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« Les » catholiques ?

 


Jacques Musset

 

19 avril 2018

J’ai appris à l’école la différence entre l’article défini, « les », et l’article partitif, « des », au pluriel. « Les » désigne la totalité des réalités dont on parle ; « des » une partie seulement. Ainsi, l’expression « les Français » désigne tous les individus qui ont la nationalité française tandis que l’expression « des Français » désigne une partie seulement de ces Français.

Or, je suis toujours gêné voire scandalisé lorsque l’on confond l’emploi de l’article défini avec le partitif. Par exemple dans les phrases suivantes : les musulmans sont fondamentalistes, les députés sont pourris, les agriculteurs sont pauvres, les fonctionnaires sont des fainéants, les religions sont violentes, etc... ou bien sur le ton positif : les bouddhistes sont compationnels ; les allemands sont accueillants aux migrants, les ONG font un travail formidable... Ce genre d’affirmations qui généralisent des situations particulières sont absolument détestables parce que mensongères. On passe en effet du singulier à l’universel. On prononce des anathèmes sur des groupes entiers ou on les glorifie sans nuances alors qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux on trouve comme dans tout ce qui est humain un dégradé de positions, une complexité d’attitudes et de postures, une diversité de pensées et de choix, qui peut même aller jusqu’à des contradictions.

Il en va aussi quand on commence ses phrases par « les catholiques » qu’on assimile à un bloc compact partageant les mêmes idées, les mêmes convictions et les mêmes engagements sous la houlette du pape et des évêques et dans la fidélité à la doctrine de l’Eglise catholique, telle qu’elle est décrite dans le catéchisme officiel promulgué en 1992 par le pape Jean-Paul II. Du fait que beaucoup de catholiques votent plutôt à droite, que nombre d’entre eux se sont mobilisés bruyamment contre la loi en faveur du mariage pour tous, on a tôt fait de dire dans certains milieux laïcs, de gauche et d’extrême gauche : « Les » catholiques sont réactionnaires. Inversement, on entend des  catholiques opposés à l’avortement, au mariage des homosexuels, à la PMA, à une légalisation de l’euthanasie proclamer que « les » catholiques ne peuvent qu’épouser leurs positions puisqu’elles correspondent à la doctrine officielle catholique. Dans la bouche des évêques et de leur porte-parole, il ne fait pas de doute également qu’ils prétendent parler au nom de tous les catholiques : il leur semble aller de soi que ces derniers partagent, pour être fidèles à leur religion, les positions dogmatiques et morales qu’eux-mêmes, comme dirigeants de l’Eglise, sont habilités à définir par mandat du Christ et de Dieu. Dernièrement, le 9 avril, le Président de la République, s’adressant à l’assemblée des évêques français au centre parisien des Bernardins, a employé lui aussi l’expression « les » catholiques en les considérant ou en feignant de les assimiler à un ensemble uni.

La réalité actuelle est tout autre. Certes ce qui leur est commun, c’est qu’ils ont tous été baptisés. Mais cette référence est bien formelle. Le chiffre avancé de un milliard 300 millions de catholiques est impressionnant mais combien parmi eux vivent intérieurement du message de Jésus ? En dehors de l’acte religieux du baptême posé dans bien des cas à l’initiative de leurs parents, « les » catholiques sont très divers. Cette diversité s’étend des catholiques sociologiques pour qui l’appartenance catholique est une étiquette sans influence sur leurs manière de vivre jusqu’à des catholiques convaincus mais très différents entre eux dans leur foi, leurs conceptions de l’homme et de la société, leurs choix de comportement au niveau moral, social et politique. Il y a ceux dont les croyances et les lignes de conduites se réfèrent explicitement aux dogmes catholiques, à l’enseignement officiel de l’Eglise catholique auxquels ils ne voudraient pas déroger. Et il y a aussi ceux - à l’intérieur desquels il existe une grande variété également – qui prennent la liberté de penser, de croire et d’inventer leur vie en fonction des exigences que leur dicte leur conscience éclairée par leur raison. Entre les uns et les autres – et à l’intérieur même de la seconde catégorie -, on peut constater, selon les enquêtes réalisées auprès d’eux, que leurs représentations de l’homme, de Jésus, de Dieu, des ministères, de l’eucharistie, de l’au-delà de la mort, pour ne parler que de celles-là, ne coïncident pas.

Il est donc illusoire de déclarer que les catholiques en ce début du 21e siècles forment quant à leur pensées et leurs actions un groupe cohérent qui suivrait comme un seul homme les recommandations des responsables de leur Eglise. Il y a belle lurette que la masse des catholiques ne ressemble plus à une armée aux rangs serrés derrière leurs chefs, partageant « la foi des anciens jours » et remplissant les églises à la messe dominicale. L’a-t-elle d’ailleurs jamais été ? Ce monde de chrétienté est à jamais mort et enterré en dépit des velléités de groupes, de personnalités et revues néo-catholiques qui font des pieds et des mains pour proclamer que le salut du monde gangrené jusqu’à la moelle par le mal est un catholicisme de résistance qui deviendra, la crise passée, l’âme inspiratrice des institutions nationales.

Le catholicisme officiel représenté par le pape et les évêques admet, lui, qu’il n’est et ne sera jamais à l’avenir que minoritaire dans notre société sécularisée, du moins en occident. Et dans cette situation, il reconnaît depuis le concile Vatican II que les catholiques, en se réclamant des mêmes valeurs évangéliques, ont toute liberté dans leurs engagements politiques. Par contre, sur tout ce qui relève des décisions morales concernant le début et la fin de vie, l’exercice de la sexualité (l’usage de la contraception et de l’avortement), la vie de couple avant le mariage, le divorce, l’homosexualité, les autorités catholiques tiennent ferme sur les principes traditionnels. Il n’est que de lire sur ces sujets le Catéchisme catholique de Jean-Paul II qui est selon le pape« norme sûre pour l’enseignement de la foi ». On connaît les déclarations invariables des autorités catholiques, répétées d’année en année qui se réclament de la Loi naturelle instaurée à leurs yeux par Dieu au commencement de l’humanité ! Les plus ouverts, pape et évêques, se veulent miséricordieux pour les transgresseurs de la Loi de Dieu, mais ceux-ci doivent venir faire amende honorable à l’évêque ou aux prêtres dans la confession ou dans une démarche près d’eux. Qui ne voit que sous couvert de bienveillance on humilie les divorcés remariés, qui seuls connaissent la complexité de leur situation déjà vécue comme un échec !

Les catholiques sont donc tout sauf un groupe unifié, pensant et conduisant pareillement leur existence. C’est une fiction de croire le contraire, une duperie de parler en leur nom. Dans le débat actuel sur les problèmes éthiques, le gouvernement écoute les diverses positions et entre autres celles des autorités de l’Eglise catholique romaine. On les connaît déjà sur la pma et sur l’euthanasie. Elles ne sont pas nouvelles. L’hypocrisie, c’est de laisser entendre que tous les catholiques sont censés partager ces positions, alors qu’ils sont, sur ces questions comme sur les autres problèmes d’ordre moral, infiniment divisés. Les enquêtes le manifestent clairement. Il ne s’agit pas d’aventurisme insensé pour ceux qui souhaitent une législation en faveur de la Pma pour les couples hététosexuels et les couples de femmes homosexuelles, ni d’ouvrir la boîte de Pandore pour ceux qui aspirent à une législation nouvelle autorisant l’euthanasie dans les mêmes conditions strictes que prévoient les législations des pays du Bénélux. Dans ces pays qui ont autorisé ces pratiques, on n’a pas vu les dérives annoncées par le lobby catholique français qui veut impressionner l’opinion et le législateur avec l’énumération de conséquences apocalyptiques qui d’après lui surviendraient en cas de votes favorables.

Peut-on espérer que les responsables catholiques admettent un jour publiquement que le christianisme catholique est traversé de courants divers et à la limite inconciliables que ce soit sur le plan de la pensée théologique, des structures ecclésiales, des ministères, de la bioéthique ? Leur est-il possible de reconnaître que le dogme et la morale catholique (notamment dans le domaine des mœurs) ainsi que l’organisation pyramidale de l’Eglise est loin d’avoir ses fondements dans le message et la pratique de Jésus et même dans les écrits du Nouveau Testament, premières interprétations de l’événement Jésus ? N’est-il pas nécessaire de concevoir l’actualisation de l’héritage de Jésus selon la démarche juive traditionnelle qui serait de le réinterpréter sans cesse dans les conditions nouvelles où il s’inculture ? En ce cas l’esprit qui a animé Jésus et qui l’a fait poser au nom de son Dieu des paroles et des actes de libération en son temps serait ferment pour une multitude d’initiatives diverses (c’est déjà le cas) en même temps que jugement vis à vis de discours et de mouvements qui cherchent à l’instrumentaliser (et qu’il faut démasquer). Comment faire advenir cette nouvelle manière de vivre en disciples de Jésus sinon par un débat exigeant, libre et constructif dans l’Eglise ? Est-ce possible ? A quelle révolution copernicienne cette entreprise appelle-t-elle ?

 



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