qu’on ne trouve que dans le quatrième évangile (13,1-21). Jésus y délivre en acte son enseignement essentiel qui est son testament. Spong le traduit ainsi : « Je vous ai servis, j’ai pris le rôle serviteur. Voilà ce que fait l’amour. Quand mon amour sera vivant en vous, vous servirez le monde. Vous donnerez votre amour et votre vie à d’autres. » (p. 126) Et un peu plus loin, s’adressant à nous, ses lecteurs du 21e siècle : « Dieu est expérimenté comme présent en nous, dans notre liberté à oublier nos propres besoins et à nous donner les uns aux autres » (p. 128).
Les discours de Jésus qui suivent, fruit de la méditation de la communauté chrétienne de Jean, sont pour elle une manière de s’entendre constamment répété le sens profond de l’engagement de Jésus. Rien à voir avec non pas le rachat d’une faute originelle par des souffrances et le supplice de la croix. Certes la croix marque historiquement le terme de l’existence de Jésus, mais sa signification se situe dans la ligne de ce que fut la vie de Jésus : éveiller les humains à un sens nouveau qui est d’aimer au-delà de nos limites que nous posons spontanément. Dans cette expérience Dieu se révèle : « Si vous m’aimez, vous garderez mon commandement de vous aimer les uns les autres et le Père vous aimera comme il m’a aimé. Alors le Père et le Fils viendront à vous et vous habiteront. Nous ferons en vous notre demeure. » (14,21-23). Impossible de résumer ici ces discours si denses. Pour signifier l’union intime de Jésus avec ses disciples, Jean utilise la comparaison du cep et des sarments, lui est le cep source de la Vie et les disciples sont les sarments entés sur cette source, chacun donnant son fruit singulier. Jésus souligne aussi que dans dans les difficultés inévtables que rencontre le disciple de Jésus, il peut être assuré de la présence intérieure de l’Esprit - autre manière de désigner Dieu -, qui le soutiendra, le défendra, l’éclairera, l’inspirera. Les discours se terminent par une grande prière de Jésus pour ses disciples du moment et ceux des siècles à venir. Qu’ils soient un, demande-t-il, non pas dans une organisation unique et disciplinée pensant la même chose, mais dans un même esprit d’amour mutuel et partagé avec quiconque. Qu’ils gardent vivante en leurs profondeurs la révélation de ce qu’est la vraie vie qu, vécue dans le quotidien de l’existence, laisse tranparaître la présence du Dieu de la Vie.

Troisième partie : les récits de la passion et de la résurrection
Vient d’abord à la fin de l’évangile le récit de la Passion, vu comme le point culminant du don de sa vie par Jésus. Et de quelle manière magistrale ! Celui qui est arrêté, mis en procès devant « les juifs » (c’est l’appellation que Jean donne tout au long de son évangile aux autorités juives), celui que « les juifs » défèrent devant Pilate pour le faire condamner à mort, celui qui est humilié et torturé par les soldats romains, ridiculisé par Hérode de Galilée et finalement injustement voué au supplice de la croix par Pilate sous la pression des « juifs », celui-ci qui apparaît comme le vaincu et le perdant, l’auteur le décrit depuis son arrestation jusqu’à son expiration finale, comme celui qui domine les événéments, dans une liberté, une autorité, une maîtrise impressionnante. Il ne s’agit pas d’un reportage, même si le récit a comme base des faits historiques, mais d’abord d’une compréhension dans la foi des derniers événements de la vie de Jésus. Lisez attentivement et vous le découvrirez. Notre auteur appelle une fois encore – avec une remarquable maestria sur le plan littéraire - à hausser son regard intérieur pour voir, dans ce qui apparaît comme l’échec tragique et solitaire d’une destinée humaine, la révélation de ce qu’est une vie réussie et féconde parce que offerte depuis toujours. C’est cela la foi évangélique.

Les récits sur Jésus ressuscité en sont une confirmation. Ils n’ont rien d’historique au sens où nous entendons ce mot aujourd’hui, comme bien d’autres passages du quatrième évangile. Leur vérité est d’un autre ordre. Ils traduisent l’expérience intime que les disciples ont fait après la mort de Jésus, à savoir que son chemin était bien une voie de vie, qu’il était inspiré par Dieu et révélateur du Dieu de la vie. C’est également notre expérience lorsque nous affirmons aujourd’hui que Jésus est ressuscité. Les récits de résurrection traduisent aussi dans de très belles compositions littéraires la responsablité des disciples d’hier et des siècles à venir de témoigner que l’essentiel est d’aimer à la manière de Jésus et de révéler que Dieu ne se manifeste nulle part ailleurs que dans cette expérience humaine de l’amour.

L’évangile se termine par ces lignes très brèves (le dernier chapitre 21, très beau par ailleurs, est un appendice ajouté par la suite) : « Jésus a opéré bien d’autres signes qui ne sont pas consignés dans ce livre. Ceux-ci l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom » (20,30-31). Tel est l’enjeu de la proposition chrétienne selon le quatrième évangile : s’engager à la suite de Jésus, source de la vraie Vie, pour devenir des vivants et être contagieux de cette Vie.

 



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