Le Solide

Navire de Jean et David Baux,  capitaine Etienne Marchand. Il rŽalisa la premire circumnavigation marseillaise  par le cap Horn et le cap de Bonne EspŽrance en 23 mois :1790-1792.

Article publiŽ dans le journal Le TŽlŽgramme le 25.7.2001

Des Marquises ˆ Lorient : dans le sillage du Ç Solide È

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Le tableau arrire du Ç Solide È, fameux trois-m‰ts du XVIII e sicle, a ŽchouŽ sur le canapŽ d'un antiquaire lorientais. (Photo Pierrig Guennec)

La boutique d'antiquitŽs de M. Prunet ˆ Lorient a hŽritŽ depuis quelques jours d'une belle pice : une partie du tableau arrire du Ç Solide È, un fier trois-m‰ts du XVIII e sicle qui a fait le tour du monde et mouillŽ au nord de l'archipel des Marquises, o aucun EuropŽen n'avait encore posŽ un pied.

Elle est juchŽe sur un canapŽ style Louis XV, Žpoque NapolŽon III, sur lequel sont ŽparpillŽs quelques cartes de l'Orient datant du XVIII e sicle. Elle s'adosse nonchalament ˆ la bibliothque, c'est une belle pice encore pour son ‰ge. Environ 2m70 de longueur, 60 cm de hauteur, 55 kg et 211 ans. Elle, c'est une partie du tableau arrire du ÇSolideÈ, vaisseau du XVIII e sicle. C'est d'ailleurs sur cette partie qu'on peut lire le nom du navire. CanapŽ Louis XV, cartes et surtout ce morceau du ÇSolideÈ se trouvent aux Ç Chevau-LŽgersÈ, une boutique d'antiquitŽs de Lorient propriŽtŽ de M. Prunet. Vendredi 13 a portŽ chance ˆ l'antiquaire qui a acquis ce jour-lˆ ce qu'il reste du tableau arrire du ÇSolideÈ. Pour lui, c'est le seul arrire de navire connu ˆ la vente. Et la pche para”t d'autant plus bonne que le vaisseau a une histoire.

Vermine dans les peaux
Le ÇSolideÈ est construit ˆ Marseille en 1790. C'est un trois m‰ts de 329 tonneaux, une taille moyenne pour l'Žpoque. Le 14 dŽcembre, il largue les amarres pour l'AmŽrique sous le commandement d'Etienne Marchand. L'objectif est d'acheter des fourrures aux indiens pour les revendre en Chine. Le 30 aožt 1792, il revient dans la citŽ phocŽenne, ce qui n'est pas un maigre exploit pour l'Žpoque. Il est le deuxime navire ˆ voiles franais, aprs Bougainville, ˆ rŽussir un tour du monde. Mais les peaux n'ont pu tre vendues en Chine et elles sont abimŽes par la vermine. Les armateurs Jean et David Baux en sont pour leurs frais.

ÇLes ”les de la rŽvolutionÈ

Si le voyage est un Žchec commercial, il n'en est pas de mme sur les plans scientifiques et gŽographiques. Etienne Marchand est le premier ˆ mettre le pied ˆ terre dans le nord de l'archipel des Marquises. Il baptise les ”les qu'il dŽcouvre Ç”les de la RŽvolutionÈ. Les journaux Žcrits par lui et ses compagnons contenaient d'abondantes observations gŽographiques, hydrographiques et ethnographiques. DŽbut XX e, la trace du tableau arrire se retrouve dans une famille de la Roche Bernard. Si ce tableau a ŽtŽ conservŽ au cours des sicles, on peut imaginer que c'est parce que le bateau avait une histoire. Quatre collectionneurs plus tard, il Žchoue sur le canapŽ Louis XV des ÇChevau-LŽgersÈ.

Clous et bleu d'azur d'origine

La pice n'est pas complte, il manque le panneau du bas. Le temps a aussi eu raison des dorures sur les lettres et les feuilles d'acanthe qui entourent le tableau. Mais autrement, il est en bon Žtat. La peinture bleu azur est d'origine. Il reste mme engoncŽ dans le sapin des clous typiques du XVIII e sicle, en fer forgŽ et ˆ tte carrŽe. M. Prunet estime la pice environ 110.000 francs. Il aimerait bien qu'elle soit rachetŽe par un musŽe. Et pourquoi pas de la ville de Marseille qui avait dŽjˆ consacrŽ une exposition en juillet 2000 ˆ l'expŽdition d'Etienne Marchand ? Quant ˆ ceux que l'histoire du ÇSolideÈ fait rver, ils peuvent toujours lire les pages que Jules Verne a consacrŽ au bateau dans ÇLes grands navigateurs du XVIIIe sicleÈ.